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19 septembre 2014, «le jour d'après» le oui à l'indépendance de l'Ecosse

Le 18 septembre 2014, l’Ecosse a voté oui à 51% à son indépendance. Nous sommes le 19 septembre. Que se passe-t-il ? Le gouvernement écossais qui a préparé le référendum a tout prévu. Voici notre fiction sur le «jour d'après» la victoire du «Yes» basée sur les textes officiels écossais.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'Union Jack bientôt privé de la croix de saint André? (AFP)

Rien.
Le 19 septembre 2014, il ne se passe rien. Pas de nouvelle frontière, pas de nouveau chef de l’état… Le gouvernement écossais a tout prévu dans son livre blanc. Il se donne un an et demi pour mener la transition vers l’indépendance effective en négociant chaque point avec «le gouvernement de Westminster» .  Points par points, ce qui devrait changer le 24 mars 2016, date d’entrée en vigueur de l’indépendance de l’Ecosse, 29e pays de l’Union européenne. Une vision idéalisée qui évite les difficultés techniques et politiques.

1)  Comment être écossais?

  (AFP)

La question est d’importance et d’ailleurs c’est la première problématique évoquée par les tenants de l’indépendance.
 
Dans le cas de figure le plus simple, au jour J de l’indépendance, la loi octroie la nationalité à toute personne vivant sur le sol écossais. Egalement, tout citoyen britannique né sur le sol écossais, mais vivant hors d’Ecosse, obtient de facto la nationalité.
 
Ensuite, sera Ecossais tout enfant naissant dans le pays ou en dehors, dont un des parents au moins, a lui même la citoyenneté écossaise. Un étranger, vivant depuis dix ans en Ecosse pourra demander la nationalité.
Les indépendantistes ont donc choisi le droit du sol, évitant ainsi toute polémique potentielle sur «qu’est-ce qu’un vrai Ecossais ?»

 2) Que faire de la Reine ?                                                                            

La reine Elizabeth en son château de Balmoral (AFP)

Scotland save the Queen ! …. Pas de révolution dans le projet d’indépendance écossais. Malgré son détachement du Royaume-Uni, l’Ecosse a décidé de rester une royauté. Le souverain britannique reste le chef de l’Etat écossais. «L’ Ecosse indépendante sera une monarchie constitutionnelle, dans la continuité de l'Union des Couronnes qui remonte à 1603», stipule Edimbourg dans son projet.
 
Mais l’Ecosse indépendante entend cependant se doter d’une constitution écrite (pas comme l'Angleterre) qui garantira un certain nombre de droits comme «l'égalité des chances et le droit de vivre libre de toute discrimination et de préjugés»  ainsi que  certains droits sociaux et économiques «comme le droit à l'éducation, le droit aux soins de santé et de protection pour les enfants». Le gouvernement souhaite aussi une interdiction constitutionnelle des armes nucléaires sur le territoire écossais.

3)  Quelle monnaie ?

Billet de 10 pounds (DR)

La british pound (la livre sterling) est la devise de l'Ecosse, tout autant que celle du Royaume-Uni.  «La commission budgétaire a décidé qu’un espace sterling avec le Royaume-Uni serait la meilleure option pour une Ecosse indépendante». Reste à convaincre Londres et à lever les difficultés techniques.  En effet, si rien n’empêche l’Ecosse de continuer à conserver la livre, elle serait, sans accord, soumise à la politique de la Banque d’Anglerre (Banque centrale). Un accord éviterait à Edimbourg de créer sa propre monnaie. A moins que la solution ne réside dans l’euro…

4) Défense et sécurité

Le sous-marin stratégique Vengeance quitte la base de Faslane. (CPOA)

L’Ecosse  conserve cette certitude digne de William Wallace (héros écossais vainqueur des Anglais dont le film Braveheart raconte l'épopée) d’être assez forte pour se protéger elle-même. Elle disposera donc d’une armée conventionnelle, et l’abandon de l’armement nucléaire dégagera une économie de 500 millions de livres. Tant que cette armée ne sera pas constituée, Edimbourg demandera au Royaume-Uni d’assurer sa défense.
 
Mais les relations militaires risquent de se tendre rapidement lorsqu’il sera question de l’avenir de la base navale de Faslane sur la Clyde, en territoire écossais. C’est le port d’attache de la force nucléaire sous-marine du Royaume-Uni. L’Ecosse indépendante entend dénucléariser le port. Exit donc la flottille, mais aussi les ogives nucléaires qui sont stockées à quelques kilomètres de là.
 
Le camp du Oui précise que l’Ecosse fera de substantielles économies qui permettront de financer des emplois publics. Cependant, selon le ministre britannique de la défense, elle devra participer au financement d’une nouvelle base pour la Royal Navy…

5) Entrer dans L’Europe ?
 
Alors que le gouvernement de Londres envisage toujours un référendum sur l’adhésion à l’Union européenne, le gouvernement écossais est un farouche partisan de l’intégration européenne. «Le gouvernement écossais, soutenu par l'écrasante majorité des membres du Parlement écossais, estime que l'adhésion de l'Union européenne est dans l’intérêt de l'Ecosse. Notre politique, par conséquent, est qu'une Ecosse indépendante continue en tant que membre de l'UE».  

Le discours est clair. Là aussi, le nouveau gouvernement écossais doit faire appliquer cette volonté en ouvrant immédiatement des discussions avec Londres, les institutions européennes et les pays membres de l’UE pour que l’Ecosse devienne membre de l’UE le jour de son indépendance.

Le président sortant de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a eu beau déclarer qu'«il serait extrêmement difficile, voire impossible» que l’Écosse devienne membre de l'UE rapidement, la situation juridique est peut être plus complexe, le Royaume-Uni (dont l’Ecosse) étant déjà membre de l’Union. S’il fallait mener un complet processus d’intégration pour l’Ecosse indépendante, il faudrait un vote positif de l’ensemble des actuels 28 membres.

6) L’économie

  (AFP)

L’indépendance c’est bien sûr la capacité de décider par soi même des impôts et taxes. Et comme, selon le camp du oui, les finances de l’Ecosse sont plus saines que celles du Royaume-Uni, il ne sera pas nécessaire d’augmenter les impôts, insistent les indépendantistes. Le financement des dépenses actuelles est donc assuré.
 
De plus, même si les indépendantistes minimisent leur poids pour ne pas sembler en être trop dépendants, les revenus des hydrocarbures rentreront dans les caisses écossaises et non plus britanniques. Soit une réserve estimée à 1500 milliards de livres.
 
Les salariés de la fonction publique seront intégralement conservés, soit par un transfert au gouvernement écossais soit par un maintien dans le Royaume-Uni. 

Mais l'optimisme d'Edimbourg doit compter sur les intérêts anglais. Ainsi, la Royal bank of Scotland et la Lloyd banking group ont annoncé leur intention de quitter Edimbourg si le oui l'emporte. En tout 27.000 emplois seraient transférés en Angleterre.

Selon le gouvernement écossais, l'indépendance semble soft et entraîner peu de changements. Reste à savoir si les partenaires de l'Ecosse se montreront coopératifs. Pour Alex Salmond, les dossiers à négocier avec Londres sont nombreux avant qu'il ne puisse célébrer (entre la Reine et Sean Connery) l'indépendance de l'Ecosse (au pied du chateau de Balmoral) le 24 mars 2016...

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