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Qui sont les quatre jihadistes françaises que la Turquie compte expulser, avec leurs enfants, vers la France ?

L'une d'elles, née en France mais élevée au Royaume-Uni, s'était fait connaître des médias britanniques pour son intense propagande sur les réseaux sociaux. Elle était surnommée "la marieuse de l'Etat islamique".

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le camp de déplacés d'Aïn Issa, dans le nord de la Syrie, le 15 février 2018. C'est dans ce camp que se trouvaient, avant l'offensive turque en Syrie, les quatre Françaises aujourd'hui détenues par la Turquie et leurs sept enfants. (DELIL SOULEIMAN / AFP)

Leur sort est longtemps resté incertain. La Turquie a annoncé, lundi 11 novembre, qu'elle allait expulser vers la France onze ressortissants français qu'elle détient dans ses prisons, et qui ont été membres du groupe terroriste Etat islamique. Selon nos informations, il s'agit de quatre femmes et de leurs sept enfants. Ces femmes sont visées par des informations judiciaires en France pour "association de malfaiteurs terroristes", un crime passible de dix ans de réclusion. Des sources concordantes ont transmis à France Télévisions leurs identités. Voici ce que l'on sait de leur parcours.

Amandine Le Coz

Cette jeune femme, aujourd'hui âgée de 29 ans, est originaire de Domont, dans le Val-d'Oise. Pour un article publié en novembre 2018, Le Point avait rencontré ses parents. Ceux-ci décrivaient, photos à l'appui, une jeune femme qui rêvait de devenir mannequin, avant de se tourner vers l'islam radical. "On n'a pas compris, racontait sa mère. Les jupes de plus en plus longues, les cris quand elle découvrait du porc dans le frigo…" En 2014, elle part en Syrie, où elle épouse un Marocain qu'elle avait rencontré sur internet, expliquent Le Parisien et Le Point. Le couple s'installe à Raqqa. L'hebdomadaire explique que son premier mari meurt au combat, et qu'elle épouse un deuxième homme, un Algérien. Avant de fuir et de se rendre aux forces kurdes, début 2018, en compagnie de son fils, qui est alors âgé d'un an et demi.

"Même s'il faut faire de la prison, je veux rentrer en France", affirmait-elle en novembre 2018 au Point, expliquant avoir "peur" pour la santé de son fils. Elle se trouvait alors dans le camp de Roj. C'est là qu'une équipe de France 2 l'avait rencontrée, en décembre de la même année. Interrogée sur la possibilité que la France rapatrie son fils seul, elle exprimait alors son opposition à cette idée : "S'il part, je pars avec lui". Un enfant qu'elle voyait aussi comme un atout pour sa propre sécurité : sans lui, "ils peuvent faire ce qu'ils veulent de nous, nous vendre à n'importe qui", estimait-elle.

Depuis, selon Le Parisien, Amandine Le Coz avait été expulsée du camp de Roj "pour sa participation à une émeute". Selon leur avocate, Marie Dosé, citée par le quotidien, elle se trouvait depuis, avec Nawel Hassani et Sarah Ali Mehenni, dans le camp d'Aïn Issa, également tenu par les Kurdes, jusqu'à ce qu'elles parviennent à fuir lors de l'offensive de l'armée turque en Syrie. Huit cent prisonniers du camp avaient réussi à s'échapper"Après un parcours très compliqué, elles ont pu rejoindre la Turquie", explique Marie Dosé à La Croix.

Sarah Ali Mehenni

Selon Le Parisien, cette autre jihadiste française avait quitté l'Hexagone en mars 2014, alors qu'elle était âgée de 17 ans. Elle est originaire de Lézignan-Corbières (Aude). Sa famille avait témoigné auprès de France 3, quelques jours plus tard, puis sur France 2 en 2015.

Sa famille expliquait craindre que l'adolescente, dont le comportement et la tenue avaient changé depuis plusieurs mois, ait été endoctrinée sur internet. Interrogée par La Dépêche du Midi, sa mère avançait une autre hypothèse : "Depuis deux ans, nous sentions malgré tout qu'elle s'intéressait à la religion, depuis qu'elle avait rencontré une jeune fille très pratiquante à l'école." L'adolescente n'avait pas grandi dans un environnement très religieux : "Son père est musulman, mais ne pratique que modérément", expliquait sa mère.

