Guerre entre Israël et le Hamas : l'armée israélienne diffuse des images de l'attaque du 7 octobre à des journalistes français

Article rédigé par franceinfo - Samah Soula
France Télévisions
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Temps de lecture : 7min
Un terroriste du Hamas, filmé par une caméra, lors de l'attaque du 7 octobre 2023 au festival Tribe of Nova, près du kibboutz de Réïm (Israël). (AFP)
L'ambassade d'Israël a organisé mardi une projection d'images des exactions commises par les terroristes du Hamas à laquelle a assisté France Télévisions.

Ce sont 43 minutes d'images brutes sans commentaire. Du sang, des exécutions, des tirs... La terreur se répète, dans le regard de victimes traquées, dans la détresse d'un enfant, dans les images de corps inertes brutalisés. L'ambassade d'Israël à Paris a organisé, mardi 7 novembre, la première projection en France d'une compilation des images documentant l'attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas, qui a fait plus de 1 400 morts. La vidéo, glaçante, au contenu indiffusable au grand public, a déjà été montrée en Israël à des journalistes et des parlementaires, ainsi qu'aux Etats-Unis et dans d'autres pays. L'armée israélienne a décidé de multiplier les projections devant des journalistes, dans ses ambassades à travers le monde.

L'objectif est de faire témoigner les journalistes de l'existence de ces preuves du massacre et de leur contenu. Un mois après l'attaque terroriste, la riposte massive à Gaza engendre de très nombreuses victimes civiles et il s'agit pour Israël de rappeler ce qui a provoqué ces représailles sans précédent. "J'ai lu dans la presse que c'était pour la hasbara, afin de rallier la communauté internationale à notre cause, mais je suis personnellement en désaccord avec ce cadrage. Oui, c'est la hasbara mais c'est celle du Hamas", explique le porte-parole de l'ambassade en guise d'introduction. La "hasbara" est un terme en hébreu qui veut dire "explication", et qui désigne la communication, la diplomatie publique israélienne. Il ne développera pas plus.

Des scènes insupportables

Dans l'ambassade israélienne, la cinquantaine de journalistes invités est rassemblée autour d'une grande table ovale au bout de laquelle a été positionné un écran, rappelant les salles de crise des états-majors. Chacun a laissé son téléphone à l'extérieur et signé un engagement à ne rien enregistrer. Un lourd silence laisse place à un titre qui s'affiche sur l'écran noir – "Hamas massacre" – et une mention "images brutes collectées". Certaines proviennent de vidéos retrouvées dans les téléphones ou les caméras embarquées des terroristes. D'autres sont issues de la vidéosurveillance, des téléphones des victimes et des premiers secours. Sur l'écran, les différents lieux de l'attaque se succèdent. Route, arrêt de bus, kibboutz, jusqu'au désert où se déroulait le festival de musique Tribe of Nova. Les images, non commentées, ne sont pas sous-titrées. Une traduction des propos entendus en arabe et en hébreu est proposée aux journalistes sur une feuille de papier.

Les séquences montrent des exécutions, souvent à bout portant, par des terroristes qui ne rencontrent presque aucun obstacle dans leur épopée macabre. Dans le kibboutz de Netiv HaAsara, une caméra domestique filme un père et ses deux enfants d'une dizaine d'années cherchant à échapper aux terroristes. Ils sont en caleçon, manifestement surpris dans leur sommeil. Recroquevillés dans un cabanon, ils sont rattrapés par les assaillants, qui jettent une grenade. Le père est tué, les deux garçons sortent en courant, ensanglantés. En pleurs, ils regagnent leur cuisine. Celui qui semble le plus âgé crie en anglais à son frère "Daddy is dead, Daddy is dead !" ("Papa est mort !") et ajoute dans un cri pétrifiant "Why am I alive ?" ("Pourquoi suis-je en vie ?"). A un mètre d'eux, un terroriste ouvre le réfrigérateur prend un soda et leur propose froidement de l'eau. La scène est insupportable. Dans la salle, des journalistes reniflent et tentent de contenir leurs larmes. Les deux garçons ont survécu mais l'un a perdu l'usage d'un œil. Leur père et leur frère aîné, eux, sont morts.

Une tuerie de masse méthodique

Une grande partie de ces images d'une extrême violence a déjà circulé. Mais ce qui frappe dans leur enchaînement, c'est la jubilation des assassins, qui tuent, se congratulent, remercient dieu, se filment hilares et célèbrent leurs exactions, avant de recommencer. L'illustration la plus effrayante de cette joie à tuer des Israéliens se trouve sans doute dans une séquence audio dans laquelle un terroriste appelle ses parents à Gaza pour leur dire qu'il vient de "tuer 10 juifs". "Leur sang est sur mes mains", leur hurle-t-il fièrement, avant d'ajouter : "Papa, maman, votre fils est un héros."

Dans chaque scène, la méthode des assaillants est la même, ils procèdent presque tranquillement, s'assurant à chaque fois que les victimes sont bien mortes. Des corps carbonisés jalonnent les séquences. Dans une scène filmée sur le portable d'un terroriste, l'un d'entre eux tente de décapiter à coups de pioche un homme mort. "Filme, filme !", hurle un des terroristes situé hors champ. Sur les lieux du festival Tribe of Nova, les plans de corps sans vie fauchés dans leur fuite ou agglutinés pour se cacher se succèdent. Trois jeunes hommes sont aussi embarqués comme des sacs à l'arrière d'un pick-up. L'un d'entre eux semble avoir un bras arraché. On sait aujourd'hui qu'ils sont otages à Gaza. Lorsque le premier policier israélien arrive sur les lieux, il appelle sa base et décrit "un mort, deux, trois". En avançant, il découvre derrière un grand bar à ciel ouvert davantage encore de victimes : "Tout le monde est mort", dit-il dans sa radio. Avant de crier : "Il y a des vivants ?" Aucune réponse.

La bataille de l'opinion

A la fin de la projection, quelques lignes s'affichent sur fond noir : "138 corps ont été montrés à l'écran, à peine 10% des victimes". Des questions sont autorisées. Mais celles-ci ne doivent porter que sur la vidéo, pas sur le conflit en lui-même. La communication concerne le récit de la guerre, pas la guerre elle-même. Ces images seront projetées dans d'autres pays dans les jours et semaines qui viennent. Israël n'exclut pas d'organiser des diffusions à des parlementaires à travers le monde. Ce sera le cas en France, devant l'Assemblée nationale, le 14 novembre

Ces images instruiront sans doute l'histoire, mais il s'agit aujourd'hui pour Israël de gagner la bataille de l'opinion. Après les attaques de Mohamed Merah, la France avait choisi de ne pas dévoiler les vidéos filmées par le terroriste. En choisissant de montrer celles du 7 octobre, même à un public restreint, l'objectif de l'armée israélienne est clair : s'assurer que la presse internationale n'oublie pas ce qui a déclenché la guerre à l'heure où les images des victimes civiles des bombardements à Gaza inondent les médias.

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