Le chemin de croix des réfugiés chrétiens d'Irak pour être accueillis en France
Quelque 200 personnes, fuyant les persécutions des jihadistes de l'Etat islamique, ont trouvé refuge depuis cet été en France. Dans quelles conditions et sur quels critères ? Explications.
Ils fuient les massacres et les persécutions. Un groupe de chrétiens d'Irak doit atterrir, vendredi 10 octobre, en France. Ce n'est pas la première fois que l'Hexagone accueille des réfugiés visés par les exactions perpétrées par les jihadistes de l'Etat islamique (EI).
A la fin juillet, les ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères, Bernard Cazeneuve et Laurent Fabius, ont affirmé, en effet, qu'ils étaient favorables à l'accueil, au nom du droit d'asile, de ces populations persécutées. Ces annonces ont provoqué un afflux massif vers l'ambassade française à Bagdad et le consulat à Erbil, capitale du Kurdistan irakien. Près de 10 000 demandes de visa y ont été déposées, la plupart via internet, selon l'Association d'entraide aux minorités d'Orient (Aemo), contactée par francetv info.
Des moyens d'accueil limités
Depuis, un peu plus de 200 chrétiens d'Irak et yézidis, en majorité des familles, ont rejoint le territoire français : onze début août, une quarantaine à la fin de ce mois, puis un groupe de 150 réfugiés le 20 septembre. Si ces personnes ont voyagé dans un avion affrété par l'Etat, une dizaine serait parvenue jusqu'en France "par leurs propres moyens", précise à francetv info Pascal Brice, directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Toutes les demandes ne pourront toutefois pas aboutir. Malgré les 400 000 euros d'aide humanitaire dégagée par le gouvernement pour couvrir les frais de certaines familles en détresse, les moyens manquent cruellement. Les centres d'accueil, saturés, ne peuvent faire face à cet afflux de réfugiés.
Pour Pierre Henry, directeur de France terre d'asile (FTDA), "nous ne pouvons pas répondre aux 10 000 personnes ayant demandé un visa". Tout au plus "10% d'entre elles pourraient venir d'ici à un an", estime de son côté Elish Yako, secrétaire général de l'Aemo. Et encore. "Aujourd'hui, ce qui fonctionne, c'est la solidarité familiale et communautaire. Mais cela ne marche qu'un temps !", regrette Pierre Henry, soulignant le manque de moyens en France pour mener une véritable politique d'accueil.
Visas d'asile et liens avec la France
Pour pouvoir trouver refuge dans l'Hexagone, les chrétiens d'Irak ont ainsi dû justifier de "liens" avec la France, en plus de prouver leur appartenance à cette minorité persécutée. Ce qui relève parfois du défi, raconte La Vie. Les 200 réfugiés récemment arrivés avaient tous des proches, en région parisienne ou en province, pour pouvoir les héberger.
C'est sur ces critères que des visas pour l'asile leur ont été délivrés. Ce sésame est destiné aux populations menacées dans leur pays, ce qui explique qu'il concerne les chrétiens d'Irak et les yézidis, dont les persécutions sont qualifiées de quasi-"génocide" par les associations et certains politiques.
Utilisé "dans les zones de crise", explique le ministère de l'Intérieur au Monde, ce visa permet d'accélérer l'accès à l'asile et au statut de réfugié. Mais son obtention n'est pas aisée. Seuls 112 visas pour l'asile ont été accordés en 2013 sur 350 demandes, écrit le quotidien. De l'aveu même de Pascal Brice, "ce n'est pas la procédure la plus répandue".
Une générosité globale "très maîtrisée"
Une situation qui laisse dubitatif Mathieu Guidère, professeur d'islamologie. "Il y a deux poids deux mesures par rapport à la Syrie. Il y a pourtant un massacre inimaginable commis, entre autres, par un même acteur qu'en Irak : l'Etat islamique", juge-t-il dans l'Express. Pour le spécialiste du monde arabe, "si nous ne volons pas au secours de la Syrie, n'est-ce pas parce que la majorité des réfugiés sont musulmans ?"
A France terre d'asile, Pierre Henry se montre catégorique :"Je ne veux pas opposer les uns aux autres. Il est légitime qu'on accueille les chrétiens d'Irak, il n'y a pas de discussion à avoir sur ce point."
Reste que "Daesch [l'Etat islamique] menace tous ceux qui ne pensent pas comme lui" et que "nous avons un devoir d'accueil sur une base universelle". Pour Pierre Henry, "la question n'est pas simplement celle de l'accueil des chrétiens d'Irak. C'est celle de toutes les personnes persécutées. Et sur ce point, la générosité de la France est très maîtrisée".
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