Explosion à Beyrouth : "Le pouvoir politique est un barrage à l'élucidation de la vérité", dénonce le politologue Joseph Bahout
Le directeur de l'Institut Issam Farès de l'université américaine de Beyrouth place ses espoirs dans la société civile et des élections législatives prévues au printemps prochain. Il espère que "la douleur" sera "un adjuvant" pour construire "une force politique de substitution".
"Le pouvoir politique est non seulement un barrage à l'élucidation de la vérité, mais il est très largement responsable de l'importation des explosifs, et surtout coupable par sa négligence volontaire" avant et après l'explosion dans le port de Beyrouth, déclare mercredi 4 août sur France Inter Joseph Bahout, politologue, directeur de l'Institut Issam Farès de l'université américaine de Beyrouth.
Un an après l'explosion meurtrière, "l'enquête n'a pratiquement pas avancé d'un pouce", dénonce le politologue. "Non seulement elle n'avance pas, mais pratiquement à chaque fois qu'un juge avance d'un mètre les autorités politiques s'arrangent pour torpiller l'enquête et le juge ou pour protéger les coupables présumés en arguant d'immunité parlementaire, d'immunité administrative ou autre, donc on est dans un crime à répétition", poursuit-il.
Des secouristes envoyés "sciemment à la mort"
Joseph Bahout estime que les questions autour du stockage de nitrate et de l'explosion d'août 2020 n'ont pas été élucidées, à commencer par la cause exacte de l'explosion. Il assure que "les autorités ont reçu des rapports successifs" sur le stockage de ces produits explosifs et "n'ont rien fait". Rappelant qu'il y a eu deux explosions successives, il estime que les autorités sont notamment "responsables le jour de l'explosion, d'avoir très, très mal géré le premier incident". Après la première explosion, plus légère, "il s'agissait de ne pas envoyer sur place des équipes de secouristes qui ont été en fait envoyées sciemment à la mort".
Joseph Bahout salue le "réveil" de la société civile libanaise après cette catastrophe, mais regrette qu'elle n'ait "pas pu s'organiser politiquement" depuis. Il "espère que la douleur va être un adjuvant pour construire cette force politique de substitution. Le test va être les élections législatives au printemps prochain si elles ont lieu, on va voir ce que pourra faire cette société civile", poursuit-il, tout en craignant un risque de basculement vers une "violence radicale".
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