Syrie : l’Iran, incontournable, invité aux discussions de Vienne
C'est la première fois que l'Iran sera représenté à une réunion internationale sur le conflit. En 2012, ce pays n'avait pas participé à la conférence de Genève-1, qui avait abouti à un accord sur les principes d’une transition en Syrie. Deux ans plus tard, Téhéran avait été invité à prendre part à Genève-2 (qui s’était terminée par un échec). Mais l’invitation avait été retirée par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon en raison de l'opposition de Washington et de Ryad, a rappelé la porte-parole de la diplomatie iranienne.
L'Iran chiite et l'Arabie Saoudite sunnite, les deux grandes puissances rivales de la région, s'opposent ouvertement sur la Syrie. Téhéran apporte un soutien financier et militaire direct au régime de Damas. Alors que l'Arabie soutient les groupes rebelles et participe aux frappes aériennes de la coalition internationale menée par les Etats-Unis contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI). Ryad a finalement donné son accord pour rencontrer son rival après un coup de fil de Barack Obama au monarque saoudien.
Les USA, et leurs alliés occidentaux, ont donc fini par faire preuve de réalisme et reconnaître la réalité du terrain. «L’engagement politique et militaire de la République islamique auprès du régime de Bachar al-Assad l’a rendue incontournable sur le dossier», observe Le Monde.
L’aide massive de Téhéran
Depuis le début du conflit en Syrie, en mars 2011, la Russie insiste sur la participation de l'Iran à un règlement politique. Avec Moscou, la République islamique est le principal allié régional du pouvoir de Bachar al-Assad. Un pouvoir qui s’appuie sur la minorité alaouïte, proche des chiites. Aujourd’hui, avec l’appui du Hezbollah libanais et de milices chiites notamment irakiennes, on compterait entre 15.000 et 20.000 combattants pro-iraniens en territoire syrien. Sans compter les milliards de dollars d’aide financière apportés par Téhéran.
L’importante présence de l’Iran en territoire syrien permet par ailleurs d’apporter un soutien au sol aux Russes qui ont entamé le 30 septembre d’importants raids aériens contre les rebelles. Le 28 octobre, l’armée de Vladimir Poutine a ainsi annoncé avoir bombardé 118 cibles «terroristes». Soit une intensité de frappes jamais atteinte depuis le début de son intervention directe.
D’une manière générale, la venue d’une délégation iranienne à Vienne «reflète la nouvelle place prise (par l’Iran) au sein de la communauté internationale à la suite de l’accord nucléaire conclu avec les puissances mondiales» en juillet 2015, note le site de l’agence AP.
«Sortir de l’enfer»
Aux chefs de la diplomatie américaine, russe, saoudienne et turque se joindront dans la capitale autrichienne leurs homologues libanais et égyptien. Les ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand, ainsi que la chef de la diplomatie européenne, prendront également part aux discussions.
La présence du chef de la diplomatie iranienne dans la capitale autrichienne est critiquée par la Coalition nationale syrienne (CNS), soutenue par les Occidentaux et qui regroupe plusieurs mouvements de l’opposition à Bachar al-Assad. Cela «va compliquer les discussions de Vienne», a déclaré le vice-président de la CNS, Hicham Marwa. «L'Iran n'a qu'un projet: maintenir Assad au pouvoir. Les Iraniens ne croient pas au principe des discussions», a-t-il ajouté.
Reste à savoir si les discussions à venir ont une chance d’aboutir. En clair de mettre fin à la guerre. «Même si personne n’attend de réels progrès, (elles) sont la tentative la plus sérieuse pour mettre fin à un conflit qui a tué 250.000 personnes et entraîné le déplacement de millions d’autres, déclenchant une crise humanitaire spectaculaire et favorisant le déploiement d’extrémistes islamistes dans tout le Moyen-Orient», analyse AP.
Pour l'Arabie Saoudite, ces pourparlers seront l'occasion de tester «le sérieux» de l'Iran et de la Russie pour un règlement négocié du conflit. Les Occidentaux tiennent, eux, un discours à double détente. «Je ne crois pas que nous devons attendre d'avancées majeures des discussions à Vienne», a déclaré le secrétaire d'Etat adjoint américain, Tony Blinken. Mais pour son patron, John Kerry, ces pourparlers représentent «l'occasion la plus prometteuse pour (trouver) une ouverture politique». Le défi qu’ils représentent «n'est rien moins qu'une course pour sortir de l'Enfer», a-t-il lancé.
De son côté, l’Allemagne a jugé très improbable une «percée», «les différences dans les positions (étant) trop grandes».
Et Bachar dans tout ça ?
«Favorable» à la présence de l'Iran à Vienne, la France a affirmé avoir consulté le 27 octobre ses alliés occidentaux et arabes sur les «modalités d'une transition politique garantissant le départ de Bachar al-Assad dans un calendrier précis». Un départ qui constitue l’une des principales pierres d’achoppement des négociations.
L’affaire continue notamment de diviser les Etats-Unis et la Russie. Le directeur de la CIA américaine, John Brennan, s’est dit convaincu que les Russes chercheraient à terme à obtenir son départ. Mais un porte-parole du Kremlin a affirmé qu'un règlement politique ne pourrait être discuté en détail qu'une fois que les «terroristes auront reçu des coups décisifs».
Pour la République islamique, le président syrien doit faire partie de toute solution politique à la guerre. Mais pour les groupes de l'opposition à son régime, et leurs soutiens régionaux dont l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie, son départ est une condition préalable indispensable à la paix. Quoi qu’il en soit, pense Julien Barnes-Dacey, de l'European Council on Foreign Relations de Londres, «avoir l'Iran à la table des négociations complique l'objectif de se débarrasser d'Assad. Mais (cela) ouvre potentiellement la porte à un genre de désescalade.»
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