Syrie : à la recherche d'une opposition unie
La contestation au régime de Bachar Al-Assad peine à s'organiser. Tiraillée entre l'intérieur et l'étranger, divisée entre ses branches armées et politiques, elle ne parvient pas à parler d'une seule voix.
Qui parviendra à renverser Bachar Al-Assad ? Alors que la Russie et la Chine ont mis leur veto, samedi 4 février, à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, les violences se poursuivent en Syrie, où l'issue du conflit ne se dessine pas. Parmi les obstacles à la sortie de crise, le manque d'unité de l'opposition. Dispersée entre plusieurs instances, implantée en Syrie comme à l'étranger, elle ne parvient pas à parler d'une seule voix et à proposer une alternative crédible au régime actuel.
• Les cacophonies du Conseil national syrien
C'est "le gros morceau" de l'opposition syrienne, selon Joseph Bahout, spécialiste du Moyen-Orient et enseignant à Sciences Po Paris. Fondé en 2011, le Conseil national syrien (CNS) est une coalition de groupes laïcs et religieux très variés, tels que les Frères musulmans, des factions kurdes ou encore une coordination de comités de manifestants locaux. Une grande partie de ses membres se trouve à l'étranger, ce qui contribue à sa visibilité internationale, mais nuit à son ancrage sur le terrain.
Le CNS a été créé sur le modèle du Conseil national de transition libyen, qui a largement contribué à la chute de Mouhammar Kadhafi en 2011 et est depuis à la tête de la Libye. Le Conseil soutient la "révolution" pour renverser Bachar Al-Assad et entend lui succéder, tout en s'opposant à une intervention militaire étrangère. Mais ce "parlement en exil est plus occupé par son fonctionnement et par sa reconnaissance internationale qu'autre chose", estime Joseph Bahout, qui évoque "des cacophonies toutes les semaines".
• Des divisions et une opposition armée "parallèle"
Le Conseil est confronté à une double division, en son sein (en raison notamment du poids des Frères musulmans) et à l'échelle de l'opposition syrienne. D'autres mouvements d'opposition existent ainsi en dehors du CNS, comme le Comité national de coordination (CNC), principalement implanté en Syrie. Plus modéré, il serait prêt à dialoguer avec Bachar Al-Assad, selon CBC (article en anglais). Un projet de coalition entre le CNS et le CNC a échoué début janvier, ralentissant un peu plus les efforts d'union de l'opposition, comme le rapporte le Financial Times (article payant en anglais).
Sur le terrain, l'action violente des opposants est hors du contrôle de l'opposition politique, malgré des contacts évoqués par un blog du Monde.fr. Elle est dirigée par l'Armée libre syrienne, autonome par rapport au CNS. Faiblement centralisée, malgré les efforts du colonel Riad Al-Assad depuis la Turquie, l'Armée libre est composée de cellules locales. On y trouve des déserteurs de l'armée régulière et des opposants qui ont décidé de prendre les armes.
• Quel interlocuteur pour la communauté internationale ?
"Les puissances occidentales ont très vite voulu considérer le Conseil national syrien comme leur principal interlocuteur, note Joseph Bahout, mais elle se sont vite rendues compte que le CNS ne représente pas tout le paysage rebelle." La communauté internationale est donc confrontée à une opposition éclatée, difficilement joignable ou identifiable. "Les grandes puissances rêvent d'un groupe unique d'opposition, qui ait à la fois une branche politique et une branche armée, mais cela n'arrivera pas", affirme le chercheur.
Alors que Nicolas Sarkozy a lancé l'idée d'un "Groupe des amis du peuple syrien" aux contours encore flous, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, souhaite "aider l'opposition syrienne à se structurer, à s'organiser", avant de pouvoir réellement s'appuyer dessus. Mais comme le souligne Joseph Bahout, "le terrain n'obéit à personne en Syrie, car c'est une révolution spontanée qui vient de la base".
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