Récit Chute de Bachar al-Assad : les jours qui ont fait basculer la Syrie, treize ans après le début de la révolution

Le pouvoir de Bachar al-Assad s'est effondré dimanche en Syrie face à l'offensive fulgurante de groupes rebelles menés par des islamistes radicaux, qui a mis fin à cinq décennies de règne sans partage de la famille Assad.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des rebelles célèbrent la chute du régime de Bachar al-Assad, à Damas, en Syrie, le 8 décembre 2024. (LOUAI BESHARA / AFP)

La Syrie vit une journée historique. Les rebelles menés par des islamistes radicaux ont annoncé à la télévision publique, dimanche 8 décembre, la chute du président Bachar al-Assad et la "libération" de la capitale Damas, après une offensive fulgurante qui a mis fin à plus de cinq décennies de règne brutal de la famille Assad. En à peine plus de dix jours, les rebelles ont pris de court l'armée et se sont emparés des principales villes du pays avant de provoquer la chute du régime.

"Après cinquante ans d'oppression sous le pouvoir du [parti] Baas, et treize années de crimes, de tyrannie et de déplacements, nous annonçons aujourd'hui la fin de cette ère sombre et le début d'une nouvelle ère pour la Syrie", ont déclaré les rebelles qui ont infligé un revers cinglant aux forces progouvernementales. Franceinfo revient sur ces quelques jours qui ont permis à la Syrie de tourner la page du régime en place.

Le 27 novembre : l'offensive démarre 

Le 27 novembre, Hayat Tahrir al-Sham (ou HTS, pour Organisation de libération du Levant en français), mouvement dominé par l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda dirigée par Abou Mohammed al-Joulani, attaque des territoires contrôlés par des forces loyalistes dans la province d'Alep. L'offensive, menée avec des rebelles soutenus par la Turquie, est lancée depuis Idleb, dernier grand bastion rebelle et jihadiste de Syrie. Le régime réplique par des frappes aériennes. Les combats font au moins 141 morts en une seule journée, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Le lendemain, les groupes armés coupent la route vitale reliant Damas à Alep, et prennent trois villages tenus par le régime dans les provinces d'Alep et d'Idleb, rapporte France 24. Le bilan des combats dépasse les 200 morts. Un général des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran qui soutient le pouvoir syrien, est tué à Alep.

Le 1er décembre : Alep tombe dans les mains des rebelles

Après s'être emparée de plus de 50 autres localités dans le nord, la coalition rebelle bombarde Alep et arrive, le 29 novembre, aux portes de la deuxième plus grande ville et poumon économique du pays. L'armée loyaliste et son alliée russe ripostent par des raids aériens intensifs sur Idleb et sa région. Damas assure "repousser la grande offensive lancée par les groupes terroristes". Moscou appelle la Syrie à "mettre de l'ordre" à Alep "au plus vite".

Le 30 novembre, les rebelles prennent le contrôle de la majeure partie d'Alep, de l'aéroport, des bâtiments gouvernementaux et des prisons du secteur. L'aviation russe bombarde alors la ville pour la première fois depuis sa reprise totale par les forces du régime en 2016. La coalition s'empare aussi de la localité stratégique de Saraqeb.

Des hommes armés célèbrent la prise de la Saraqeb, le 1er décembre 2024. (BILAL ALHAMMOUD / MIDDLE EAST IMAGES / AFP)

Le 1er décembre, les rebelles prennent le contrôle d'Alep, qui échappe entièrement aux mains du régime pour la première fois depuis le début de la guerre civile en 2011. Selon l'OSDH, les insurgés ont avancé "sans rencontrer de résistance significative".

Le dirigeant du HTS "affirme désormais que la ville sera administrée par une autorité de transition, incluant des civils", écrit Le Monde. "On voit, en ville, des miliciens armés et des hommes en civil qui leur sont liés. La situation reste chaotique", témoigne auprès du quotidien du soir Noura, une habitante d'Alep. 

La réponse du régime ne se fait pas attendre. "Le terrorisme ne comprend que le langage de la force, et c'est avec ce langage que nous le briserons et l'éliminerons", menace Bachar al-Assad. Des frappes aériennes russes font au moins huit morts à Idleb.

Le 2 décembre : l'Iran et la Russie volent au secours d'al-Assad

Des groupes rebelles proturcs prennent le 2 décembre la ville de Tal Rifaat (nord), qui était aux mains des forces kurdes. L'offensive rebelle vise à "tenter de morceler la région, d'effriter ses Etats et de redessiner la carte régionale conformément aux intérêts et objectifs de l'Amérique et de l'Occident", réagit Bachar al-Assad.

