Comment la mort de Diana a forcé la monarchie britannique à se moderniser
Vingt ans après la mort de "Lady Di", franceinfo vous explique en quoi cet événement tragique a marqué un tournant dans l'histoire de la famille royale.
Le 31 août 1997, le Royaume-Uni se réveille en deuil. Des sanglots dans la voix, le jeune Premier ministre travailliste, Tony Blair, pleure la disparition de "la princesse du peuple". Quelques heures avant le lever du jour, Diana est morte à Paris, après un accident de voiture dans le tunnel de l'Alma, à Paris. Sous un ciel gris, les Londoniens éplorés commencent à déposer une mer de fleurs devant les palais de Buckingham et de Kensington. Les Britanniques pleurent leur "reine de cœur" et réclament des funérailles à la hauteur.
Face à eux, le silence de la famille royale, retranchée dans son château de Balmoral, en Ecosse, comme chaque été, devient assourdissant. Pis, il n'y a même pas de drapeau en berne au-dessus de Buckingham Palace. La presse se déchaîne : "La famille royale nous a laissés tomber", assène le Sun. Près d'un quart des sondés se prononcent désormais pour l'abolition de la monarchie. Le Guardian prévient : "Si les Windsor ne retiennent pas la leçon, ils n'enterreront pas seulement Diana, mais aussi leur avenir."
Le 5 septembre, la veille des funérailles, la reine Elizabeth II se résout enfin à prendre la parole, dans une exceptionnelle allocution télévisée - sa deuxième en quarante-cinq ans de règne - pour rendre un hommage appuyé à son ex-belle-fille. Et elle s'incline ensuite publiquement devant le cercueil. Le lendemain, 2,5 milliards de téléspectateurs assistent aux obsèques grandioses de Diana Spencer. Et tout est pardonné à la royauté. Vingt ans après la mort de "Lady Di", franceinfo vous explique en quoi ce moment a marqué un tournant dans l'histoire de la famille royale.
Le service de presse à dû être dépoussiéré
"Une blague circulait à l'époque", se souvient l'expert en relations publiques Mark Borkowski, interrogé par l'AFP. "Quand les histoires les plus intéressantes sur Diana sortaient, les journaux du dimanche et les tabloïds appelaient le service de presse de Buckingham mais tombaient sur un répondeur", parce que "tout le monde était parti le vendredi à 17 heures".
Alors que les moindres détails du mariage malheureux du prince Charles et de la princesse Diana, puis de leur rupture, sont étalés dans les journaux, le poussiéreux service de presse de Buckingham Palace reste silencieux, dépassé par la machine médiatique, ce qui renforce l'image d'une institution distante et vieillissante, où tout n'est plus que protocole et tradition. Après la mort de "Lady Di", le palais a fait sa révolution et engagé des professionnels des relations publiques. Une machine de communication bien huilée destinée à faire évoluer l'image d'une institution écornée par les frasques.
La monarchie est de plus en plus le produit d'une campagne de gestion de l'information très sophistiquée.
Patrick Jephson, ancien secrétaire privé de Dianaà l'AFP
La stratégie est la suivante : il faut maîtriser la communication, distiller des informations valorisantes et préserver au maximum l'intimité des royals. "La firme", comme elle est surnommée, "est toujours aussi impénétrable", confirme Vincent Meylan, journaliste à Point de vue, joint par franceinfo. "Les accès sont toujours aussi limités, et il n'y a pas plus d'interviews de la famille royale qu'avant. D'ailleurs, le prince William a une attitude tout aussi méfiante à l'égard de la presse que sa grand-mère." "Rien ne se fait naturellement avec la royauté britannique. Tout est chorégraphié avec une influence plutôt conservatrice de la reine et une autre plutôt progressiste des gouvernements successifs", pointe Marc Roche, ancien correspondant du Monde à Londres.
La reine s'est "rapprochée du peuple"
Un des principaux chantiers a été de donner une image plus humaine à Elizabeth II, réputée pour s'apitoyer plus volontiers sur le sort de ses chiens et de ses chevaux que sur celui de ses sujets. "Il y a eu une politique de communication plus agressive avec beaucoup plus de présence médiatique de la reine", se remémore Marc Roche.
