Les législatives au Liban sont "jouées d'avance" et vont consacrer "la mainmise du Hezbollah", estime le politologue Antoine Basbous
Les premières élections législatives dans le pays depuis 2009 s'annoncent sans surprise, selon le politologue, à la tête d'un cabinet de consultants spécialisé sur le monde arabe.
Pour la première fois depuis 2009, les Libanais élisent leurs députés ce dimanche 6 mai. Le nouveau mode de scrutin proportionnel, et non plus majoritaire pourrait conduire à un léger recul du Hezbollah dans son fief. Mais cette "élection est jouée d'avance", affirme sur franceinfo le politologue Antoine Basbous. Il est directeur de l’Observatoire des Pays Arabes, un cabinet de consultants spécialisé dans les questions arabes. Pour lui ce vote est en fait "le dernier acte de la mainmise du Hezbollah sur le Liban".
franceinfo : Existe-t-il un enthousiasme pour ces élections dans le pays ?
Antoine Basbous : Il y a quelques petits espoirs, quelques petites lueurs de changement, mais c'est surtout une élection jouée d'avance. Les Libanais s'intéressent beaucoup à la corruption, à la faillite de leur Etat, au poids de la dette, au poids des réfugiés syriens qui sont 1,5 million, soit le tiers de la population. Il y a aussi les infrastructures qui sont défaillantes. Il n'y a pas de service d'eau dans un pays où il y a des montagnes et de la pluie. L'électricité, cela fait 30 ou 40 ans qu'elle est absente. La crise du ramassage des ordures, qui a commencé il y a deux ans, n'est pas réglée, donc les rues sont noyées dans les ordures. Il y a énormément de choses qui sont négatives. Et ajoutons à cela le népotisme, le féodalisme. Tout cela fait que ces élections ressembleront à d'autres, même s'il y a toujours un enthousiasme des Libanais à chaque rendez-vous électoral.
Voyez-vous quand même ce scrutin comme un progrès, avec l'émergence de nouvelles forces politiques ?
Je ne vois pas de nouvelles forces politiques émerger, sauf peut-être quelques têtes de listes à la marge. En revanche on peut avoir plusieurs lectures de ce scrutin. C'est vrai que c'est la première fois depuis neuf ans qu'il y a des élections, le parlement avait auto-prolongé son mandat à deux reprises. Et si on veut regarder cela de façon naïve on peut dire que c'est l'illustration de la démocratie dans une région qui est dévorée par les guerres, les guerres civiles et les dictatures. Mais il y a une autre lecture, plus stratégique, qui est de voir dans ce scrutin le dernier acte de la mainmise du Hezbollah sur le Liban. En fait le Hezbollah contrôle le pays de facto, et là il cherche à transformer ce fait accompli, de le graver dans la loi. Il est très probable que le Hezbollah avec ses alliés contrôlent près de 45 députés sur 128.
Le Hezbollah est toujours placé sur une liste d'organisations terroristes par plusieurs pays dont les États-Unis. N'est-il pas quand même un gage de stabilité dans cet équilibre politique fragile ?
Ce n'est pas de la stabilité, c'est de la mainmise militaire. Ses adversaires ont été éliminés, exilés ou tués donc, de ce fait, il reste la seule organisation qui décide de la paix, qui décide de la guerre, qui a une armée plus puissante que celle de l'Etat libanais. Qui reste aussi le bras armé de l'Iran en Méditerranée, c'est le Hezbollah qui l'a revendiqué et qui a a sauvé le soldat Assad en 2012 en envoyant près de 10 000 miliciens pour sauver le régime syrien. Donc l'ADN du Hezbollah, il ne faut pas l'oublier, c'est d'être le bras armé de l'Iran en Méditerranée. Il ne faut pas se laisser détourner de cette réalité.
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