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Note libyenne sur la campagne de Sarkozy : qui est Bachir Saleh ?

Cet ex-dignitaire du régime de Kadhafi était, selon Mediapart, le destinaire du document révélé par le site. Il se trouve actuellement en France et serait recherché par Interpol sous un autre nom. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Bachir Saleh est visé par une "notice rouge" d'Interpol, mais sous le nom de Bashir Al Shrkawi, selon l'AFP. (THOMAS SAMSON / AFP)

Depuis quelques jours, le nom de Bachir Saleh s'est invité dans la campagne présidentielle. Cet ancien dignitaire libyen serait le destinataire de la note sur un présumé financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy par le régime de Kadhafi, révélée samedi 28 avril par Mediapart. L'intéressé, qui se trouverait actuellement en France, dément qu'elle lui a été adressée. Qui est-il ? Pourquoi est-il recherché par Interpol ? FTVi fait le point.

 • Ex-directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi

C'est en cette qualité que Bachir Saleh aurait été le destinataire du document attestant, selon Mediapart, que le régime libyen a accepté de financer à hauteur de 50 millions d'euros la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Ce dernier a porté plainte contre le site d'informations et une enquête a été ouverte par le parquet de Paris. Bachir Saleh a démenti dimanche, par le biais de l'un de ses avocats français, Pierre Haïk, avoir reçu un tel document et mis en doute son authenticité. 

Le directeur de cabinet du défunt guide libyen, né en 1946 à Agadez, au Niger, était également l'ex-trésorier du régime et président d'un fonds d'investissement libyen en Afrique. Comme le signale le Huffington Post.fr, le documentaire "Kadhafi, mort ou vif" d'Antoine Vitkine, qui doit être diffusé sur France 5 le 8 mai, révèle que Nicolas Sarkozy a rencontré Bachir Saleh en personne en juillet 2011, alors que l'intervention militaire en Libye s'enlisait. Par son intermédiaire, le président français aurait proposé à Mouammar Kadhafi l'exil et la vie sauve, en échange de l'arrêt des combats. En vain. 

• Recherché par Interpol pour escroquerie

L'ex-trésorier du régime de Mouammar Kadhafi est visé à la fois par des sanctions économiques de Washington et par une "notice rouge" d'Interpol en vue de son extradition vers la Libye pour "fraude" et escroquerie. Il est recherché par l'agence sous le nom de Bashir Al-Shrkawi. L'un de ses avocats, Marcel Ceccaldi, l'a confirmé à l'AFP. L'agence de presse a par ailleurs authentifié lundi les photos de Bashir Al-Shrkawi publiées sur le site internet d'Interpol comme étant celles de Bachir Saleh.

Un peu plus tôt lundi, le Premier ministre, François Fillon, avait affirmé qu'il n'y avait pour l'instant "aucune trace d'un mandat international" visant Bachir Saleh. Mardi, Nicolas Sarkozy a toutefois prévenu. "Nous travaillons main dans la main avec les autorités libyennes. Si M. Saleh est recherché par Interpol, il sera livré à Interpol", a affirmé le président candidat sur RMC/BFMTV, ajoutant que le ministère de l'Intérieur et le Quai d'Orsay vérifiaient encore qu'il était bien la personne visée par Interpol.

• Un homme entre la France et le Niger ?

Bachir Saleh se trouve actuellement en France, a indiqué l'un de ses avocats, confirmant une information déjà publiée début avril par Le Canard enchaîné. Selon l'hebdomadaire satirique, Bachir Saleh a obtenu "au nom du regroupement familial" un titre de séjour en France. Une information confirmée par le ministère de l'Intérieur. Le Libyen serait arrivé depuis l'île tunisienne de Djerba. Toujours selon Le Canard enchaîné, l'ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, aurait veillé à son exfiltration de Libye au moment des révolutions arabes, dans un jet privé appartenant à l'homme d'affaires Alexandre Djouhri. 

Bachir Saleh "fait actuellement des allers et retours entre la France et le Niger", a de son côté indiqué François Fillon lundi matin. Selon le Premier ministre, il serait titulaire d'un "passeport diplomatique du Niger" et à ce titre "protégé par l'immunité diplomatique". Reste que le ministère des Affaires étrangères libyen a affirmé lundi à l'AFP que Bachir Saleh n'avait plus ce passeport. Il "a décidé lui-même de restituer le passeport diplomatique qui lui avait été donné", a indiqué une source au ministère. "Et à ma connaissance, il n'est pas au Niger", a-t-elle ajouté.

Un haut responsable militaire nigérien, le colonel Djibou Tahirou, avait indiqué le 12 mars à Tripoli que le Niger avait, "sur le conseil et la pression d'un pays européen" non précisé, délivré un passeport à Bachir Saleh, avant de l'annuler. Le passeport "disait qu'il était un conseiller (politique) bien qu'il n'ait jamais été" conseiller du gouvernement du Niger, a souligné le responsable.

• Marié à une Franco-libanaise condamnée pour esclavage 

Hasard du calendrier, alors que le nom de Bachir Saleh ressurgit dans cette affaire de note libyenne, son épouse vient d'être condamnée à deux ans de prison avec sursis pour esclavage domestique dans sa résidence secondaire à Prévessins-Moëns (Ain). Kafa Kachour Bashir, une Franco-Libanaise de 56 ans qui vivait plusieurs mois par an en France, va faire appel de cette décision, selon le cabinet d'avocats de Marcel Ceccaldi, le conseil de son mari. 

Quatre Tanzaniens embauchés en Libye ont décrit leurs conditions de vie et de travail dans la luxueuse villa de Kafa Kachour Bashir : privés la plupart du temps de leurs passeports, repas constitués de restes, amplitude extrême des horaires, absence de congés, le tout pour des salaires quasi-nuls. 

Si les autorités françaises reconnaissent le mandat d'Interpol sur Bachir Saleh, la France pourrait-elle l'arrêter rapidement ? Rien n'est moins sûr. Le ministre de la Justice a souligné lundi qu'"en aucun cas", une "notice rouge" d'Interpol n'autorisait par elle-même "l'arrestation immédiate de l'intéressé". La procédure est longue et nécessite diverses vérifications au préalable. Et Michel Mercier, le garde des Sceaux, l'a rappelé : "La France et la Libye ne sont liées par aucune convention bilatérale d'extradition".

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