L'enfant soldat britannique de 14-18
En août 1915, Sidney Lewis est en vacances. Le Royaume-Uni a désespérement besoin d'hommes pour son armée, uniquement composée de volontaires. A cette époque, bien qu'il n'ait que 12 ans, Sidney tente sa chance.
Anthony Richards, à la tête des archives au War Imperial Museum à Londres, explique ainsi à l'AFP, le geste du jeune garçon : «Les gens de l'époque étaient épris de patriotisme. Il y avait aussi beaucoup de pression de la part des familles, des amis et de la société en général, pour qu'ils contribuent à l'effort de guerre.» L'historien Richard van Emden estime à environ 250.000 le nombre de soldats britanniques mineurs pendant la Grande Guerre. Selon lui, les parents laissent leur jeune fils s'enrôler sous prétexte que «cela fait une bouche de moins à nourrir et que cela leur fera le plus grand bien de respirer le grand air».
Selon le Huffington Post, «les familles sont alors persuadées que leurs enfants resteront au Royaume-Uni, l'âge officiel pour combattre à l'étranger étant fixé à 19 ans».
De nos jours, on dénombre 250.000 enfants soldats dans le monde. Un chiffre toutefois difficile à évaluer. Des millers d'enfants continuent à être utilisés en tant que soldats en Colombie, en Birmanie et en République Démocratique du Congo. En Europe, c'est en Tchétchénie que l'on trouve ces très jeunes combattants. Mais leur nombre exact est impossible à évaluer. La majorité de ces enfants soldats est enrôlée dans des groupes paramilitaires, des milices et des unités d'auto-défense dans les zones de conflits ethniques et religieux. Très peu d'armées régulières utilisent des enfants.
Revenons au parcours extraordinaire et longtemps tenu secret de Sidney Lewis. Avec cette question : «Comment un gamin de 12 ans peut entrer dans l'armée britannique ─ alors que l'âge légal est de 18 ans ─, celà dépasse l'entendement», explique Richard van Emden, auteur du livre Boys Soldiers of the Great War. Sidney «faisait à coup sûr plus vieux que son âge et il a dû bénéficier du laxisme» des autorités chargées du recrutement.
Sidney parvient à se faire enrôler à Kingston et sa mère «ne sait pas où il s'est volatilisé». A l'été 1916, la supercherie est découverte. Un soldat en permission informe la mère de Sidney que le garçon se bat dans les tranchées de la Somme avec la 106e compagnie de mitrailleurs. Alertées, les autorités militaires réagissent immédiatement et envoient un courrier à la famille. Un document inestimable, jauni par le temps et retrouvé très recemment : «Je souhaite vous informer que des mesures ont été prises. Le gamin a été renvoyé dans les plus brefs délais.»
Pour Colin Lewis, son fils, âgé de 80 ans, le choc est total. Au-delà de la surprise, l'émotion et l'admiration l'emportent : «Mon père avait bien mentionné qu'il avait combattu pendant la Première Guerre mondiale mais j'ai pensé qu'il exagérait parce qu'il était bien trop jeune à l'époque. On n'en a jamais reparlé. C'est presque un secret de famille.»
La Grande Guerre, la plus meurtrière du siècle dernier, hante encore les mémoires de beaucoup de générations. Les tranchées conservées comme un devoir de mémoire sont même devenues un lieu de jeux pour les enfants insouçiants. Ainsi, en France, la destinée d'Alain Fournier, l'auteur du Grand Meaulnes, un roman longtemps étudié à l'école primaire, a touché bon nombre de personnes. Son histoire, c'est un peu Un long dimanche de fiancailles, livre de l'écrivain Sébastien Japrisot. Où était passé le lieutenant Henri Alban Fournier en septembre 1914? Ce n'est qu'en 1991 que des archéologues découvrent son corps dans les sous-bois de Saint-Rémy-de-Calonne, à 21 kilomètres de Verdun. Identifié grâce à sa plaque militaire.
Une émotion intacte lors de la révélation de l'histoire de Sidney Lewis. A l'occasion des célébrations du centenaire de la Première guerre mondiale, le soldat Lewis, gamin sans peur envoyé dans les tranchées de la sanglante bataille de la Somme, obtient, à titre posthume, la reconnaissance de toute une nation. Et surtout l'admiration de son fils. Colin Lewis a prévu de rendre hommage à son père, son héros. Il ira avec ses enfants et ses petis-enfants sur les champs de bataille de la Somme.
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