"Nous sommes en train de mourir doucement"

Dans un Liban meurtri par la crise, sept jeunes racontent leur quotidien, leurs frustrations et leurs espoirs.

L'économie s'effondre et emporte avec elle les espoirs de la jeunesse. Au Liban, franceinfo a rencontré sept hommes et femmes de moins de 30 ans, exposés à cette crise profonde. Comment débutent-ils leur vie d'adulte dans un pays à l'économie réduite en poussière ? Arrivent-ils à se projeter dans un Etat miné par la corruption et marqué par des éruptions de violences ? Sally, Hassan, Mohammad, Marwa, Ibrahim, Mona et Ahmad décrivent, face caméra, comment la crise affecte chaque aspect de leur vie. Ils racontent le chômage de masse, le coût de la vie, l'inclusion des réfugiés, l'engagement politique ou encore la tentation de fuir le Liban pour une vie meilleure.

Pierre-Louis Caron

“Nos salaires ne valent plus rien”

Sally27 ans

Beyrouth

Sally est révoltée. A cause de l'inflation et de l'effondrement de la livre libanaise, son travail lui coûte plus qu'il ne lui rapporte et elle peine à trouver des clients. Très investie dans le mouvement de contestation qui secoue le Liban depuis octobre 2019, Sally a été invitée à se présenter aux élections législatives de 2022. Elle a refusé. Le système politique est "trop corrompu".

“Ce système ne représente pas les Libanais”

Ibrahim25 ans

Bouarij (plaine de la Békaa)

Quand il repense aux deux années passées, Ibrahim ne regrette rien. En première ligne de la "révolution", le mouvement contestataire lancé en octobre 2019, il a été détenu et torturé par les autorités libanaises. Au chômage, Ibrahim vient d'être élu au Parlement des jeunes, une structure non-officielle grâce à laquelle il souhaite s'engager autrement pour son pays.

“Je suis anxieux la nuit, mais je ne le montre pas”

Hassan26 ans

Taanayel (plaine de la Békaa)

Dans la tente où il habite avec sa famille, Hassan s'est aménagé un studio pour les vidéos qu'il publie sur YouTube. A cause de la crise, ce réfugié syrien doit enchaîner les petits boulots pour faire vivre le foyer. La vie dans le camp est difficile, beaucoup souffrent de détresse psychologique et Hassan espère un jour gagner sa vie grâce à ses vidéos, "aux Etats-Unis ou à Dubaï".

“On essaie… On verra bien”

Mohammad24 ans

Tripoli

Mohammad a créé son entreprise de climatisation juste avant la crise économique. Un pari qui s'est avéré désastreux pour le jeune homme. Sa ville, Tripoli, est considérée comme l'une des plus pauvres de la Méditerranée et sa clientèle n'a plus les moyens de faire appel à lui. Résolu, Mohammad cherche désormais à travailler dans un secteur moins sinistré.

“La plupart de mes amis ont quitté le Liban”

Marwa25 ans

Tripoli

Marwa a dû arrêter son master parce qu'elle n'avait plus les moyens de payer l'université. Elle espère que ce n'est qu'une pause et qu'elle pourra tout de même travailler dans la finance plus tard. En attendant, elle travaille pour plusieurs structures et veut rester optimiste.

“Maintenant, les clientes demandent le prix avant d'acheter”

Mona20 ans

Bar Elias (plaine de la Békaa)

Les affaires de Mona déclinent depuis l'été 2020. Palestinienne, fille de réfugiés, elle a toujours travaillé dur pour s'intégrer à la société libanaise. Dans sa boutique de cosmétiques, les clientes se font rares et dépensent moins qu'avant. La jeune femme doit pour le moment renoncer aux études d'informatique qu'elle menait en parallèle.

“Je ne peux plus envoyer d'argent à mes parents en Syrie”

Ahmad23 ans

Bar Elias (plaine de la Békaa)

Ahmad est le seul de sa famille à avoir fui la guerre en Syrie. Il travaille à présent dans une usine où il est payé quatre fois moins que ses collègues libanais. A cause de la crise, il ne peut plus envoyer d'argent à ses parents et a dû renoncer à certains produits essentiels. Avant tout, Ahmad souhaite plus d'égalité entre les habitants du pays.

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Propos recueillis par Pierre-Louis Caron

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