"La reine s'est rapprochée du peuple, analyse-t-il. Soudain, elle qui n'a jamais pratiqué le bain de foule, à l'inverse de Diana qui adorait aller vers le public, est allée visiter un HLM ou s'est rendue au pub, ce qui était impensable avant la mort de Diana. On la voyait toujours dans des fonctions régaliennes très détachées du public : des visites officielles, des réceptions de chefs d'Etat, des parades militaires et des inaugurations en tout genre."
L'image du prince Charles a été retravaillée
L'image du prince Charles, le premier dans l'ordre de succession au trône, engoncé dans ses costumes croisés et raillé pour sa raideur un peu hautaine, a aussi été retravaillée. "Une campagne a été orchestrée par la machine de relations publiques du palais visant à réhabiliter l'image du prince Charles", à qui les Britanniques n'ont toujours pas vraiment pardonné l'échec de son mariage avec l'iconique Diana. "Ses actions caritatives, son engagement pour l'environnement, le bon père de famille s'occupant de ses enfants orphelins de mère... Tout cela a été mis en scène", assure Marc Roche.
"Cette campagne médiatique a aussi consisté à faire accepter sa relation puis son mariage, en 2005, avec son ancienne maîtresse Camilla, perçue comme une briseuse de ménage. Cette offensive médiatique a indirectement conduit à faire oublier Diana. Et cela a réussi admirablement bien", analyse l'ancien correspondant du Monde.
Les coups de com se sont multipliés
Pour paraître plus proche de ses sujets et de leurs préoccupations, "la famille royale a soudain fait attention à ses dépenses", ajoute Marc Roche. "Ils voulaient être une famille plus accessible (...), plus résolument engagée envers leur pays et non ces aristos qui ne comprennent pas le peuple", souligne l'expert en relations publiques Mark Borkowski.
Les Windsor "ont essayé de promouvoir les aspects positifs de la famille royale", explique à l'AFP Robert Jobson, coauteur du livre Diana : un secret bien gardé. Ces dernières années, la famille royale a enchaîné une séquence médiatique parfaite. Il y a ainsi eu le mariage en grandes pompes du prince William avec Kate Middleton en 2011, la naissance de leurs deux enfants, George puis Charlotte dont les moindres faits et gestes sont médiatisés, et le jubilé de diamant d'Elizabeth II. Et un joli coup de com' : la reine a ainsi fait l'actrice pour un simulacre de parachutage avec Daniel "James Bond" Craig en ouverture des Jeux olympiques de Londres en 2012.
Des nouvelles têtes ont été mises en avant
La jeune génération joue un rôle prépondérant dans cette évolution, en assurant la relève et garantissant à "la firme" une influence intacte. "Le prince Andrew, la princesse Anne ou le prince Edward ont peu à peu disparu de la scène et la nouvelle génération est montée", observe Marc Roche. "On introduit sans cesse de nouveaux personnages qui font rêver. Les derniers en date étant William, Kate et leurs enfants. Quant au prince Harry, après ses frasques adolescentes, il fait aujourd'hui l'unanimité avec son parcours militaire exemplaire en Afghanistan, son engagement pour les vétérans et ses actions caritatives." Et quand la grand-mère Elizabeth II s'invite dans une vidéo au côté de son petit-fils Harry pour promouvoir son action, c'est encore mieux.
Unfortunately for you @FLOTUS and @POTUS I wasn't alone when you sent me that video - H.https://t.co/sjfSQvkzb6
— Kensington Palace (@KensingtonRoyal) 29 avril 2016
Mieux, William et Harry, en prenant publiquement position sur des sujets sociaux comme les sans-abri ou les problèmes de santé mentale, font revivre le souvenir de Diana et perpétuent son héritage. "Ceux qui adoraient Diana - essentiellement à Londres et au sein des minorités ethniques et sexuelles d'ailleurs, car dans le pays profond on était toujours très monarchistes et légitimistes - étaient orphelins, ils ont désormais William, Harry et Kate", commente Marc Roche.
"La famille royale a certainement tiré des leçons à travers le temps", juge Robert Jobson. Deux décennies après l'épreuve de la mort de Diana, l'institution monarchique paraît on ne peut plus solide et la reine Elizabeth II, dont le règne bat un record de longévité, plus respectée que jamais.
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