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L'article à lire pour comprendre la question du nucléaire iranien

Depuis douze ans, les nĂ©gociations se suivent et se terminent toujours de la mĂȘme façon : prolongation des discussions. Francetv info dĂ©crypte ce dossier aussi sensible que rĂ©current des relations internationales. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Le site d'enrichissement nucléaire de Natanz (Iran), le 9 avril 2007. (HASAN SARBAKHSHIAN / AP / SIPA )

D'accords historiques en regains de tension, le dossier du nucléaire iranien irradie les relations internationales depuis douze ans. Réunis à Vienne (Autriche), l'Iran et les grandes puissances du "5+1" - Chine, Etats-Unis, France, Russie, Royaume-Uni, membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, et Allemagne - tentent une nouvelle fois de négocier une sortie de crise durable. 

Réouvertes le 18 février, les discussions en vue d'un accord définitif se sont poursuivies jusqu'au 18 juillet, date à laquelle les deux parties se sont donné jusqu'au lundi 24 novembre minuit. Avant de les prolonger à nouveau jusqu'au 1er juillet 2015. "Ce sont des négociations incroyablement complexes, qui descendent à un niveau de détail extraordinaire", selon un participant cité par l'AFP, qui insiste : "Des pages entiÚres d'annexes sont attachées à la moindre ligne de chaque accord politique, parce que les détails sont absolument décisifs." Explications. 

Ça a commencĂ© quand, cette histoire ?

Le programme nucléaire iranien a été lancé dÚs les années 1950. Mais les tensions autour de cette question remontent à la découverte, à l'été 2002, de deux sites nucléaires construits en secret à Natanz et Arak. Les Etats-Unis accusent alors Téhéran de mettre au point "des armes de destruction massive". L'Iran donne son accord à une inspection de ses installations par les agents de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Ils découvrent des traces d'uranium enrichi, témoin d'une activité cachée.

Mais, attendez, c'est quoi le problĂšme ?

En temps que signataire, en 1968, du Traité de non-prolifération (TNP), la République islamique a le droit de développer, sous contrÎle de l'AIEA, une filiÚre nucléaire civile. Mais ce que redoutent tant les pays occidentaux que les voisins de l'Iran, Israël et les monarchies du Golfe, c'est que Téhéran ne profite de ses centrales pour enrichir de l'uranium à des fins militaires. En bref, qu'il ne se dote en secret de l'arme nucléaire, allant à l'encontre des traités internationaux qui interdisent le développement de ces armes, et démultipliant ainsi son influence dans la région.  

Depuis toujours, l'Iran dĂ©ment formellement. Ce qui n'empĂȘche pas l'AIEA de se dire, dans son dernier rapport (PDF), "prĂ©occupĂ©e par l’existence possible en Iran d’activitĂ©s liĂ©es au nuclĂ©aire non divulguĂ©es impliquant des organismes relevant du secteur militaire, notamment d’activitĂ©s liĂ©es Ă  la mise au point d’une charge utile nuclĂ©aire pour un missile".

Et que s'est-il passé depuis 2002 ?

En 2003, Téhéran accepte le principe d'inspections surprises de l'AIEA. Mais celle-ci juge cette coopération "moins que satisfaisante". Surtout, élu en juin 2005, Mahmoud Ahmadinejad durcit le ton. Il reprend ses activités de conversion d'uranium à Ispahan, puis multiplie les annonces provocatrices sur les avancées du programme. Les premiÚres sanctions sont infligées par l'ONU le 23 décembre 2006 et ne font que s'alourdir de nouveaux volets décidés par les Etats-Unis et/ou l'Union européenne.

Mahmoud Ahmadinejad, alors président de l'Iran, en visite sur le site d'enrichissement nucléaire de Natanz, le 8 avril 2008.  (REUTERS)

Le chaud-froid continue jusqu'en 2009 et l'assouplissement de la position amĂ©ricaine par la voix de Barack Obama, tout juste Ă©lu. Le 25 septembre de la mĂȘme annĂ©e, les Occidentaux dĂ©noncent la construction secrĂšte d'un deuxiĂšme site d'enrichissement Ă  Fordo. Comme beaucoup d'installations iraniennes, rapporte Le Figaro, il est semi-enterrĂ©, installĂ© sous une montagne, et trĂšs bien surveillĂ© par une caserne des Gardiens de la RĂ©volution. 

