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Deux BD reviennent sur la guerre en Syrie. L'une militante, l'autre trĂšs humaine
Deux BD sur le drame syrien. La premiÚre, un petit chef d'oeuvre drÎle, militant, ironique, raconte le voyage d'un Italien chez les militants et surtout militantes kurdes qui ont repris la ville de Kobane à Daech. La seconde, de facture plus classique, retrace la vie d'un jeune Syrien, Haytham, qui a réussi à fuir le régime d'Assad pour se réfugier en France.
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Commençons pas Kobane Calling... La BD se fait ici reportage. Celui du dessinateur italien Zerocalcare en Syrie et Irak, du cĂŽtĂ© des combattants kurdes syriens ou turcs, proches du PKK ou des YPG, qui ont rĂ©ussi Ă prendre Kobane aux forces de Daech.Â
Zerocalcare est un dessinateur de la mouvance alternative italienne. Zerocalcare en Tintin reporter ne cache rien de ses peurs, de ses questionnements lors de son voyage en zone de guerre. Son reportage peut faire penser à ceux de Joe Sacco (Palestine, Gaza), mais avec du vécu. Ses dessins, souvent décalés, peuvent aussi évoquer la contre-culture américaine de Crumb.
Le rĂ©cit est linĂ©aire. C'est un tĂ©moignage. Mais fait avec humour, sans hĂ©roĂŻsme ni naĂŻvetĂ©, avec en plus la distanciation apportĂ©e par le dessin. Cela reste cependant fort, grĂące notamment au noir et blanc. DerriĂšre l'humour, le fond politique et dramatique ressort constamment. Les ruines sont omniprĂ©sentes, les restes horribles de Daech, les cages oĂč le groupe djihadiste mettait les tĂȘtes coupĂ©es..Â
Le livre est militant. La dĂ©lĂ©gation Ă laquelle Zerocalcare participe a volontairement choisi de se rendre dans le Rojava, la zone syrienne libĂ©rĂ©e par les Kurdes toute pĂ©trie d'idĂ©ologie rĂ©volutionnaire oĂč l'Ă©galitĂ© homme-femme s'affiche comme exemplaire. Mais l'auteur ne peut s'empĂȘcher de relativiser ses Ă©motions. Cela peut casser la lecture ou au contraire la rendre plus forte, moins naĂŻve. A chacun de voir, mais l'Ă©motion est toujours prĂ©sente.Â
Zerocalcare rĂ©ussit le pari d'une Ćuvre forte, souvent drĂŽle, jamais lourde, parfois utilement didactique, tout en s'appuyant avec intelligence sur ses qualitĂ©s de dessinateur. Militant et efficace.
En Italie, le public a suivi et l'album a connu un incroyable succĂšs. Tout comme en France depuis sa sortie.
«Kobane Calling»
de Zerocalcare
Ed. Cambourakis, 288 pages, 23 euros
Une jeunesse syrienne
La seconde BD, Haytham, une jeunesse syrienne est plus classique dans son format et dans son graphisme. Elle raconte et permet de comprendre l'engrenage qu'a connu la Syrie entre les premiÚres manifestations anti-régime dans la foulée des printemps arabes à la guerre totale qui rÚgne aujourd'hui. L'album, signé par le journaliste Nicolas Hénin et le dessinateur Kyungeun Park, raconte l'histoire de Haytham, un jeune Syrien né à Deraa en 1996, au sud de Damas. Deraa qui fût le coeur de la contestation anti-Assad.
HappĂ© par la rĂ©volution, le jeune homme voit sa vie bouleversĂ©e par les manifestations, puis la repression. Son pĂšre militant doit fuir; sa famille se disloque... Puis c'est l'exil en France et son intĂ©gration. Au-delĂ des horreurs de la rĂ©pression de la rĂ©volution syrienne, les pages les plus fortes portent sur l'accueil du jeune Haytham en France. Les moments difficiles, les lourdeurs administratives mais surtout les vrais coups de pouce de professeurs, de camarades de classe ou d'anonymes qui permettent le succĂšs de son acclimatation en France.Â
A la fin de l'album, le jeune Haytham rend un bel hommage Ă son pays d'accueil, la France, qui a souvent tendance Ă ĂȘtre critiquĂ©e pour sa politique vis Ă vis des migrants. «Je remercie aussi la France qui a Ă©tĂ© gĂ©nĂ©reuse pour moi et ma famille (...). Je suis fier d'avoir rejoint ce pays», dit Haytham.
«Haytham, une jeunesse Syrienne»
de Nicolas Hénin et Kyungeun Park
Ed. Dargaud, 80 pages, 17,95 euros
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