La Russie et l'Iran assurent le même jour leur soutien "inconditionnel" au dirigeant au pouvoir. Des avions syriens et russes bombardent des secteurs rebelles du nord-ouest de la Syrie, tuant au moins 11 personnes.

Le 5 décembre, les rebelles prennent le contrôle de la quatrième ville du pays, Hama, où une statue de l'ancien président Hafez al-Assad est renversée par la population. A Homs, toute proche, des habitants paniqués fuient en masse. Le bilan d'une semaine de combats dépasse les 700 morts, selon l'OSDH. L'avancée fulgurante des rebelles est aussi à comprendre au regard de l'"état de déliquescence avancée" de l'armée syrienne, analyse sur franceinfo, David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique.

Le 7 décembre : les rebelles prennent Homs

Les rebelles prennent Homs, troisième ville du pays, le 7 décembre. "Damas vous attend !", lance à ses troupes le chef du HTS, Abou Mohammed al-Joulani. Les rebelles disent avoir libéré plus de 3 500 détenus de la prison de Homs.

Les insurgés prennent rapidement le contrôle de toute la province de Deraa, berceau du soulèvement de 2011, et se trouvent à 20 km de Damas. Un cordon de sécurité "très solide" entoure la capitale, assure alors le ministre de l'Intérieur Mohammed al-Rahmoun.

Des combattants du Hayat Tahrir al-Sham se réjouissent de la prise de Homs, en Syrie, le 8 décembre 2024. (IZETTIN KASIM / ANADOLU / AFP)

Les forces gouvernementales se retirent de la province de Qouneitra, sur le plateau du Golan, et, face aux forces kurdes, des secteurs de la province de Deir Ezzor qu'elles contrôlaient. La Russie juge "inadmissible" de voir des "terroristes" contrôler la Syrie. L'Iran affirme qu'il continuera à soutenir "de toutes ses forces" le régime en place.

Le Hezbollah libanais, allié du régime d'al-Assad, dit avoir envoyé 2 000 combattants en renfort dans la ville syrienne de Qousseir, qu'il contrôle près de la frontière libanaise. Un commandant jihadiste, Hassan Abdel Ghani, tente d'apaiser les craintes des minorités présentes dans le pays. "L'ère du sectarisme et de la tyrannie est révolue à jamais", dit-il. Selon l'ONU, au moins 370 000 personnes ont été déplacées par les combats depuis le 27 novembre.

Dans la nuit du 7 au 8 décembre : les rebelles s'emparent de Damas et Bachar al-Assad s'enfuit

Dans la nuit du 7 au 8 décembre, le HTS annonce être entré dans Damas et avoir pris la prison de Saidnaya, symbole des pires exactions du régime. L'organisation et l'OSDH annoncent que Bachar al-Assad a quitté la Syrie en avion, après vingt-quatre ans au pouvoir.

Peu après son départ, l'aéroport de Damas est abandonné par les forces gouvernementales. "Le tyran Bachar al-Assad a pris la fuite !" et "Nous proclamons la ville de Damas libre !", annoncent des groupes rebelles. Le Premier ministre Mohamed al-Jalali se dit prêt à coopérer avec "tout leadership que choisira le peuple syrien".

Des kurdes syriens se tiennent devant la statue déboulonnée d'Hafez al-Assad, le père de Bachar al-Assad, à Damas, le 8 décembre 2024. (DELIL SOULEIMAN / AFP)

"[Bachar] al-Assad a quitté la Syrie via l'aéroport international de Damas avant que les membres des forces armées et de sécurité ne quittent" le site, a annoncé à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, Rami Abdel Rahmane. Le Hezbollah libanais, soutien clé du pouvoir de Bachar al-Assad, a retiré parallèlement ses forces de la périphérie de Damas et de la région de Homs, selon l'OSDH.

"Le fait qu'il n'y ait pas eu de résistance, pour l'instant, signifie que le régime [syrien] était vraiment en bout de course", analyse pour franceinfo Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie. "Domine aujourd’hui l’euphorie de la victoire. Mais il faut souhaiter qu’un processus politique se mette vite en place. La Syrie n’est pas l’abri d’un scénario d’implosion, sur le modèle de l’Irak ou de la Libye", assure, de son côté, au Monde Bassel Kaghadou, spécialiste de la Syrie. Quant au sort du président déchu de la Syrie, il se trouve à Moscou, où la Russie lui a accordé l'asile, selon les agences de presse russes. 

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