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Syrie : les nouveaux atouts des rebelles

Après s'être emparés de missiles sol-air, ils sont parvenus à abattre un hélicoptère et un avion de l'armée. Une nouvelle donne qui pourrait permettre de rebattre les cartes du conflit.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des rebelles syriens en liesse sont juchés sur les débris d'un avion de l'armée de Bachar Al-Assad abattu dans la région de Darat Izza, mercredi 28 novembre 2012.  (FRANCISCO LEONG / AFP)

SYRIE – Enième exemple du poids de l'aviation dans la guerre civile qui ravage la Syrie depuis vingt mois : le raid d'un chasseur-bombardier sur la ville d'Alep, jeudi 29 novembre, a fait au moins 15 morts dont 5 enfants, selon  l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Pourtant, une étape a été franchie récemment dans le conflit qui oppose les rebelles au régime de Bachar Al-Assad. Ceux-ci semblent désormais armés pour répondre à l'aviation militaire. Et peu à peu, des zones frontalières tombent entre leurs mains, le long de la Turquie et de l'Irak. 

Il n'est pas question pour autant de crier victoire du côté des rebelles. Ainsi, jeudi, l'armée a lancé l'une de ses plus violentes offensives au sud-est de Damas, près de l'aéroport. Et tous les réseaux de communication du pays, téléphone comme internet, étaient coupés depuis deux jours vendredi. Mais cette nouvelle donne devrait peser dans le conflit. Francetv info revient sur les atouts militaires des rebelles. 

Ils ont les moyens d'atteindre l'aviation militaire

Deux appareils de l'armée abattus en 24 heures. L’image est inédite. Sur cette vidéo postée par les rebelles syriens, on aperçoit un hélicoptère en mission semble-t-il pour bombarder les alentours de la base militaire Cheikh Souleimane, à 25 kilomètres au nord-ouest d’Alep. Soudain, un trait lumineux déchire le ciel et atteint l’appareil, qui prend feu. Au sol, on entend les cris de "saroukh" (missile) et "Allah akbar" (Dieu est grand). Livré par l'OSDH, ce récit n'a pas été confirmé de source indépendante.

Syrie : les rebelles abattent un hélicoptère (Reuters)

Le lendemain, mercredi, c'est au tour d'un chasseur-bombardier d'être abattu, dans la région de Darat Izza. L'un des deux pilotes a été capturé après s'être éjecté en parachute. Le sort du second reste inconnu. Des dizaines de rebelles et d'habitants ont célébré l'événement sur place, grimpant sur les débris de la carcasse encore fumante.

Ce nouvel épisode semble confirmer les dires du général Ahmad Faj, un des chefs militaires de la rébellion. Selon lui, les rebelles ont récupéré des missiles sol-air lors de la prise de la Base 46, une caserne du nord-ouest du pays. "Des dizaines de missiles sol-air Sam-7 de type Cobra", a précisé un sous-officier, jeudi. Quarante, ont dénombré des responsables des renseignements occidentaux, affirme The Washington Post (en anglais), jeudi.

Syrie : un avion de combat abattu (Reuters)

De nouvelles armes venues de Libye. "Il s'agit peut-être d'engins lance-missiles portatifs, similaires aux Stinger utilisés par les Moudjahidin afghans dans les années 80 pour détruire l'aviation russe", avance Fabrice Balanche, maître de conférences à l'université Lyon-2 et spécialiste de la Syrie, contacté par francetv info. Toute la question est de savoir combien de ces armes sont aux mains des rebelles."La Libye de Kadhafi en possédait 500, dont 50 ont disparu des arsenaux. Il est évident qu'une partie de ce matériel a pu arriver en Syrie, via des réseaux." 

Un point fort de l'armée ébranlé. Au total, les rebelles auraient revendiqué la destruction de neuf appareils, selon le blog Globservateur de Ouest-France. L'avantage aérien des troupes de Bachar Al-Assad est ainsi menacé. "Si les rebelles disposent d'un arsenal important, alors oui, c'est décisif. Ils pourront lancer des offensives sans risquer de se faire bombarder, à partir de zones désormais sécurisées", poursuit Fabrice Balanche. Il lui semble néanmoins impossible que "le régime tombe dans les prochaines semaines". En face, d'ailleurs, "les Russes - qui soutiennent le régime syrien - pourraient à leur tour doter l'aviation de nouvelles armes", dans une escalade technologique.

Ils prennent le contrôle de plus en plus de zones 

L'avancée des rebelles relève "plutôt du bricolage" que d'une stratégie réfléchie, estime Fabrice Balanche. "Ils ont pris le barrage de Tichrine [à l'est d'Alep] parce qu'il s'agit d'un pont qui permet de traverser l'Euphrate, et non pas pour priver le régime de ressources." Les rebelles progressent cependant dans deux régions.

Les zones frontalières turques. Tous les regards se portent vers la base militaire de Wadi Deif, l'une des dernières du nord-ouest du pays encore aux mains de l'armée de Bachar Al-Assad. D'après l'OSDH, plusieurs brigades rebelles ont lancé un assaut dans cette zone de la province d'Idleb, jeudi. L'armée a riposté par des bombardements intensifs. "Il est clair que les rebelles ont de plus en plus de poids dans le nord", précise Fabrice Balanche, même s'ils doivent composer avec des territoires kurdes qui leur sont hostiles. En parallèle, le régime cible avec plus de facilité les régions situées aux frontières libanaise et jordanienne, qui sont fermées. "Il nettoie les poches de résistance dans ces zones, car les rebelles sont prisonniers".

Les zones frontalières irakiennes. Avec la prise de la ville de Al-Mayadin, jeudi 22 novembre, dans l'est du pays, les rebelles contrôlent l'essentiel de la province de Deir Ezzor, voisine de l'Irak. Une zone qui renferme les plus importantes réserves d'hydrocarbures de Syrie. Au début du mois de novembre, déjà, les rebelles étaient parvenus à y prendre le contrôle du champ pétrolier d'Al-Ward, après plusieurs jours de siège. Ces prises privent le régime de ressources précieuses dans le conflit.

Ils peuvent compter davantage sur les Occidentaux

L'Europe change les règles de son embargo. Le vent serait-il en train de tourner ? A l'extérieur, les dirigeants européens ont décidé de renouveler l'embargo sur les armes tous les trois mois, contre un an auparavant. Cela doit "permettre à l'Union européenne d'envisager des amendements (...) pour autoriser éventuellement la mise en œuvre de formations et la livraison aux rebelles syriens d'équipements non mortels tels que des gilets pare-balles", a affirmé à Londres une porte-parole du ministère des Affaires étrangères britannique, mercredi. 

Les Etats-Unis songent à de nouveaux modes d'intervention. La réélection de Barack Obama à la Maison blanche, couplée aux victoires des forces rebelles, semble également changer la donne. D'après un haut responsable du gouvernement américain cité par The New York Times (en anglais), ces éléments "ont donné [à la question de l'intervention] une nouvelle urgence et une nouvelle orientation". Selon le quotidien, "même si aucune décision n'a été prise, l'administration envisage plusieurs solutions, y compris fournir directement des armes à des combattants de l'opposition". 

En attendant, comme le réclamait le gouvernement turc, des experts de l’Otan inspectent des sites du pays pour y installer des missiles près de la frontière avec la Syrie, afin de préparer la Turquie à se défendre. 

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