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REPORTAGE | Gaza : une église pour refuge

La violence ne connaît plus de trêve dans la bande de Gaza, où la nuit a été très agitée, avec des affrontements et des bombardements incessants. Les déplacés trouvent refuge où ils peuvent et notamment dans l’église grecque orthodoxe de Gaza. Une église fréquentée en temps normal par les quelques 2.000 chrétiens qui vivent encore dans cette enclave palestinienne.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Franceinfo (Franceinfo)

L’église Porphyrios, au cœur de la vieille ville de Gaza, est à un kilomètre seulement de la zone dévastée de Shadjaya. Dans le cimetière mitoyen, des tombes blanches ont été abîmées par les combats. C’est pourtant là que 600 civils ont trouvé refuge, fuyant leurs maisons sous les bombes. Une grande majorité sont des musulmans.

 

"Merci beaucoup aux religieux chrétiens de nous avoir ouvert la porte de cette église. On est partis en courant sans rien et ils n’ont pas hésité une seconde à nous accueillir, et à nous donner des vêtements, des couvertures. On peut même faire nos prières ici ! Merci merci encore. Moi, c’est la première fois de ma vie que je rentre dans une église" , raconte Chirine, une jeune déplacée de 22 ans, arrivée avec ses parents, ses frères et ses neveux.

 

L’archevêque de Gaza  monseigneur Alexios, présent depuis 35 ans dans l’enclave palestinienne, a vu les guerres se succéder, mais il explique qu’il trouve ce conflit-là  particulièrement agressif  et sanglant. Il s’inquiète de savoir quand les violences prendront fin.

"Ce travail humanitaire est notre mission"

 "Les gens quand ils ont fui -  parce que l’armée israélienne leur demandait d’évacuer -  forcément, ils sont venus à l’endroit qu’ils jugeait le plus sûr et le plus proche. Il y avait la mosquée, mais aussi notre église car vous savez : la mosquée et l’église se touchent ici. Il n’y a même pas un mur entre nous… Les gens frappaient à la porte.  Evidemment qu’on leur a ouvert. C’est notre mission de faire ce travail humanitaire",  explique l’archevêque.

 

Dans la bibliothèque de l’église, au milieu des croix et des icônes, des volontaires chrétiens et musulmans organisent des distributions de nourriture pour les familles de déplacés. "On essaye de trouver de la nourriture auprès de différentes ONG et on la livre ici pour les déplacés installés à l’église et aussi dans les environs. Habituellement pour la fête de l’Aïd , les Gazaouis dégustent un grand repas de poissons. Mais les pêcheurs ne sortent plus avec cette guerre .Alors, on donne seulement des boîtes de thon  !  Ça vient d’une ’ONG japonaise", commente Abdallah, l’un des volontaires en montrant les conserves.

 

L’Aïd est aussi la fête des enfants. Dans la cour de l’église, un manège en métal a été installé. Une sono crache de la musique. Les plus jeunes dansent et jouent avec des ballons de baudruche. Une étonnante parenthèse comme pour oublier la guerre.

Un Aïd de tristesse et de résistance

Ismail, son fils de trois ans et demi sur les genoux. Il répète que cet Aïd n’est pas un Aïd comme les autres : "C’est un Aïd de tristesse, de résistance. Depuis trois semaines, nos enfants  ne connaissent que le bruit des bombes et des avions.  C’est bien qu’ils puissent jouer un peu. Mais le jouet que mon fils a dans les mains, c’est un pistolet, parce que mon fils m’a demandé : 'papa, je veux un pistolet comme celui des Israéliens' ", raconte ce père de famille de 32 ans.

 

Des petites filles font une ronde. Elles ont mis leurs plus belles robes et sourient. Quelques mètres derrière, une jeune mère les regarde et pleure. Elle s’appelle Jouan. Son bébé de neuf mois est mort il y a trois jours. "Les enfants s’amusent  autour de moi. Et moi je ne fais que penser à ma petite fille. Un obus est arrivé juste à côté de notre maison. Il y a eu des éclats dans sa chambre.  Après l’explosion, mon mari  est allé voir dans son lit. Il a remarqué que le visage du bébé avait changé. En fait elle était morte. Cette petite fille que j’ai toujours voulu avoir et que Dieu m’a donnée ! Je pense à mon bébé adoré à chaque instant. Je n’ai qu’une envie, c’est de pleurer", soupire la jeune femme en larmes Juste à côté de Jouan,  une autre mère couve des yeux son enfant. Le bébé a deux semaines. Il est donc né pendant la guerre. Les parents hésitent encore, mais ils pourraient l’appeler Houdna : un prénom qui signifie "armistice".

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