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Pourquoi Benyamin Nétanyahou est sous la menace d'une mise en examen pour corruption

La police isréalienne a rendu un rapport accablant pour le Premier ministre de l'Etat hébreu dans deux affaires de pots de vins.

Article rédigé par franceinfo - Lison Verriez
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Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou à Jérusalem, le 12 février 2017. (REUTERS)

C'est la conclusion de deux ans d'enquête. La police israélienne a entendu sept fois le Premier ministre, convoqué et auditionné près de 80 témoins, dont six à l'étranger... Et elle a rendu, mardi 13 février, un rapport impitoyable pour Benyamin Nétanyahou, recommandant sa mise en examen. Selon les autorités, le chef du gouvernement de l'Etat hébreu a agi "contre l'intérêt public" en acceptant des "pots de vins". Franceinfo revient sur ces affaires qui font trembler le pays. 

Qu'est-il reproché à Benyamin Nétanyahou ?

La presse israélienne appelle une première affaire "l'affaire des cigares et du champagne rosé" (ou "le dossier 1000"). Entre 2007 et 2016, Benyamin Nétanyahou, sa femme et son fils Yaïr auraient ainsi reçu des cadeaux (bijoux, bouteilles de champagne, cigares...) de la part de deux milliardaires, le magnat hollywoodien Arnon Milchan et l'homme d'affaires australien James Parker. Le premier, qui a notamment produit Pretty Woman et Fight Club, aurait distribué pour 750 000 shekels (240 000 dollars) de pots de vins.

En échange, le Premier ministre israélien aurait essayé, entre autres faveurs, de prolonger pour 10 ans une exemption fiscale en faveur du magnat expatrié. Ces agissements ont été confirmés aux autorités par Yaïr Lapid, l'ancien ministre des Finances, qui pourrait être cité comme témoin à charge. James Parker, quant à lui, aurait donné pour 250 000 shekels (72 000 dollars) au Premier ministre, qu'il avait rencontré par l'intermédiaire d'Arnon Milchan. Selon Libération, Benyamin Nétanyahou ne nie pas l'existence de ces cadeaux. Il assure qu'ils correspondent à des témoignages d'amitié entre proches.

Dans une deuxième affaire, le "dossier 2000", la police reproche au Premier ministre d'avoir tenté de s'offrir une nouvelle réputation grâce à l'un des journaux les plus populaires d'Israël : le Yediot Aharonot. Benyamin Nétanyahou aurait approché Arnon Moses, son propriétaire, accusant le journal d'être trop critique. En échange d'une couverture plus positive de l'actualité, le Premier ministre aurait évoqué avec le propriétaire du titre le vote d'une loi s'en prenant à son principal concurrent. Ainsi, le quotidien gratuit Israel Hayom aurait été limité dans sa publication, notamment avec une interdiction de parution le week-end. Un marché qui n'a finalement pas été acté. Pour cette affaire, la police se repose notamment sur le témoignage d'un ancien chef de cabinet de Benyamin Nétanyahou, Ari Harrow, qui a accepté de témoigner en échange d'un régime de clémence en cas d'inculpation.

Peut-il être mis en examen ?

Le parquet de Tel-Aviv et le procureur de l'Etat doivent étudier et donner leur avis sur les conclusions de la police, avant de le transmettre au procureur général d'Israël, Avihaï Mandelblit, qui devra entendre le Premier ministre. Ensuite, celui-ci sera chargé de décider d'ordonner des poursuites ou de classer l'affaire. Le souci, c'est que cet homme est aussi conseiller juridique du gouvernement, après avoir été secrétaire du cabinet de Benyamin Nétanyahou, rappelle La Croix. Depuis un an, des activistes manifestent chaque semaine devant son domicile pour le pousser à accélérer les procédures, qui pourraient s'étaler jusqu'au mois de janvier 2019.

Comment a réagi la classe politique ?

Au lendemain de la publication des conclusions de la police, l'opposition n'a pas manqué d'appeler à la démission du Premier ministre. Le quotidien Yediot Aharonot parlant même de "début de la fin" pour le chef du gouvernement. Selly Yachimovich, une dirigeante travailliste a parlé de "jour noir pour Israël". Elle a aussi rappelé qu'en 2008, Benyamin Nétanyahou lui-même avait réclamé le départ d'Ehoud Olmert, son prédécesseur, lorsqu'il l'estimait "noyé jusqu'au cou dans les affaires". 

Sans surprise, les membres du Likoud, le parti de Benyamin Nétanyahou, font corps avec leur chef, s'en prenant notamment aux témoins de l'enquête. David Amsalem, chef de la majorité au Parlement israélien, s'est emporté contre l'ancien ministre des Finances, témoin dans l'affaire, le traitant de "sinistre mouchard". Au sein de la coalition au pouvoir, on soutient le Premier ministre du bout des lèvres. Naftali Bennett, le ministre de l'Education et leader du parti d'extrême droite Le Foyer Juif, a par exemple indiqué qu'"accepter sur une période prolongée des cadeaux représentant de grosses sommes, ce n'est pas être à la hauteur des standards" d'une personnalité censée donner l'exemple. Mais, a-t-il ajouté, "nous sommes dans un État de droit et le Premier ministre reste présumé innocent".

Le Premier ministre va-t-il démissionner ? 

Pour le moment, il n'en est pas question. Lors d'une intervention à la télévision publique, mardi 13 février, le Premier ministre a clamé son innocence et dénoncé une "campagne de harcèlement" à son encontre, réfutant l'idée de démissionner. Il s'est aussi permis quelques critiques envers les conclusions de l'enquête policière  qu'il qualifie d'"extrêmes, biaisées et pleines de trous comme du gruyère" et "contre l'intérêt public". Il n'a pas manqué de rappeler qu'il a déjà été la cible d'une quinzaine d'enquêtes durant son mandat, "tentatives qui n'ont débouché sur rien"

Notre gouvernement terminera son mandat et je suis sûr qu'aux prochaines élections, j'obtiendrai de nouveau votre confiance.

Benyamin Nétanyahou

lors d'une allocution télévisée

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