Présidentielle en Russie : qui sont les candidats à l'élection qui sera remportée par Vladimir Poutine ?
En pleine guerre en Ukraine, déclenchée il y a deux ans par Moscou, les électeurs russes devront se prononcer sur le nom du futur président, du vendredi 15 au dimanche 17 mars. L'issue du scrutin ne fait aucun doute, et Vladimir Poutine est déjà assuré de rempiler pour un cinquième mandat. Huit candidats étaient en lice lors du dernier scrutin, en 2018, année où le locataire du Kremlin l'avait largement emporté, loin devant le candidat communiste (11,8%). Cette fois encore, l'opposition systémique tolérée par le Kremlin devrait se partager quelques votes, sans grande ambition.
Cinq partis peuvent présenter des candidats, sans avoir besoin de fournir de signatures de parrainage citoyen (Russie unie, Parti libéral-démocrate, Parti communiste, Nouveau Peuple et Russie juste). Les personnalités politiques investies par d'autres formations, en revanche, doivent recueillir entre 100 000 et 105 000 signatures de citoyens pour se présenter. C'était le cas du libéral Boris Nadejdine (Initiative civile), dont la candidature a finalement été rejetée. Enfin, les "indépendants" devaient collecter 300 000 parrainages – c'est le cas de Vladimir Poutine. On vous présente les quatre principaux candidats, validés par la commission électorale russe.
Vladimir Poutine (candidat indépendant)
Recueillir plus de 300 000 signatures a été une formalité pour le locataire du Kremlin. Son équipe affirme que le président en a recueilli dix fois plus, même si les points de collecte, installés çà et là dans l'espace public, paraissaient souvent vides. Vladimir Poutine, 71 ans, devrait décrocher aisément un nouveau mandat de six ans, ce qui lui permettra de rester au Kremlin jusqu'en 2030 (voire 2036 s'il est encore candidat la prochaine fois). Elu avec 76,7% des voix en 2018, le dirigeant devrait une nouvelle fois faire le plein.
Leonid Sloutsky (Parti libéral-démocrate)
A la tête du Parti libéral-démocrate de Russie (LPDR), une formation nationaliste et conservatrice, Leonid Sloutsky, 56 ans, mène sa campagne sur le thème des petites entreprises, de la propriété immobilière et des normes. Il ne reproche absolument rien au président, bien au contraire. "Je rêve d'une victoire de notre opération militaire [en Ukraine], pas d'une victoire face à Poutine", a-t-il déclaré fin décembre, selon l'agence de presse RIA Novosti.
"Notre tâche est de garantir que l'élection du chef de l'Etat soit aussi légitime que possible", a résumé sans ambages le député LPDR Sergueï Leonov, qui endosse volontiers ce rôle de faire-valoir pour son candidat. De toute manière, "tous ceux actuellement enregistrés soutiennent [Vladimir] Poutine à un degré ou à un autre", a également reconnu fin janvier un adjoint du candidat au média web Vidsboku.
"Vladimir Poutine est l'homme politique le plus influent de la planète."
Leonid Sloutsky, candidat LPDR à la présidentielleRIA Novosti
La mission de Leonid Sloutsky est donc d'intéresser l'opinion à cette élection, en multipliant les déplacements. Le LPDR aura également pour ambition de ravir la deuxième place, traditionnellement dévolue au Parti communiste. Ce que le Kremlin verrait d'ailleurs d'un bon œil, écrit le média indépendant russophone Meduza, citant des sources dans les administrations régionales et au sein du LPDR. Mais le député part de loin. Seul 18% des personnes interrogées lui accordent leur confiance, contre 80% pour Vladimir Poutine, d'après le centre de recherche sur l'opinion publique VTsIOM.
Pour tenter de se faire un nom, il multiplie les commentaires outrés sur l'actualité du moment. Après un scandale autour d'une soirée de la jet-set en petite tenue, Leonid Sloutsky a notamment proposé de priver les artistes de leurs titres honorifiques, s'ils ont eu un comportement "inacceptable". Le responsable politique a par ailleurs été accusé de harcèlement sexuel par plusieurs femmes journalistes (BBC, RTVI, Dojd...), mais il n'a jamais été sanctionné par la commission d'éthique de la Douma.
Nikolaï Kharitonov (Parti communiste)
Agé de 75 ans, Nikolaï Kharitonov a été choisi pour défendre la traditionnelle candidature du Parti communiste. Puisqu'il s'agit d'une formation parlementaire, ce vétéran de la politique a été dispensé de collecter des signatures. Déjà candidat il y a vingt ans, en 2004 (13,8%), il avait ensuite laissé la place à Guennadi Ziouganov.
