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"Vous pouvez aller chercher le collier de perles de ma mère ?" : quand Paul-Henri Nargeolet confiait pourquoi il continuait de plonger vers l'épave du "Titanic"

Invité de franceinfo en 2022, le grand spécialiste du mythique paquebot répondait aux critiques après plus de 35 plongées vers l'épave.
Article rédigé par Elodie Suigo, Xavier Allain
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Paul-Henri Nargeolet, face à une maquette du Titanic, en mai 2013, à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

Il était l'un des passagers du sous-marin disparu : le Français Paul-Henri Nargeolet, grand spécialiste du Titanic, fait partie du groupe d'explorateurs à bord du sous-marin qui a disparu dimanche, et dont l'espoir de retrouver des survivants s'est envolé jeudi avec l'annonce d'une "implosion catastrophique" de ce petit submersible de tourisme scientifique, par les garde-côtes américains. "Nous estimons à présent que notre patron Stockton Rush, Shahzada Dawood et son fils Suleman, Hamish Harding et Paul-Henri Nargeolet sont malheureusement morts", a déploré dans un communiqué la société américaine OceanGate Expeditions, après quatre jours de recherche qui ont captivé aux Etats-Unis et à l'étranger. 

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Paul-Henri Nargeolet, surnommé "Monsieur Titanic", n'était pas un novice : il avait effectué de très nombreuses plongées vers l'épave du paquebot mythique.

Interrogé sur franceinfo, Michel L'Hour, archéologue sous-marin de renom, ancien-directeur du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), confiait avoir eu par téléphone son ami, âgé de 77 ans, quelques heures avant cette fameuse descente vers l'épave du mythique paquebot à 4 000 m de fond, au large du Canada. "Il était dubitatif parce que c'est un engin d'une nouvelle conception en fibre de carbone, avec un hublot très large, presque 60 cm de diamètre, ce qui est énorme pour des machines qui sont soumises à des pressions considérables."

"Lorsque je l'ai eu au téléphone 48 heures avant le début de cette mission, quand on a évoqué ce sous-marin, il m'a dit 'je ne te cache pas que je suis un peu dubitatif, c'est assez intrigant, mais ça m'intéresse de voir comment ça marche'. "

Michel L'Hour

à franceinfo

Et l'expert de préciser : "C'est un explorateur-né, c'est quelqu'un avec beaucoup de sang-froid. Il n'y a aucune folie chez Paul-Henri [Nargeolet]. Il a une passion folle pour le Titanic, mais il est parfaitement raisonnable. Je pense que si lui avait pensé réellement que cette machine n'était pas "sécure", il ne serait à la fois pas rentré dedans et il n'aurait pas proposé d'y accompagner les passagers. Il doutait peut-être dans le principe, mais je pense que s'il est descendu, c'est parce qu'il avait confiance dans la machine".

Et pour cause : Nargeolet n'en était pas à sa première plongée. En 1993, il avait été le premier à avoir remonté à la surface 800 objets du paquebot qui a sombré le 14 avril 1912 après avoir heurté un iceberg à 600 km des côtes de Terre-Neuve. Il avait, depuis 1987 et toujours via des petits sous-marins, réalisé une trentaine de descente vers le Titanic. Le réalisateur du film du même nom, James Cameron, connaissait depuis 25 ans  Paul-Henri Nargeolet. Il a confié son émotion après l'annonce de la disparition de l'explorateur français : "Il m'est presque impossible d'accepter qu'il soit mort tragiquement de cette manière", a-t-il regretté. 

"Grâce à ces objets, on retrouve l'histoire de gens dont on n'aurait jamais parlé"

Invité de franceinfo, en avril 2022, pour la sortie de son livre Dans les profondeurs du Titanic, il répondait aux critiques formulées vis-à-vis de ces expéditions coûteuses, risquées et qualifiées de "profanatrices" par certains. "Il y a eu une polémique dès le départ avec quelqu'un qui a fait [une plongée vers l'épave du Titanic]d'une façon tout à fait malhonnête. (...) Moi, je suis dans le respect. Dans mon livre, je raconte que j'ai rencontré deux survivantes le même jour, une le matin, qui m'a dit : 'Moi, je n'aime pas ce que vous faites parce que mon père est mort sur l'épave, ça ne me plaît pas, il faut laisser tout ça tranquille'. L'après-midi du même jour, j'ai rencontré une autre survivante qui m'a dit : 'Moi, j'aime bien ce que vous faites et d'ailleurs, ma maman a oublié son collier de perles sur la table de nuit. Est-ce que vous pouvez aller le chercher ?' Ce sont deux façons de voir les choses, elles sont différentes", raconte-t-il au micro d'Elodie Suigo.

Et de préciser : "Mon avis, c'est qu'il vaut mieux remonter des objets parce que c'est la mémoire du bateau, c'est ce que les gens ont envie de voir. C'est important pour les générations futures qu'elles aient quelque chose qui vient du Titanic. Grâce à ces objets, on retrouve l'histoire de gens dont on n'aurait jamais parlé. Parce que, qu'est-ce qui a été mis en avant très souvent ? Ce sont les célébrités de l'époque qui étaient les millionnaires ou milliardaires de l'époque. Mais les histoires des émigrants qui voulaient avoir une vie meilleure aux États-Unis ont été oubliées. Tous les jours, on tire une ficelle et puis on tire une histoire".

Celui qui avouait avoir "toujours été fasciné par les épaves depuis tout petit" racontait alors sur franceinfo sa première plongée : "Dans le sous-marin, en débouchant pour la première fois sur l’épave du Titanic, pendant un moment, pratiquement, dix minutes, on n'a pas dit un mot." Et de glisser : "Tant que je serai debout et qu'on me propose de le faire, je ne vois pas pourquoi je ne continuerais pas. Ce serait dommage".

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