Récit de trois ans passés dans les geôles syriennes du régime al-Assad
Disparaitre sans laisser de trace. C'est la hantise des opposants en Syrie. Plusieurs mois, voire années, sans pouvoir donner la moindre nouvelle. "Ça ne cicatrise pas, c'est une blessure qui saigne encore car ma famille ne savait pas si j'étais vivant ou mort. C'est un autre genre de torture, de savoir à quel point votre famille souffre ", explique Hussein Ghrer.
Isolé, très souvent battu, Hussein a aussi été privé de sommeil. Des conditions de détention épouvantables et pourtant, aujourd’hui, il culpabilise, hésite à employer le mot torture car pour certains de ses camarades, c'était bien pire. "J'ai vu les os des poignets de certains prisonniers, car ils étaient pendus par les mains, les pieds qui ne touchaient pas au sol. Comparé à ça, moi, c'était rien. Beaucoup d'entre eux sont morts, moi je suis vivant ", poursuit-il.
"Ne soyez pas piégés par la peur. La peur permet aux gouvernements et aux terroristes de nous contrôler de l'intérieur"
Enfermé par le régime, Hussein Ghrer exècre aussi l'Etat islamique, mais aujourd'hui il prie les Occidentaux et les Russes de stopper les bombardements car au sol, bien plus que les djihadistes, ce sont les civils qui souffrent et meurent sous les frappes. Pour lui, pas d'autre solution que de faire tomber avant tout le régime de Bachar al-Assad. Et il a un message pour les Français : la peur de Daech ne doit pas faire oublier les atrocités du régime syrien. "Ne soyez pas piégés par la peur. La peur permet aux gouvernements et aux terroristes de nous contrôler de l'intérieur. Nous les Syriens, nous étions effrayés par al-Assad et il nous contrôlait. En France, les gens maintenant ont très peur de Daech et je voudrais qu'il n'y ait aucune victime d'attentat en Occident, mais quand il y a des victimes, la peur de Daech ne doit pas nous conduire à laisser Bachar al-Assad faire ce qu'il veut. Ce ne serait pas juste ", dit l’ancien prisonnier du régime.
"Après deux mois, il a arrêté de me dessiner"
Pour Hussein Ghrer, la solution passe donc par l'arrêt total des bombardements et la libération de tous les prisonniers politique. Hussein essaie aussi de reconstruire sa vie avec sa femme et ses deux fils. Mais les cicatrices sont longues à refermer. L'un des enfants, Ward, a beaucoup souffert de la séparation. "Après avoir été relâché la première fois, à chaque fois que je voulais aller quelque part, il me disait : ‘Restes, sinon tu ne vas pas revenir, je te connais’. Et puis j'ai disparu. Il adorait dessiner, son dessin favori c'était notre famille. Mais après deux mois, il a arrêté de me dessiner. On lui a demandé pourquoi. Il a répondu : ‘Il nous a laissés, quand il reviendra, je le dessinerai de nouveau’ ". Et à chaque fois que son père franchit la porte, Ward, 7 ans, tremble encore. Hussein, lui, espère ramener toute sa famille un jour en Syrie, quand le régime sera tombé.
Témoignage exceptionnel : Hussein Ghrer a passé plus de 3 ans dans les geôles de Bachar Al Assad https://t.co/IkVRp5WHy8
— France Info (@franceinfo) December 4, 2015
Selon Amnesty international, des dizaines de milliers de disparitions forcées ont été orchestrées ces quatre dernières années par le régime de Bachar al-Assad
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