Cet article date de plus d'onze ans.

Le «modèle» Kadyrov en Tchétchénie

Le 25 février 2013, Gérard Depardieu vante le modèle mis en place par Ramzan Kadirov, dirigeant trentenaire aux méthodes expéditives soutenu par Vladimir Poutine. Mais qu'en est-il de la Tchétchénie, région du Caucase officiellement «pacifiée», selon Moscou ?
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Vladimir Poutine accueilli par Ramzan Kadyrov à l'aéroport de Goudermes, en Tchétchénie, le 20 décembre 2011. (Aleksey Nikolskyi / RIA NOVOSTI)
«L'Europe préfère croire ceux qui parlent de stabilité en Tchétchénie (...). Ils préfèrent ne pas croire les défenseurs des droits de l'Homme», a lancé le 21 février 2013 Svetlana Gannouchkina. La cofondatrice d’Assistance civique, une ONG qui aide les réfugiés et migrants issus des anciennes républiques soviétiques, réagissait  après l’annonce de Vienne d’expulser vers la Russie une dizaine de réfugiés tchétchènes.
 
Autre son de cloche, celui de Gérard Depardieu, qui s’est vu offrir la nationalité russe par le président Vladimir Poutine. L’acteur a annoncé le 25 janvier son intention de tourner un film en Tchétchénie. Motif : «Expliquer comment un homme a pu construire une ville toute neuve en cinq ans». Il se référait sans doute aux grands travaux menés à Grozny par son ami, le numéro un tchétchène. Ramzan Kadirov a transformé sa ville en ersatz de Dubaï.

Le président tchétchène Ramzan kadyrov et l'acteur Gérard Depardieu, le 24 février 2013 à l'aéroport de Grozny. (AFP PHOTO / ELENA FITKULINA )

Les organisations de défense des droits de l'Homme dénoncent les exactions commises par les forces de sécurité tchétchènes en général et par la milice personnelle de Kadyrov en particulier – enlèvements, tortures, exécutions sommaires – contre toute rébellion indépendantiste. L'homme, qui a les coudées franches, n’en a cure. Il use de méthodes répressives pour mater toute opposition.
 
Fort des halles au profil de boxeur, amateur d’armes et de belles voitures, Kadyrov a juré en 2005 de tuer ses ennemis «jusqu’au dernier». Dès son arrivée au pouvoir  comme Premier ministre par intérim en 2005 puis comme président en 2007 , il s’est allié au maître du Kremlin, qui tenait des propos similaires en 1999, quand il disait vouloir «buter les Tchétchènes jusque dans leurs chiottes».

La religion comme socle de son pouvoir
Ce père de sept enfants, qui encense la polygamie et le port du foulard pour les femmes, a proclamé que la loi islamique était supérieure «aux lois de la fédération de Russie». En entretenant une image de bon musulman, Kadyrov exploite le sentiment religieux des Tchétchènes pour se maintenir au pouvoir.
 
Poutine n’est pas dupe, lui qui joue des liens avec l’Eglise orthodoxe pour garder sa base conservatrice. Mais il parraine son poulain tant qu’il normalise la République et éloigne le spectre du terrorisme islamiste. Car si le séparatisme dans le Caucase a été longtemps ethnique, il est aujourd’hui devenu religieux.

Pour ce faire, le président russe lui donne carte blanche
Kadyrov a ses entrées au Kremlin, «où il reçoit tout l’argent qu’il demande. Sa liberté en Tchétchénie est totale», précise Ivan Soukhov, spécialiste de la région, dans le Courrier de Russie. Il faut savoir que 90% du budget de la République, soit six milliards d’euros en 2011, proviennent de Moscou. 

Voix dissidente au Kremlin, le blogueur nationaliste russe Alexeï Navalny demande que l’on arrête «de nourrir le Caucase» et dénonce sur son blog rospil.info la corruption galopante en Tchétchénie. Selon le «Hamster du net», le sport national est de fausser des appels d'offres afin de détourner l'argent public. Un avis qui trouve un écho parmi les Russes, dont beaucoup ressentent un fort sentiment anti-caucasien.

Portrait de l'homme fort de Tchétchénie ...


Le séparatisme s'est déplacé 
L'insurrection en Tchétchénie, théâtre de deux guerres indépendantistes qui ont fait plus de 100.000 morts dans les années 1990 et 2000, est donc aujourd’hui officiellement matée. Pour autant, la rébellion n’est pas morte.
 
Elle a essaimé dans tout le Caucase russe, misérable et corrompu, du Daguestan, à l’Ingouchie en passant par la République de Kabardino-Balkarie (à l’ouest de la Tchétchénie). Des attentats y ont lieu régulièrement. En 2012, 391 rebelles présumés ont été tués et 461 arrêtés par les Russes. 211 représentants de l'Etat et 78 civils ont été liquidés par les insurgés, selon l’agence russe Interfax.
 
Poutine a donc encore du travail à faire pour «pacifier» ces régions au nom de la lutte contre «le terrorisme international».
 
En attendant, un changement de cap du Kremlin vis-à-vis du satrape tchétchène n’est pas à l’ordre du jour. Sotchi, où se déroulent les JO d’hiver en 2014, se trouve à 1h de voiture du Caucase du Nord. Importants pour l’aura du président russe, ces jeux olympiques se doivent donc d’être réussis. Moscou, qui ne conçoit pas que la fête soit gâchée par une attaque terroriste, continue sa politique de stabilisation de la région. Notamment avec l’aide de Ramzan Kadirov.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.