Les nĂ©gociations s'arrĂȘtent, reprennent, patinent... Puis connaissent un nouveau dĂ©part avec l'Ă©lection, en juin 2013, d'Hassan Rohani Ă  la prĂ©sidence de l'Iran. Ancien nĂ©gociateur nuclĂ©aire, il obtient l'accord du Guide suprĂȘme Ali Khamenei, dĂ©cisionnaire sur la question, pour nĂ©gocier. Le 27 septembre, le prĂ©sident iranien et son homologue amĂ©ricain se tĂ©lĂ©phonent, une premiĂšre depuis 1979. Deux mois plus tard, un accord historique limite, pour six mois, les activitĂ©s nuclĂ©aires iraniennes en Ă©change d'une levĂ©e partielle des sanctions. Il est prolongĂ© depuis, dans l'attente d'un accord dĂ©finitif. 

Du coup, c'est quoi la capacité nucléaire de l'Iran aujourd'hui ?

Ses activités se répartissent sur sept sites clés, détaillés par la BBC (en anglais). L'Iran dispose aujourd'hui officiellement de 19 000 centrifugeuses, dont plus de la moitié en activité. Capable de produire des quantités importantes d'uranium enrichi, le pays possÚde 8 tonnes d'uranium enrichi à 3,5-5%, le degré utilisé pour les réacteurs nucléaires. Mais aussi de l'uranium à 20%, le degré utilisé pour, d'une part, les usages médicaux et, d'autre part, comme premiÚre étape pour l'enrichissement à 90%, concentration nécessaire à la fabrication d'une bombe.  

De plus, l'Iran s'est construit un réacteur nucléaire à eau lourde (à Arak), qui permettrait de fabriquer du plutonium et, ainsi, d'avoir accÚs à la deuxiÚme voie possible pour atteindre l'arme atomique.

ConcrÚtement, selon Mark Fitzpatrick, de l'Institut international d'études stratégiques (IISS), interrogé par l'AFP, il faudrait moins de quatre mois à l'Iran pour produire suffisamment d'uranium enrichi à 90% pour fabriquer une bombe.

Le site nucléaire à eau lourde d'Arak (Iran), le 26 août 2006. (FARNEWS / EMAMI / SIPA)

Et les sanctions, ça marche ou l'Iran s'en fiche ? 

Plusieurs couches de sanctions s'additionnent et pĂšsent lourdement sur l'Ă©conomie du pays. Elles concernent des entreprises, des personnes citĂ©es nommĂ©ment et dont les avoirs Ă  l'Ă©tranger sont gelĂ©s. Mais aussi des secteurs d'activitĂ© entiers qui sont empĂȘchĂ©s d'Ă©changer avec le reste du monde. L'exportation de pĂ©trole a notamment Ă©tĂ© divisĂ©e par deux entre juillet 2012 et dĂ©cembre 2013. ConsĂ©quence des sanctions : le PIB de l'Iran a reculĂ© de 25% au cours des trois derniĂšres annĂ©es, sa monnaie, le rial, s'est effondrĂ©e, et le pays a connu une inflation galopante, note L'Express. De quoi faire fuir Ă  l'Ă©tranger toute une gĂ©nĂ©ration de jeunes diplĂŽmĂ©s, rapporte France Inter. 

NĂ©anmoins, "les sanctions ont surtout touchĂ© la classe moyenne iranienne et ont renforcĂ© les discours radicaux", confie Thierry Coville, chercheur Ă  l’Iris et spĂ©cialiste de l’Iran, Ă  Atlantico. "Elles lĂ©gitiment la rhĂ©torique anti-occidentale du rĂ©gime, (...) limitent le dĂ©veloppement d'une classe d'entrepreneurs non infĂ©odĂ©s Ă  l'idĂ©ologie islamique, rendent la population plus dĂ©pendante encore de l'Etat qui contrĂŽle 80% de l'Ă©conomie et favorisent la mainmise des militaires sur des pans entiers de l'industrie", abonde SĂ©bastien Regnault, enseignant Ă  Paris Dauphine, dans Le Monde (abonnĂ©s). 

Mais pourquoi on ne peut pas complÚtement se fùcher avec l'Iran ? 