Cet ancien agronome a dirigé une ferme collective dans la région de Novossibirsk pendant plus de vingt ans, avant de participer à la création du Parti agraire, puis de rejoindre le Parti communiste. Nikolaï Kharitonov a également reçu le grade de colonel du FSB dans les années 2000. L'un de ses neveux est par ailleurs mort au combat en Ukraine, en juillet dernier.
Il propose notamment des nationalisations et des mesures encourageant l'industrie. Cette terne candidature présente peu d'intérêt, car le Parti communiste soutient en réalité la politique du Kremlin. Difficile de croire au succès de sa campagne, pourtant baptisée "Victoire". "Je n'exclus pas qu'il puisse lui-même faire campagne pour Vladimir Poutine à mesure que la campagne progresse", estime un analyste russe cité par un quotidien de Novossibirsk. "Je ne peux pas dire que je vaux mieux que Poutine", a d'ailleurs déclaré fin décembre l'intéressé, selon le média russe Sota Vision. La mission de Nikolaï Kharitonov, de toute manière, se borne à décrocher la deuxième place. Une tâche d'autant plus délicate que le Kremlin semble chercher un nouveau valet électoral.
Vladislav Davankov (Nouveau Peuple)
Agé de 39 ans, Vladislav Davankov est le plus jeune des candidats. Son parti, Nouveau Peuple, s'est d'abord abstenu pendant le vote sur la reconnaissance de l'indépendance Donetsk et de Louhansk. Mais il a ensuite retiré sa déclaration et soutenu l'invasion de l'Ukraine. Sa position sur la guerre, désormais, est pour le moins ambiguë. "Voudrais-je la paix à tout prix ? Non", a-t-il déclaré lors d'une réunion à Saint-Pétersbourg, selon le site d'actualité russe Fontanka. Il a tout de même insisté pour que l'opération militaire spéciale trouve une issue, sans dévoiler sa position.
Candidat à la mairie de Moscou (5,4%) en 2023, cet homme d'affaires milite pour une liberté accrue pour les entreprises, un allégement des démarches administratives, une décentralisation économique du pays et une modernisation. Il souhaite également augmenter les budgets de l'éducation et de la santé. Compte-t-il se montrer véhément vis-à-vis de Vladimir Poutine ? Interrogé fin décembre sur le sujet, Vladislav Davankov s'en est tiré avec une pirouette : "Il n'y a rien à gagner avec des critiques politiques. Ce sont des méthodes d'une autre époque", a-t-il répondu, comme le montre sur Telegram le groupe de médias RBK.
Vladislav Davankov a apporté sa signature à plusieurs candidats déclarés, parmi lesquels Boris Nadejdine et l'écologiste Anatoly Batashev, afin, dit-il, de soutenir le pluralisme politique. Il souhaite de plus débloquer l'accès au réseau Instagram, proscrit depuis mars 2022. "De toute façon, tout le monde dispose aujourd'hui d'un VPN", a-t-il déclaré lors d'un meeting.
Les absents
Figure de l'intelligentsia depuis les années 1990, Grigori Iavlinski, le fondateur du parti libéral Iabloko, avait fait savoir, dès le mois de décembre, que sa formation ne présenterait pas de candidat. A la fin de l'année, la commission électorale avait écarté la candidature de la journaliste Ekaterina Dountsova, militante pour la démocratie et la fin de l’offensive en Ukraine. Celle-ci a ensuite soutenu Boris Nadejdine, recalé après l'examen de ses signatures.
Le communiste Sergueï Malinkovitch a également été recalé à cette étape. Andreï Bogdanov, de l'énigmatique Parti russe de la liberté et de la justice, a jeté l'éponge. Le militant écologiste Anatoly Batachev, candidat indépendant, n'a pas recueilli les 300 000 parrainages exigés, tout comme la blogueuse spécialiste des conseils beauté Rada Russkikh. Le président du parti nationaliste Union du peuple russe, Sergueï Babourine, appelle à voter pour Vladimir Poutine, après avoir déposé ses signatures, puis retiré sa candidature.
Le nationaliste Igor Guirkine, condamné à la perpétuité aux Pays-Bas pour sa responsabilité dans le crash du Malaysia Airlines en 2014, purge une peine de quatre ans de prison, annoncée en janvier, après des insultes adressées au commandement militaire russe.
Le principal opposant à Vladimir Poutine, le militant anticorruption Alexeï Navalny, est mort le 16 février dans la colonie pénitentiaire de l'Arctique où il était emprisonné. Quelques jours auparavant, il appelait à des manifestations pendant le scrutin. Enfin, l'ancien patron de la milice Wagner, Evguéni Prigojine, n'a pas eu le temps de dévoiler ses éventuelles intentions, puisqu'il est mort en août dans le crash d'un avion.
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