Trois signes qui montrent que l'Etat islamique est en voie de globalisation
Il y a un an, le groupe jihadiste proclamait la naissance d'un "califat", à cheval entre la Syrie et l'Irak. Depuis, il semble se tourner de plus en plus vers le reste du monde.
Anniversaire macabre. Le 29 juin 2015, le groupe Etat islamique (EI) fêtait le premier anniversaire de la proclamation de son "califat", un territoire situé à cheval entre l'Irak et la Syrie. Si ses méthodes restent les mêmes, au fil des mois, ses objectifs semblent évoluer.
"Il y a l'hésitation entre deux stratégies, celle de se limiter au monde musulman, ou celle de se projeter vers l’ennemi lointain, avec une globalisation du conflit", explique à francetv info Myriam Benraad, politologue spécialiste du Moyen-Orient et auteure de Irak, la revanche de l’histoire : de l’occupation étrangère à l’Etat islamique (éditions Vendémiaire). Francetv info s'interroge sur les trois signes qui montrent que l'EI se dirige vers une globalisation du conflit.
1 De plus en plus de groupes rallient l'EI
Les points noirs représentent des soutiens au groupe Etat islamique. Les drapeaux signifient une allégeance à l'organisation. Enfin, les icônes représentent des personnes qui, à titre individuel, se revendiquent de l'EI.
Depuis la constitution du groupe jihadiste, de nombreuses entités ont annoncé leur ralliement à l'EI. Dernier exemple en date, au Nigeria, Boko Haram a fait allégeance à l'Etat islamique en mars. "Il s'agit d'une structuration de l'EI avec une forme de transcendance qui lui permet d'obtenir le ralliement de ces divers groupes. Abou Bakr Al-Baghdadi [le leader de l'EI] ne se pose pas dans une logique de concentration du pouvoir, mais accueille ces allégeances pour se constituer une réserve de combattants et de sympathisants à travers le monde", note Myriam Benraad.
Alain Rodier confirmait, en février à francetv info, que ces ralliements n'étaient pas organisés directement par l'EI : "Pour le moment, il se concentre sur l'Irak et la Syrie. Le groupe n'a aucun réseau à l'étranger et a déjà 8 millions de personnes à gérer, assurait le directeur de recherche au Centre de recherche français sur le renseignement. L'Etat islamique n'envoie pas de gens à l'étranger, mais il est toujours content que l'on vienne à lui et que l'on se revendique de lui, cela profite à sa communication."
2 Les attaques au-delà du "califat" se multiplient
En une année, les attaques de l'Etat islamique se sont diversifiées. En 2014, seulement six pays avaient été visés, selon l'Institut pour l'étude de la guerre américain (ISW), qui compile minutieusement les données. Les attaques ont visé en très grande majorité l'Irak (1 097 attaques, soit environ 88% du total), devant la Syrie (134), le Liban (23), la Turquie (4), l'Egypte (3) et Israël (1).
Si les données ne sont pas encore compilées pour 2015, le premier semestre montre déjà une diversification géographique. Arabie saoudite, Afghanistan, Egypte... l'EI a allongé sa liste de cibles. Les meilleures preuves restent les attentats de vendredi dernier à Sousse (Tunisie) et au Koweït, tout comme les nombreux attentats en Libye ou au Yémen. Il ne faut pas non plus oublier qu'Amedy Coulibaly, le tueur de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, lors des attentats de janvier à Paris, a revendiqué, dans une vidéo, son appartenance au groupe Etat islamique.
3 Une idéologie globalisante
Si, dans les premiers temps, le groupe Etat islamique semble s'être concentré sur son "califat", les derniers mois montrent une tendance à la mondialisation. "Les combattants étrangers sont dans une perspective beaucoup plus globalisante et peuvent faire pencher la balance vers une extension du conflit", estime Myriam Benraad. D'autant que, malgré les hésitations, "l'idée millénariste" demeure au sein de l'EI, comprendre cette volonté de précipiter la fin des temps pour aboutir à un monde nouveau.
Pour la politologue, l'EI fonctionne sur une logique qui peut être assimilée au trotskisme, avec une volonté de "révolution mondiale et permanente". "L'histoire se répète et, avec la mise en réseau du monde à travers internet, l'EI dispose d'une capacité bien supérieure, d'autant qu'ils ont un vrai projet politique", continue cette spécialiste du Moyen-Orient. Si le groupe jihadiste en est encore à sa première phase révolutionnaire, Myriam Benraad prévient que "la révolution de l'EI va chercher à se parachever dans un 'califat' à l'échelle mondiale". Avec son modèle "tyrannique et totalitaire" et ses "méthodes terroristes", l'organisation Etat islamique continue de développer sa "stratégie de chaos et de terreur afin de mener à bien ses objectifs", souligne Myriam Benraad.
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