Le Premier ministre Nouri Al-Maliki évincé, l'Irak au bord de la crise politique
Le président irakien a désigné un nouveau Premier ministre, Haïdar Al-Abadi. Décrié pour son sectarisme, Maliki a été lâché par son propre camp, mais ses troupes sont déployées à Bagdad.
Sa détermination à conserver le poste de Premier ministre irakien lui avait fait perdre beaucoup d'alliés : Nouri Al-Maliki a finalement été lâché par son propre camp. Lundi 11 août, le bloc parlementaire chiite, majoritaire à l'Assemblée nationale irakienne, a préféré désigner Haïdar Al-Abadi comme son candidat au poste de Premier ministre plutôt que le sortant, qui appartenait pourtant au même parti.
Le président de la République, accusé la veille par Al-Maliki de violer la Constitution en refusant de nommer un nouveau chef du gouvernement, a immédiatement chargé Al-Abadi de cette mission. Mais tout indique que Al-Maliki ne se laissera pas faire. Dans la nuit de dimanche à lundi, il avait déployé des troupes à Bagdad, en guise de démonstration de force.
Al-Maliki incapable de former un gouvernement
Jugé autoritaire et sectaire, Nouri Al-Maliki, en poste depuis 2006, est accusé de favoriser sa communauté chiite, et d'attiser ainsi les violences communautaires ayant débouché sur une offensive des jihadistes sunnites de l'Etat islamique. Dans une position précaire après une courte victoire aux élections législatives d'avril dernier, Al-Maliki a depuis multiplié des nominations de chiites à la direction de l'armée. Une attitude qui a renforcé les craintes sur son intention de ne pas lâcher le pouvoir.
Incapable de réunir autour de lui une coalition parlementaire et un gouvernement d'union nationale, Maliki était appelé à démissionner jusque dans son camp, et le président de la République, Fouad Massoum, a refusé de le nommer comme nouveau chef de gouvernement, même une fois la date limite, fixée au 10 août à minuit, dépassée. Le soir même, le Premier ministre a dénoncé une violation de la constitution et a porté plainte. La Cour suprême fédérale a confirmé, le lendemain, que le nouveau chef du gouvernement devait être issu du premier groupe parlementaire, dont Al-Maliki fait partie. Mais elle a démenti, en revanche, avoir donné raison à ce dernier, qui présentait cet arrêt comme une preuve de son bon droit.
Des troupes déployées à Bagdad
Mais c'est de ce groupe parlementaire qu'est venu le coup de grâce. Lundi, l'Alliance nationale a désigné comme candidat au poste de Premier ministre un autre chiite, issu du même parti que Maliki : le vice-président du parlement, Haïdar Al-Abadi. Dans la foulée, il a été chargé par le président Fouad Massoum de former un gouvernement sous trente jours. Abadi a immédiatement été félicité par les Etats-Unis : "Nous espérons que M. Maliki ne va pas semer la pagaille" a prévenu le secrétaire d'Etat (l'équivalent du ministre des Affaires étrangères), John Kerry.
Mais le camp de Al-Maliki a immédiatement répliqué par l'intermédiaire du gendre de l'actuel Premier ministre : "La nomination [d'Abadi] est illégale et enfreint la Constitution. Nous allons porter devant la Cour fédérale notre opposition à cette nomination." Et si la voie légale ne suffit pas, Maliki pourrait tenter de se maintenir par la force. Des troupes des forces spéciales, fidèles à Al-Maliki, sont déployées depuis la nuit de dimanche à lundi dans Bagdad, et notamment aux entrées de la ville et dans la Zone verte, le quartier du pouvoir. Un geste vu comme un moyen de mettre la pression sur le président. Cette confusion profite aux combattants de l'Etat islamique : lundi, les jihadistes n'étaient plus qu'à quelques dizaines de kilomètres de la capitale kurde, Erbil.
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