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Enquête pour corruption au Parlement européen : sur quoi reposent les soupçons d'influence en faveur du Qatar ?

La vice-présidente grecque du Parlement européen Eva Kaili et trois autres personnes ont été inculpées pour "corruption", dimanche à Bruxelles, dans l'enquête portant sur de gros versements qu'aurait effectués le Qatar pour influencer des décisions.
Article rédigé par franceinfo
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Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen, lors de la cérémonie de remise du Prix du livre européen à Bruxelles, le 7 décembre 2022. (ERIC VIDAL / EUROPEAN PARLIAMENT / AFP)

Le Parlement européen sous le choc. La vice-présidente grecque de l'institution, Eva Kaili, et trois autres personnes ont été inculpées et placées en détention provisoire, dimanche 11 décembre, en Belgique, dans une enquête sur des soupçons de corruption en lien avec le Qatar, a confirmé une source judiciaire à France Télévisions, alors que les enquêteurs belges évoquaient samedi "un pays du Golfe" soupçonné "d'influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen". Deux autres personnes avaient été arrêtées vendredi soir, mais elles ont été libérées, a annoncé le parquet fédéral belge dimanche.

L'affaire éclate en plein Mondial de football, alors que le pays organisateur s'emploie à défendre sa réputation, décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs ou des personnes LGBT+, mais aussi en matière environnementale. Les suspects sont soupçonnés d'avoir reçu des versements d'argent "conséquents" en échange de prises de position publiques ou de votes en faveur du Qatar.

"Je crains maintenant de comprendre…"

L'eurodéputée sociale-démocrate Eva Kaili, ex-présentatrice télé de 44 ans, s'était rendue début novembre au Qatar, où elle avait salué, en présence du ministre qatari du Travail, les réformes de l'émirat dans ce secteur, comme en témoignait un tweet de Cristian Tudor, l'ambassadeur de l'UE au Qatar. Puis, dans l'hémicycle européen, le 22 novembre, elle avait estimé que l'émirat était "un chef de file en matière de droit du travail" et jugé que les Européens "n'avaient aucun droit moral de lui faire la leçon", suscitant des remous dans l'assemblée. "Aujourd'hui, la Coupe du monde de football au Qatar est une preuve concrète de la façon dont la diplomatie sportive peut aboutir à une transformation historique d'un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe", avait-elle aussi déclaré à la tribune. 

Des eurodéputés se sont ainsi interrogés, samedi, sur l'attitude des parlementaires sociaux-démocrates (S&D) lors du débat et du vote, le 24 novembre, d'une résolution condamnant les violations des droits humains au Qatar. Pierre Karleskind (Renew, libéraux) s'était alors demandé pourquoi les socialistes avaient d'abord voté contre le principe même d'une résolution, avant d'empêcher, de concert avec la droite (PPE) et l'extrême droite, l'adoption de plusieurs amendements, dont ceux condamnant l'attitude de la Fifa face à l'oppression des droits LGBT+. "Je crains maintenant de comprendre…" a réagi samedi sur Twitter cet eurodéputé français.

"J'alertais déjà en novembre sur le lobbying agressif mené par le Qatar (…) On comprend mieux pourquoi", a souligné de son côté sur franceinfo Manon Aubry (LFI). Depuis un an, son groupe parlementaire La Gauche demandait l'adoption d'une résolution sur le sort réservé aux travailleurs migrants au Qatar. 

Rendez-vous à l'ambassade 

Dans une vidéo diffusée sur Twitter fin novembre, l'eurodéputée raconte une réunion de négociations sur ce texte : "Des groupes sont venus pourrir les négociations. A un point où je me demande, en fait, si, autour de la table des négociations, on avait des représentants des groupes politiques ou tout simplement l'ambassade du Qatar." Elle assure aussi avoir été contactée à plusieurs reprises par l'ambassade du Qatar pour un rendez-vous.

L'eurodéputée Renaissance (ex-LREM) Nathalie Loiseau a elle aussi révélé, samedi sur franceinfo, avoir "été approchée par des lobbyistes qatariens il y a quelques mois""Ils trouvaient que j'étais trop critique sur le Qatar."

"Il y a une poignée de gens clairement malhonnêtes qui auraient cédé à ces actes de corruption. Ce n'est pas eux qui ont infléchi les décisions du Parlement européen, puisqu'on parle d'une infime minorité, mais ils jettent l'opprobre sur l'ensemble de l'institution."

Nathalie Loiseau, eurodéputée Renaissance

à franceinfo

L'agenda parlementaire perturbé 

Outre Eva Kaili, des personnalités aux "positions stratégiques significatives", selon les termes du parquet fédéral belge, figurent parmi les personnes interpellées vendredi. Parmi elles figurent l'ancien eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri, qui a siégé de 2004 à 2019, le compagnon d'Eva Kaili, Francesco Giorgi, qui est assistant parlementaire, un directeur d'ONG dont l'identité n'a pas été révélée, ainsi que le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI), Luca Visentini. Fin octobre, ce dernier avait rencontré le ministre qatari du Travail, Ali bin Samikh Al-Marri, rapporte le journal belge Le Soir. Hormis Eva Kaili, on ignore lesquels d'entre eux ont été inculpés ou libérés.

Réunis à partir de lundi à Strasbourg, les eurodéputés devaient valider l'ouverture de pourparlers entre le Parlement européen et les Etats membres de l'UE, en vue de finaliser un texte facilitant le régime de visas pour les voyageurs du Qatar et du Koweït. Ce texte, qui a déjà reçu le feu vert des Etats membres fin juin, prévoit de dispenser de visa les ressortissants du Qatar et du Koweït se rendant dans le bloc européen pour une durée maximale de 90 jours, sous réserve d'un accord de réciprocité avec ces deux pays. Mais les eurodéputés Verts et sociaux-démocrates ont fait savoir qu'ils s'y opposeraient.

"Zéro tolérance pour la corruption", a tweeté la coprésidente des eurodéputés Verts, Terry Reintke. De son côté, le groupe des sociaux-démocrates réclame "la suspension des travaux sur tous les dossiers et votes concernant les Etats du Golfe, en particulier sur la libéralisation des visas".

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