Avec ses 77,1 millions d'habitants sur 1,7 million de kilomÚtres carrés, l'Iran est un poids lourd du Moyen-Orient. Mais surtout, l'Iran chiite contribue à l'équilibre précaire de la région. "Grùce à son jeu d'alliances, le pays des mollahs a de facto pris racine dans quatre capitales arabes : Beyrouth (Liban), Damas (Syrie), Bagdad (Irak) et Sanaa (Yémen)", souligne L'Express. Au pays du CÚdre, il soutient le Hezbollah, principal agent déstabilisateur du pays. En Syrie et en Irak, il appuie respectivement Bachar Al-Assad et le gouvernement de Bagdad à majorité chiite face, notamment, à la menace du groupe terroriste sunnite Etat islamique. L'Iran est donc un pivot incontournable avec lequel les Occidentaux ne peuvent se brouiller définitivement. 

Quel rÎle joue la France dans tout ça ? 

Longtemps partisan de la fermeté, quitte à refuser l'accord il y a un an, le Quai d'Orsay a modéré sa position. Alors que la France avait profité de cette intransigeance pour "faire valoir son rang sur la scÚne internationale" et "s'ouvrir de nouvelles perspectives commerciales pour les entreprises françaises dans les monarchies sunnites du Golfe, inquiÚtes de l'influence croissante de l'Iran chiite", analyse Reuters, elle pousse aujourd'hui dans le sens d'un accord. 

"Je suis ici pour rechercher un bon accord qui soit utile Ă  la sĂ©curitĂ© et Ă  la paix (...) et nous espĂ©rons que l'Iran saura saisir cette opportunitĂ©", a martelĂ© Laurent Fabius, qui a fait un aller-retour en personne Ă  Vienne, oĂč se tenaient les derniĂšres nĂ©gociations cruciales.  

Et pourquoi les négociations aboutiraient maintenant ? 

Parce que tout le monde y a intĂ©rĂȘt. Le prĂ©sident iranien Hassan Rohani le premier, qui a Ă©tĂ© Ă©lu sur une promesse : obtenir un accord pour relancer l'Ă©conomie en crise, mais aussi mettre fin Ă  l'isolement de la RĂ©publique islamique sur la scĂšne internationale. 

Le président iranien Hassan Rohani, le 13 octobre 2014 à Téhéran.  (IRANIAN PRESIDENCY / AFP)

De l'autre cÎté de l'Atlantique aussi, le dossier est sensible politiquement. Barack Obama a promis des avancées, mais le parti républicain, déjà majoritaire à la Chambre des représentants, vient de prendre le contrÎle du Sénat. Or les conservateurs sont davantage enclins à imposer de nouvelles sanctions qu'à négocier. 

Enfin, la position europĂ©enne a changĂ©. L'objectif n'est plus de dĂ©sarmer l'Iran mais d'augmenter le dĂ©lai dont le pays a besoin pour fabriquer la bombe. Les nĂ©gociateurs souhaitent ainsi porter ce breakout time au-delĂ  d'un an, afin de pouvoir dĂ©tecter suffisamment Ă  l'avance les intentions de TĂ©hĂ©ran et d'ĂȘtre en mesure de rĂ©agir. "Fondamentalement, [les Iraniens] veulent la bombe nuclĂ©aire. Ils trichent, ils ne respectent pas leur parole, ils ont signĂ© des accords qu'ils ne respectent pas mais, en mĂȘme temps, nos capacitĂ©s d'action sont trĂšs rĂ©duites. Qu'est-ce qu'on veut ? La guerre ?" rĂ©sume de son cĂŽtĂ© un diplomate français citĂ© par Reuters.

J'ai eu la flemme de tout lire, j'ai scrollé directement tout en bas, vous me faites un résumé ;) ? 

Depuis 2002 et les rĂ©vĂ©lations sur deux centrales nuclĂ©aires secrĂštes, l'Iran se retrouve accusĂ© de vouloir se doter de l'arme atomique. MĂȘme s'il dĂ©ment catĂ©goriquement, TĂ©hĂ©ran rechigne Ă  ĂȘtre transparent sur le sujet, voire joue la provocation. Depuis douze ans, cela inquiĂšte tant ses voisins, IsraĂ«l et monarchies du Golfe en tĂȘte, que les Etats-Unis et l'Union europĂ©enne, qui lui imposent de lourdes sanctions Ă©conomiques sans pouvoir complĂštement lui tourner le dos, du fait de sa position centrale dans la poudriĂšre du Moyen-Orient.

Selon les experts, l'Iran ne mettrait que quatre mois à fabriquer une bombe nucléaire. Un délai que les négociateurs aimeraient voir allongé à un an, histoire d'avoir le temps de réagir. Depuis que le pays a élu, en 2013, un président modéré qui a promis un accord, les discussions progressent vers une résolution définitive.  

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