"Couper les rues, ça gêne trop de gens, mais on va aller devant les bureaux des ministres pour protester" : au Liban, la contestation change de forme
Le mouvement de protestation très fort contre le système politique se poursuit au Liban, mais les rues ne sont plus bloquées par les manifestants.
Il n'y a quasiment plus de barrages ou de routes coupées dans Beyrouth et les grandes villes du Liban, mercredi 6 novembre. Les forces de l’ordre sont intervenues pour rouvrir la circulation, sans heurts, avec des manifestants beaucoup moins nombreux, conscients aussi que ce mode d’action devenait impopulaire. "Cela s'est un peu calmé, parce que couper les rues, ça gêne trop de gens. Mais on va aller jusque devant les bureaux des ministres, pour protester", affirme Adi, âgé d'une cinquantaine d'années, qui porte un t-shirt ciglé "résistance civile".
La contestation sociale, qui a démarré à la mi-octobre avec des dizaines de milliers de personnes dans la rue pour dénoncer un système politique à bout de souffle, hérité de la guerre civile des années 80, arrive désormais à un tournant. Fini, les blocages de rues donc, les manifestants optent pour des manifestations éclairs désormais. Devant les sièges de la banque centrale et des grands opérateurs téléphoniques, devant le ministère de l’Électricité, ou encore devant la luxueuse marina de Beyrouth de la famille du premier ministre, Saad Hariri, qui a démissionné la semaine dernière mais expédie encore les affaires courantes.
La classe moyenne est partie, il n'y a plus que les pauvres et les très très riches. On ne peut pas continuer comme ça !
Adi, un manifestantà franceinfo
Des cibles qui représentent la déliquescence de l'État et les abus de la classe politique, résume Adi : "Si vous voyez tous les partis aujourd'hui au Liban, ils ont tout pris et n'ont rien donné. Il y a de la corruption bien sûr, c'est la catastrophe !"
Appauvrissement d'une majorité de Libanais, creusement des inégalités, économie au point mort, État surendetté et surtout responsables politiques qui se partagent le gâteau depuis la fin de la guerre civile... Voilà le terreau de cette contestation sociale, que certains qualifient déjà de révolution. Parce que pour la première fois, elle dépasse les appartenances religieuses sur lesquelles les partis prospèrent depuis 30 ans, selon Sami, un autre manifestant : "Ils jouent avec la religion, ça fait 30 ans."
Ils sont en train de changer des lois pour voler plus.
Sami, un manifestantà franceinfo
Tout un système que les Libanais les plus remontés veulent cette fois faire tomber, en particulier ceux de la nouvelle génération. Mais les partis traditionnels et leur chef ne sont pas encore prêts à lâcher. "Même s’ils n’ont pas l’air de s’entendre en public, en fait ils se partagent tout sous la table… Ils essayent maintenant de calmer le jeu, mais ça ne vas pas marcher", explique Imad, qui reconnaît une pause dans la mobilisation. Mais en attendant, selon lui, la nomination d’un nouveau gouvernement que la rue libanaise veut sans couleur partisane et composée d’experts pour des réformes urgentes.
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