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Le siège de Madaya révèle une opposition au Hezbollah dans la communauté chiite

Alors que le régime syrien a accepté une livraison d’aide au compte-gouttes à Madaya, la famine organisée de la population a rejailli sur le Hezbollah libanais qui participe au siège de la ville. Pour la première fois, des voix chiites libanaises s’élèvent pour dénoncer les «crimes» du mouvement de Hassan Nasrallah en Syrie et rejeter la responsabilité de leur communauté dans «l’holocauste» syrien
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Brandissant du pain et des photos d'enfants morts de faim, des manifestants dans la plaine de la Bekaa au Liban ont dénoncé, le 8 janvier 2015, le siège de la ville de Madaya en Syrie par le régime d'Assad et ses alliés du Hezbollah. (Ratib Al Safadi / Anadolu Agency)

Pour la première fois depuis son intervention auprès du régime de Bachar al-Assad dans la répression du soulèvement syrien, le Hezbollah, mouvement chiite libanais pro-iranien, reçoit un camouflet public retentissant de la part de ses coreligionnaires.
 
Sous le titre La déclaration de Madaya, une pétition publiée dans l’Orient-le-Jour dénonce la participation du parti de Dieu au siège de cette ville syrienne où plus d’une dizaine de personnes sont mortes de faim.

Le Hezbollah viole les valeurs humanitaires en Syrie 
Signée par une soixantaine de personnes, essentiellement des activistes, journalistes et intellectuels de la communauté chiite libanaise, le texte condamne la privation de la population de Madaya de nourriture, d’eau et de médicaments, «une violation de toutes les valeurs humanitaires et les droits de l’Homme».
 
Pour les signataires, les négociations autour de l’aide à apporter à des gens affamés est une preuve des agissements du régime et des forces chiites qui le soutiennent. Ils refusent que l’ensemble de leur communauté soit comptable de ce qui se passe à Madaya.
 
«Nous faisons porter la responsabilité exclusivement à ceux qui sont en train de perpétrer ces crimes. Nous proclamons l’innocence des chiites face à "l’holocauste" syrien et ses résultats », écrivent ils.

Inadmissible de se moquer de la souffrance des autres 
Parmi les audacieux pétitionnaires, figurent les journalistes Malek Kamel Mroué, Moustapha Hani Fahs et Ali el-Amine. Ce dernier, analyste politique déjà connu pour ses prises de position contre le parti de Dieu, va encore plus loin cette fois-ci.
 
Horrifié par les messages d’internautes favorables à Bachar al-Assad et au Hezbollah, ironisant sur les photos des personnes faméliques diffusées sur les réseaux sociaux, il juge «inadmissible de se moquer de la souffrance des autres» et réclame une condamnation politique de ces agissements.
 
«Les chiites du Sud ont connu le siège israélien, rappelle-t-il, et comprennent très bien l’horreur d’une telle situation.» Pour Ali el-Amine, cela n'a plus rien à voir avec l'esprit de résistance et «la communauté chiite paie le prix de l’implication du Hezbollah en Syrie puisque, tout d’abord, elle perd beaucoup de personnes tuées au combat.»

Tous les chiites ne soutiennent pas le Hezbollah mais ne peuvent le dire 
Dans l’entretien accordé au quotidien libanais francophone, Ali el-Amine souligne lui-même l’importance de cette démarche. «Le pouvoir du Hezbollah n’est pas comme celui des autres partis dans les autres communautés, explique-t-il. La plupart des chiites ne soutiennent pas le Hezbollah, mais ils n’ont pas les moyens de s’exprimer.»
 
Dans leur pétition, les dissidents appellent au retrait immédiat des éléments armés libanais en Syrie qui combattent aux côtés du régime, notamment dans les régions proches du Pays des cèdres telles que Zabadani et Qalamoun.
 
Toujours selon le texte, «les habitants de ces régions sont soumis à des changements démographiques qui brisent le tissu social et historique commun aux deux peuples libanais et syrien et qui marqueront le vivre-ensemble pour les dix prochaines années.»

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