: Reportage Au Liban, des médicaments contre le cancer disparaissent : pour les malades, une question de "vie ou de mort"
Au Liban, l'équivalent de deux millions de dollars de médicaments contre le cancer ont mystérieusement disparu des réserves du ministère de la Santé. Des traitements onéreux, souvent volés et revendus sur le marché noir.
Dans un couloir du service d'oncologie de l'Hôtel-Dieu de Beyrouth, Joseph Chahine, 80 ans, atteint d'un cancer du poumon, souffle : "ça devient de plus en plus difficile". Un largement pansement accroché sur la gorge, il constate avec fatalité que son traitement est quasiment introuvable, lui qui doit enchaîner chaque semaine les séances d'immunothérapie.
L'Etat libanais est en banqueroute et ne parvient plus à importer le sérum pour soigner Joseph. Les derniers flacons qui étaient encore disponibles ont disparu du ministère de la Santé, probablement volés pour être revendus au prix fort. "On peut trouver les médicaments en Turquie ou d'autres pays, mais le prix est horrible", constate Marwan, le fils de Joseph, qui évoque des prix de "3 000 dollars par séance". "On les cherche par des intermédiaires, on n'est pas sûr que ce sont les vrais. C'est un médicament qui va signifier la vie ou la mort de mon père." A l'Hôtel-Dieu, les médecins tentent de rassurer les patients. "Ça va passer, encore cinq séances et ça va passer", répète le docteur Fadi Karak à Joseph.
Se soigner devient un luxe
Les patients se retrouvent souvent démunis et la plupart doivent se procurer eux-mêmes leurs médicaments. Mais de plus en plus de malades n'ont plus les moyens de se soigner. "Ils vont arrêter le médicament et le cancer va très probablement revenir, se désole le docteur Fadi Karak. On peut améliorer les chances de survie des patients, leur qualité de vie, et on est obligés, pour des problèmes économiques, de corruption dans ce pays, d'arrêter ces médicaments. C'est très frustrant." Une frustration partagée par la plupart de ses collègues, comme le professeur Joseph Kattan. Il voit chaque jour l’état de ses patients se dégrader faute de traitement : "C'est catastrophique", lance-t-il.
"On est en train de vivre chaque jour le calvaire de ces patients et on ne peut rien faire."
Joseph Kattan, médecinà franceinfo
Les médecins ne peuvent que constater la pénurie. "On sait qu'il y a cette rupture d'importation et en plus, la corruption continue au ministère de la Santé avec des trafiquants qui continuent à faire leurs bénéfices au prix des malades", s'agace le professeur Kattan. Des malades qui, pour beaucoup d'entre eux, ne prennent même plus la peine de venir à l'hôpital, selon ce médecin.
Au manque de médicaments s'ajoute les problèmes liés aux assurances de santé libanaises, qui ne prennent presque plus rien en charge. Dans un pays qui s'enfonce dans une crise économique sans fin, se soigner devient un luxe que seule une infime minorité peut encore s'offrir.
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