Après la chute de Bachar al-Assad en Syrie, la presse internationale partagée entre soulagement et incertitude
Une chute "historique" commentée par la presse du monde entier. Le renversement du régime de Bachar al-Assad, annoncé par les rebelles menés par des islamistes radicaux dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 décembre, aura de nombreuses conséquences pour les Syriens et l'ensemble de la région. "Bye-bye Bachar", écrit le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, précisant que si la chute du régime de l'autocrate syrien "peut être fêtée", elle soulève aussi beaucoup de questions quant à l'avenir du pays.
Pour le quotidien libanais L'Orient-Le Jour, la chute du président syrien fait renaître l'espoir au Moyen-Orient, marqué par des décennies de violences. "L’un des régimes les plus criminels au monde (...) vient de tomber sans massacre", souligne le journal, qui appelle la communauté internationale à jouer "un rôle-clé (...) pour faire en sorte que la transition soit pacifique et que la Syrie puisse enfin panser ses plaies". A contrario, la chaîne qatarie Al Jazeera enjoint plutôt les acteurs internationaux à laisser "humblement" le peuple syrien décider seul de son sort.
"Une victoire morale"
En Israël, qui partage une frontière avec la Syrie, le renversement du régime du président syrien "est avant tout une victoire morale", salue le quotidien Haaretz. Le pays "ne pleurera pas la chute d’Assad, ennemi implacable d’Israël, qui a transformé la Syrie en base arrière pour les milices iraniennes et en plateforme pour le transfert massif d’armes et de munitions au Hezbollah", souligne le Jerusalem Post.
Toutefois, le renversement du régime syrien comporte aussi des "dangers" pour l'Etat hébreu, prévient le Times of Israel. Sous la direction de Bachar al-Assad, la Syrie "était peut-être un ennemi, mais c'était un Etat", écrit le quotidien. "La chute d'Assad pourrait transformer la Syrie en un champ de bataille dominé par les forces jihadistes, un ensemble d'organisations extrémistes peu intéressées par le dialogue ou les accords. Ces acteurs pourraient constituer une menace directe et immédiate le long de la frontière du Golan".
La presse israélienne n'est pas la seule à redouter un avenir sombre. Outre-Atlantique, le New York Times reconnait que si "toute personne attachée aux droits de l'homme doit être soulagée par le départ du régime de [Bachar al-]Assad", il faut néanmoins "rester vigilant" quant à la suite des événements. "C'est une dure leçon que j'ai apprise en parcourant le monde : parfois, ce qui suit un régime terrible est tout aussi mauvais, voire pire", écrit l'éditorialiste Nicholas Kristof.
De son côté, Politico prodigue des conseils aux dirigeants du Moyen-Orient qui souhaiteraient convaincre Donald Trump, qui entrera officiellement à la Maison Blanche début janvier, de "s'impliquer dans [l'avenir d']une Syrie libérée", malgré ses réticences. La recette, explique le site américain, consiste à montrer au président élu "ce que vous faites pour les Etats-Unis, en particulier si vous investissez dans l'économie américaine". "Il ne s'agit pas de savoir ce que l'Amérique peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l'Amérique, voire pour [Donald] Trump lui-même", résume Politico.
Un soulagement synonyme "d'avertissement"
La prudence est aussi de mise dans les colonnes des journaux européens. Les scènes de liesse rappellent "les célébrations qui ont accompagné la chute de Saddam Hussein en Irak et de Mouammar Kadhafi en Libye. Pourtant, ces souvenirs sont porteurs d'un avertissement et d'une menace", prévient le Guardian. "Personne ne peut encore dire quel type d'avenir est envisagé par le chef du Hayat Tahrir al-Sham (HTS), Abou Mohammed al-Joulani, ancien djihadiste lié à Al-Qaïda et terroriste recherché", à la tête des troupes rebelles qui ont pris le pouvoir. "Le HTS est connu pour ses violations des droits de l'homme et son régime autoritaire à Idlib", rappelle le journal britannique.
En Allemagne, le Spiegel se demande si les différentes factions qui ont renversé le régime parviendront à s'entendre sur la répartition du pouvoir ou si la situation politique va raviver d'anciens clivages. "S'il existe parmi les rebelles des leaders prêts à s'engager dans un dialogue constructif pour éviter une vacance du pouvoir, il faut les identifier rapidement afin que la fin de la dictature soit véritablement le début de la reconstruction de la Syrie", souligne pour sa part El Pais.
En France aussi, la presse salue le départ du "boucher de Damas". "Une liesse dans l'inconnu", titre ainsi Libération, pour "il faut donc reconnaître, saluer et accompagner ces jours de liesse qui resteront gravés dans l’histoire". De son côté, Le Monde réfléchit à l'après : "Tout est à reconstruire, à commencer par un ordre politique et social qui tienne compte de ce qui reste de sa mosaïque confessionnelle et ethnique". Le quotidien appelle également à ce que tout soit "mis en œuvre pour que Bachar Al-Assad soit dans l’impossibilité de se soustraire à la justice, où qu’il trouve durablement refuge".
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