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Non, un artiste syrien n'a pas construit de statue de la Liberté avec les débris de sa maison à Alep

Tammam Azzam est bien l'auteur de la photo, mais il s'agit d'une œuvre réalisée à partir d'un photomontage en 2013.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Capture d'écran du tweet de l'artiste syrien Tammam Azzam, qui reprend l'article d'Al Arabiya publié le 23 octobre 2016. (Tammam Azzam / Twitter)

Une statue de la Liberté réalisée à partir de gravats, qui se découpe sur le ciel bleu de la Syrie. C'est la photo que Ian Bremmer, un spécialiste américain en sciences politiques, professeur à l'université de New York, a partagée sur Twitter, samedi 22 octobre. La photo est rapidement devenue virale : lundi en fin d'après-midi, elle avait été retweetée près de 17 000 fois.

Problème : Ian Bremmer a partagé cette photo avec le texte suivant, traduit de l'anglais : "La statue de la Liberté fabriquée à partir de décombres d'immeubles après des bombardements à Alep, par l'artiste syrien Tammam Azzam. Bouleversant." Or, si l'auteur de cette image est bien Tammam Azzam, tout le reste est faux.

Trois fausses informations

En réalité, cette photo est une œuvre d'art, réalisée à partir d'un photomontage. Il ne s'agit pas d'une vraie statue, indique Tammam Azzam sur le site de la chaîne d'information saoudienne Al Arabiya (en anglais), dimanche. Deuxième fausse information : le cliché ne date pas de ce week-end, mais de 2012. Tammam Azzam a créé son œuvre au début de la révolte syrienne, selon Al Arabiya.

Enfin, l'artiste ne vit pas à Alep, mais à Dubaï. Né à Damas en 1980, il a quitté la capitale syrienne au début de la guerre. "J'ai lâché Damas et je suis venu à Dubaï car je ne voulais pas combattre. C'est ainsi que j'ai choisi un autre type de lutte", expliquait-il en faisant référence à l'art, en 2013, au site d'information italien ItalNews.info. Dans cet article, le site avait inséré plusieurs œuvres de Tammam Azzam, dont cette fameuse statue de la Liberté.

"Un message d'optimisme"

"Cette œuvre, à l'époque [de sa création], contenait un message d'optimisme en dépit de toutes les destructions en Syrie, explique l'artiste à Al Arabiya. Mais c'était il y a longtemps." Aujourd'hui, il se dit "surpris" de la mauvaise interprétation de son image, en comparaison des réactions positives reçues en 2012. Lui affirme que ce sont des partisans de Bachar Al-Assad et de son régime qui ont partagé cette photo et ont menti à propos de ses origines, en disant : "De la part d'un artiste syrien à l'Amérique, en utilisant sa propre maison détruite à Alep."

"La statue de la Liberté à New York ne représente pas la politique des Etats-Unis. Je l'ai seulement utilisée comme un symbole de la liberté", ajoute Tammam Azzam. Un message qu'il tente de faire passer dans chacune de ses œuvres. Il a, par exemple, réalisé un photomontage avec Le Baiser du peintre Gustav Klimt sur un immeuble partiellement détruit.

L'objectif était de "montrer l'amour", "en opposition à la capacité du peuple à détester le régime". Un contraste qu'il cultive dans toutes ses œuvres, qui mettent en scène la destruction de la Syrie après les bombardements. "Nous cherchons à reconstruire une Syrie nouvelle et j'espère le faire le plus rapidement possible après cette énorme destruction", expliquait-il dans ItalNews.info. C'était le 12 février 2013.

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