Depuis la Syrie, elle avait continué à correspondre avec ses proches, expliquant notamment s'être mariée avec un Tunisien de 25 ans : "Une copine à moi avait tout prévu" avant son départ, affirmait-elle dans un message consulté par France 2.

Selon La Dépêche du Midi, la famille de la jeune femme avait, depuis, porté plainte contre la France, dénonçant une circulaire de 2012 qui autorise les mineurs français à franchir les frontières sans avoir besoin d'une autorisation de sortie du territoire.

On ignore quel a été le parcours de Sarah Ali Mehenni depuis, si ce n'est qu'elle se trouvait elle aussi dans le camp d'Aïn Issa, tenu par les Kurdes, jusqu'à l'offensive lancée par l'armée turque.

Nawel Hassani

On ignore quel a été le parcours de cette troisième jihadiste française, elle aussi passée par le camp d'Aïn Issa avant d'être détenue par la Turquie. Leur avocate, Marie Dosé, a expliqué à La Croix que ces trois Françaises ont, au total, cinq enfants, tous âgés de moins de 4 ans, dont un bébé, puisqu'une de ces femmes "a accouché cet été dans le camp d'Aïn Issa".

Tooba Gondal

La quatrième et dernière femme qui s'apprête à être renvoyée en France présente un profil différent. Née en France, Tooba Gondal a vécu l'essentiel de sa vie au Royaume-Uni, et si son nom n'est pas connu dans l'Hexagone, les médias britanniques lui ont déjà consacré de nombreux articles. Ils lui ont même attribué le surnom de "marieuse de l'EI". Le Sun* et le Daily Mailaffirment ainsi qu'elle a tenté en 2015, via les réseaux sociaux, de convaincre une journaliste se faisant passer pour une adolescente de 16 ans de se rendre en Syrie, l'invitant à rencontrer une autre candidate au jihad, âgée 16 ans également et membre de sa famille. La journaliste infiltrée avait averti la police, et l'adolescente proche de la recruteuse avait été arrêtée. Par ailleurs, dans un article pour Vice*, un chercheur britannique publie une capture d'écran d'un tweet attribué à la jeune femme, dans lequel elle invite les "sœurs" désirant rejoindre le groupe Etat islamique à la "contacter en privé" : "Sachez qu'il y a un moyen de sortir pour vous", écrivait-elle alors.

Plus largement, Tooda Gondal s'est fait connaître en étant, entre 2014 et 2016, une des jihadistes britanniques les plus actives sur les réseaux sociaux, faisant la propagande de l'Etat islamique au moyen de photos et de messages belliqueux. "Brûle, Paris brûle. Je n'arrive pas à croire que c'est là que je suis née", avait elle notamment tweeté après les attentats du 13 novembre 2015.

La jeune femme avait rejoint la Syrie en 2014, selon Vice*. Le Daily Mail* la décrit comme la fille d'un "homme d'affaire à succès", qui étudiait dans une université londonienne avant son départ en Syrie. Là-bas, elle avait d'abord été mariée à un jihadiste libanais, également présenté par le Times of Londoncomme un recruteur de jeunes femmes pour l'Etat islamique, tué en 2015. En avril dernier, elle expliquait à une organisation basée au Kurdistan syrien, le Rojava Information Center, qu'elle avait eu un second mari, un Pakistanais, également tué.

Elle affirme avoir ensuite tenté de rejoindre la Turquie, mais avoir été arrêtée par les forces kurdes qui la retenaient dans le camp d'Aïn Issa avec ses deux enfants, nés en Syrie. Le même camp où vivaient les trois autres détenues bientôt renvoyées en France par la Turquie, et dont les occupants s'étaient échappés à la faveur de l'offensive turque en Syrie. Tooba Gondal a exprimé à de nombreuses reprises le souhait d'être rapatriée non pas en France, son pays de naissance, mais au Royaume-Uni. Sa situation est d'autant plus complexe que, selon The Independent*, l'aîné de ses deux enfants a hérité de la nationalité britannique par son père. En septembre, dans une lettre ouverte publiée par The Times*, elle plaide qu'elle n'est "pas une terroriste" et n'est "jamais devenue une membre de l'EI", qu'elle a été "manipulée" et "forcée à [se] marier", et assure qu'elle est prête à "faire face à la justice" britannique.

* Les liens signalés par un astérisque renvoient sur des articles en anglais.

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