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Migrants de Calais: tension diplomatique entre Paris et Londres

Au lendemain d'une nuit qui a connu l'intrusion la plus massive de migrants jamais enregistrée dans la zone du tunnel sous la Manche, avec 2.300 clandestins, le sujet de la pression migratoire de plus en plus forte à Calais, à seulement 25 km des côtes anglaises, est à l'origine d'une nervosité franco-britannique palpable.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
A Calais, de plus en plus de migrants prennent d'assaut le tunnel sous la Manche à pied, vers le Royaume-Uni. Entre début juin et fin juillet 2015, neuf d'entre eux y ont perdu la vie. Le Premier ministre britannique a jugé la situation «très préoccupante». (Pascal ROSSIGNOL / REUTERS)

A chaque occasion, les autorités britanniques et françaises se renvoient la responsabilité dans la gestion des migrants qui tentent de pénétrer au Royaume-Uni via le tunnel sous la Manche.

Ce dernier incident - dans la nuit du 28 au 29 juillet 2015 - au cours duquel un Soudanais a perdu la vie, percuté par un camion, a encore ajouté de la crispation dans les relations bilatérales et poussé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, à mobiliser 120 policiers supplémentaires à la frontière à Calais. 

Un geste sans doute apprécié par le chef du gouvernement britannique dont l'agacement était à peine voilé depuis plusieurs semaines. Sans mettre la France directement en cause, le conservateur David Cameron a néanmoins répété que la situation était pour lui «très préoccupante». Autrement dit, les autorités françaises n'auraient pas mis tout en oeuvre pour enrayer le flux migratoire.

Il faut bien admettre que le Royaume-Uni agit comme un aimant sur les milliers de migrants retenus à Calais et prêts à prendre tous les risques pour rejoindre ce qui est à leurs yeux un "eldorado". Une traversée quasi impossible et qui pourtant paraît bien peu de chose en regard de la longue distance déjà parcourue au péril de leur vie. Depuis le début du mois de juin, 9 clandestins candidats à l'exil, dont une femme enceinte, sont morts en tentant le passage.

L'immense pouvoir d'attraction de la Grande-Bretagne sur les migrants
Si, selon Eurostat, la Grande-Bretagne n'était en 2014 que le sixième pays européen en termes de demandes d'asile derrière l'Allemagne, la Suède, l'Italie, la France et la Hongrie, les tentatives spectaculaires de franchir le tunnel sous la Manche en ce mois de juillet 2015 mettent en lumière la force d'attraction de ce pays sur les migrants.

Une croissance économique de 2,6% en 2014, un taux de chômage de 5,6%, contre 10% en France, une langue bien maîtrisée par les migrants souvent issus d'anciennes colonies britanniques, une communauté déjà présente sur le territoire, sont autant d'arguments pour tenter coûte que coûte de faire sauter le verrou entre la France et l'Angleterre.

Côté français, les reproches exprimés par les voisins d'outre-Manche sur l'apparent laxisme à Calais font l'effet d'une provocation. Car, ce que dénoncent certains responsables politiques, c'est l'absence de lutte véritable contre le travail au noir au Royaume-Uni.

La question du contrôle de l'autre côté du Channel
«Halte à l'hypocrisie avec nos amis anglais (...) il faut que l'Angleterre change ses règles sur le travail des clandestins», a affirmé le député Les Républicains (opposition) Xavier Bertrand, le 29 juillet 2015 sur BFMTV/RMC, demandant aussi aux Britanniques d'«accepter de faire le travail de contrôle à leur frontière à Douvres»

Rappelons que le Royaume-Uni n'a pas adhéré à l'espace Schengen de libre circulation des personnes, ce qui impose des contrôles de douane au départ des ports français et du tunnel sous la Manche.

Pour Pierre Henry, directeur général de l'association France Terre d'Asile, la Grande-Bretagne doit faire plus en matière de contrôles frontaliers. «La Grande-Bretagne a externalisé ses contrôles sur le territoire français, et l'État français est en quelque sorte le bras policier de la Grande-Bretagne», a-t-il déploré sur RTL. Londres a déjà débloqué 25 millions d'euros pour la sécurisation du site d'Eurotunnel. «Si nous pouvons faire plus, nous le ferons sans aucune hésitation», a promis le Premier ministre britannique David Cameron.  

Mais, tandis que le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve était en déplacement le 29 juillet 2015 en Grande-Bretagne pour s'entretenir avec son homologue britannique Theresa May sur la question migratoire, omniprésente depuis 15 ans dans le Calaisis, un jeune clandestin égyptien était électrocuté par une caténaire à la garde du Nord à Paris, après avoir tenté de prendre un Eurostar à destination de Londres.

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