: Récit Chute de Bachar al-Assad : les envoyés spéciaux de Radio France racontent leur arrivée à Damas
Il aura suffi de 14 jours. Quatorze jours de rébellion pour renverser un régime qui durait depuis 53 ans. Le 8 décembre 2024, 24 ans de présidence de Bachar al-Assad ont pris fin, lui qui avait succédé aux 29 ans de dictature de son père. Une coalition de troupes rebelles, menées par le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), est entrée dimanche dans la capitale, Damas, obligeant Bachar al-Assad à fuir.
Un soulagement pour le peuple syrien, dont beaucoup étaient partis à l'étranger pour échapper à l'oppression du régime, et qui vont chercher à rentrer chez eux. Les envoyés spéciaux de Radio France racontent ce basculement historique.
Une ville calme, occupée par les rebelles
La première chose qui surprend quand on passe la frontière entre le Liban et la Syrie, c'est le poste-frontière. Côté syrien, il a été totalement déserté, il n'y a plus personne. Nous avons donc roulé une petite demi-heure vers Damas, de nuit, et on a eu un aperçu de la violence des combats, avec des cadavres de soldats syriens et des chars toujours en feu. Nous entrons dans Damas, techniquement sous couvre-feu, une règle qui n'est pas vraiment respectée tant il y a du mouvement dans la capitale. Toute la nuit, nous avons pu entendre des coups de feu, des détonations, mais ce n'étaient pas des combats : c’étaient des célébrations.
Nous avons notamment croisé les nouveaux maîtres de la ville, les djihadistes du HTS. Des hommes armés, jeunes, qui avaient l'air étonnés de la facilité avec laquelle ils ont pris la ville. Il n'y a plus aucun soldat syrien, on voit des rebelles qui roulent en voiture dans la ville, qui sont même parfois perdus : lorsque nous avons tenté de demander notre chemin à l'un d'entre eux, il nous a répondu qu'il ne savait pas où il était.
Des portraits de Bachar al-Assad déchirés
Les habitants, de leur côté, restent cloîtrés chez eux, pour ceux qui n'ont pas fui la ville. L'atmosphère est pesante, les commerces sont fermés, à l'exception de quelques boulangeries, où des files d'attente se forment.
Il y a évidemment beaucoup d'hommes en tenue militaire, armés. Il est difficile de savoir précisément à quelle faction de la rébellion ils appartiennent, si ce sont des membres d'HTS ou des miliciens des factions de quartiers de Damas. Les rebelles, eux, ont pris leurs quartiers dans les hôtels de luxe de la capitale. Tout ce qui représentait le régime a été attaqué et pillé, comme la résidence de Bachar al-Assad ou le palais présidentiel. Tous les symboles du régime sont à terre, les portraits de l'ex-président ont été arrachés, déchirés, ou même brûlés.
En revanche, le chef de HTS, Abou Mohammed Al-Joulani, a ordonné à ses hommes de ne pas s'approcher des institutions publiques, qui restent sous le contrôle de l'ancien Premier ministre en attendant une passation de pouvoir officielle.
Un pays dévasté
L'un de nos journalistes était déjà venu en Syrie en 2011, au début de la guerre civile, à la frontière avec la Turquie, lorsque les premiers déplacés y fuyaient. À l’époque, on avait du mal à croire les premiers témoignages qui décrivaient la violence de la répression qui s'abattait sur le peuple syrien. Un Syrien avait raconté ces journées sanglantes : "On est descendus dans la rue pour demander un changement de régime, et des hélicoptères sont arrivés et ont tiré sur la foule."
C'est à travers la libération successive des villes du pays que l'on prend pleinement conscience de l'ampleur de la répression, de l'horreur que représentait le régime de Bachar al-Assad et de son père. Un homme, sorti de la prison de Saidnaya, dans laquelle étaient enfermés et torturés des innocents, disait qu'il a été libéré la veille de son exécution. À Hama, certains prisonniers n'avaient pas vu le jour depuis 40 ans, pensant qu'Hafez al-Assad était encore en vie, et que c'était Saddam Hussein qui venait les libérer.
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