Cet article date de plus de sept ans.

Deux BD reviennent sur la guerre en Syrie. L'une militante, l'autre très humaine

Deux BD sur le drame syrien. La première, un petit chef d'oeuvre drôle, militant, ironique, raconte le voyage d'un Italien chez les militants et surtout militantes kurdes qui ont repris la ville de Kobane à Daech. La seconde, de facture plus classique, retrace la vie d'un jeune Syrien, Haytham, qui a réussi à fuir le régime d'Assad pour se réfugier en France.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Deux bandes dessinées évoquent le conflit syrien. Celle de l'Italien Zerocalcare sur le Rojava, la région kurde de Syrie, intitulée «Kobane Calling» et celle de Hénin-Park sur l'histoire d'un jeune réfugié syrien en France, «Haytham». (Cambourakis et Dargaud)

Commençons pas Kobane Calling... La BD se fait ici reportage. Celui du dessinateur italien Zerocalcare en Syrie et Irak, du côté des combattants kurdes syriens ou turcs, proches du PKK ou des YPG, qui ont réussi à prendre Kobane aux forces de Daech. 

  (Cambourakis)

Zerocalcare est un dessinateur de la mouvance alternative italienne. Zerocalcare en Tintin reporter ne cache rien de ses peurs, de ses questionnements lors de son voyage en zone de guerre. Son reportage peut faire penser à ceux de Joe Sacco (Palestine, Gaza), mais avec du vécu. Ses dessins, souvent décalés, peuvent aussi évoquer la contre-culture américaine de Crumb.

Le dessinateur est un des héros de la BD puisqu'il raconte son voyage au Rojava, la région des révolutionnaires kurdes en Syrie. (Cambourakis)

Le récit est linéaire. C'est un témoignage. Mais fait avec humour, sans héroïsme ni naïveté, avec en plus la distanciation apportée par le dessin. Cela reste cependant fort, grâce notamment au noir et blanc. Derrière l'humour, le fond politique et dramatique ressort constamment. Les ruines sont omniprésentes, les restes horribles de Daech, les cages où le groupe djihadiste mettait les têtes coupées.. 

Zerocalcare se fait parfois sérieux. (Cambourakis)

Le livre est militant. La délégation à laquelle Zerocalcare participe a volontairement choisi de se rendre dans le Rojava, la zone syrienne libérée par les Kurdes toute pétrie d'idéologie révolutionnaire où l'égalité homme-femme s'affiche comme exemplaire. Mais l'auteur ne peut s'empêcher de relativiser ses émotions. Cela peut casser la lecture ou au contraire la rendre plus forte, moins naïve. A chacun de voir, mais l'émotion est toujours présente. 

Zerocalcare réussit le pari d'une œuvre forte, souvent drôle, jamais lourde, parfois utilement didactique, tout en s'appuyant avec intelligence sur ses qualités de dessinateur. Militant et efficace.

En Italie, le public a suivi et l'album a connu un incroyable succès. Tout comme en France depuis sa sortie.
«Kobane Calling» de Zerocalcare. (Cambourakis)
«Kobane Calling»
de Zerocalcare
Ed. Cambourakis, 288 pages, 23 euros


Une jeunesse syrienne
«Lorsqu'ils arrêtaient quelqu'un, il était soumis à la torture...» (Dargaud)

La seconde BD, Haytham, une jeunesse syrienne est plus classique dans son format et dans son graphisme. Elle raconte et permet de comprendre l'engrenage qu'a connu la Syrie entre les premières manifestations anti-régime dans la foulée des printemps arabes à la guerre totale qui règne aujourd'hui. L'album, signé par le journaliste Nicolas Hénin et le dessinateur Kyungeun Park, raconte l'histoire de Haytham, un jeune Syrien né à Deraa en 1996, au sud de Damas. Deraa qui fût le coeur de la contestation anti-Assad.

Voyage au sein de la dynastie Assad (Dargaud)

Happé par la révolution, le jeune homme voit sa vie bouleversée par les manifestations, puis la repression. Son père militant doit fuir; sa famille se disloque... Puis c'est l'exil en France et son intégration. Au-delà des horreurs de la répression de la révolution syrienne, les pages les plus fortes portent sur l'accueil du jeune Haytham en France. Les moments difficiles, les lourdeurs administratives mais surtout les vrais coups de pouce de professeurs, de camarades de classe ou d'anonymes qui permettent le succès de son acclimatation en France. 

A la fin de l'album, le jeune Haytham rend un bel hommage à son pays d'accueil, la France, qui a souvent tendance à être critiquée pour sa politique vis à vis des migrants. «Je remercie aussi la France qui a été généreuse pour moi et ma famille (...). Je suis fier d'avoir rejoint ce pays», dit Haytham.

de Kyungeun Park et Nicolas Henin (Dargaud)

«Haytham, une jeunesse Syrienne»
de Nicolas Hénin et Kyungeun Park
Ed. Dargaud, 80 pages, 17,95 euros

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.