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Enquête franceinfo Métro, gares, aéroports : les signalements de colis suspects en forte hausse

Depuis le début de l'état d'urgence, les alertes sont partout plus fréquentes, et les démineurs sans cesse sollicités.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un démineur intervient après une alerte au colis suspect sur la place Kléber à Strasbourg (Bas-Rhin), le 23 août 2016. (MAXPPP)

Les Français sont plus vigilants depuis la mise en place de l'état d'urgence : le nombre de signalements de colis suspects a fortement augmenté ces derniers mois. La RATP indique à franceinfo qu'elle a enregistré en moyenne sept alertes pour des bagages abandonnés chaque jour en juin 2016.

Selon la direction de la régie des transports parisien, cela représente une augmentation de 60 % du nombre de signalements par rapport à juin 2015. "Le nombre de colis suspects a été multiplié par deux après les attentats de janvier 2015 et a quadruplé après ceux du 13 novembre", explique la RATP. Un tiers de ces alertes concernent des colis suspects sur la ligne A du RER.

20 % de hausse des signalements à la SNCF

Un constat similaire est dressé par la SNCF, qui évoque "une hausse significative des signalements de colis suspects depuis le début de l'état d'urgence [en novembre 2015], de l'ordre de 20 %". 

Du côté des aéroports de Paris, on dénombre 1 850 bagages abandonnés à Roissy en 2015 et 354 à Orly. Soit un total de 2 200 colis suspects, contre 1 600 en moyenne les années précédentes, précise à franceinfo la direction générale de la Sécurité civile, dont dépendent les équipes de déminage. Cette augmentation de 37 % s'explique par "une vigilance accrue des passagers". "Depuis les attentats de 2015, plus personne n'ignore un colis ou un bagage laissé seul", souligne la Direction générale de la sécurité civile (DGSC).

La plupart de ces signalements sont toutefois de fausses alertes. Les démineurs n'ont fait exploser que dix colis sur les 2 200 considérés comme suspects en 2015, selon les chiffres de la sécurité civile. "La plupart du temps, les équipes de déminages parviennent à effectuer une levée de doute grâce à une radiographie du bagage abandonné", explique la DGSC.

Les démineurs sur tous les fronts

Une situation similaire à la RATP. "Quand un paquet est abandonné, une procédure lourde est mise en place, avec un appel aux démineurs, indique la RATP. La sécurité est notre priorité."  Les équipes de déminage sont en effet les seules habilitées à effectuer une levée de doute sur un colis suspect ; elles interviennent donc partout en France.

Selon le protocole expliqué sur le site des transports parisien, la première étape est l'identification du risque : la police est chargée de confirmer le caractère suspect du colis. Dans le même temps, le poste de commande centralisé de la RATP arrête le trafic dans la station concernée et organise l'évacuation du quai. Une fois le périmètre de sécurité établi, les démineurs peuvent intervenir sur la ligne. Ils déterminent la dangerosité du paquet et le meilleur moyen d'intervention (l'ouverture, la radiographie ou l'explosion à distance). Dans la moitié des cas, le trafic doit être interrompu durant plus de 40 minutes.

La procédure est sensiblement la même à la SNCF. Lorsqu'une alerte est lancée, une équipe canine est appelée pour évaluer les risques. Si le propriétaire du colis abandonné ne se manifeste pas, la zone est évacuée et sécurisée par des agents de la SNCF, le temps que les démineurs arrivent sur place. Cette procédure peut prendre jusqu'à 2 heures, indique la SNCF à franceinfo.

"Tous les cas sont pris au sérieux"

Ce phénomène ne concerne pas que la capitale. Le chef de l'antenne strasbourgeoise des démineurs, Nicolas Dominiak, a lui aussi constaté une augmentation des alertes aux colis suspects, qui concernent la plupart du temps l'aéroport ou l'Eurométropole. "Avant, on tournait à 60 ou 70 interventions par an, explique-t-il aux Dernières Nouvelles d'Alsace, vendredi 30 septembre. On est déjà à 165 [depuis le début de l'année]."

"Tout est pris au sérieux et le délai d'alerte s'est réduit. Tout le monde est rodé maintenant, estime encore Nicolas Dominiak. On fait tout ce que l'on peut pour ne pas gêner l'activité économique, mais cela ne prend jamais le pas sur la sécurité."

Si les autorités saluent la vigilance accrue des passagers, les interventions des équipes de déminage ont un coût conséquent. "Il faut compter en 1 000 et 5 000 euros par intervention, en prenant en compte le matériel utilisé et le temps de travail des démineurs", précise la sécurité civile, qui invite les passagers à "être plus attentif aux bagages qu'ils laissent derrière eux".

Les démineurs très sollicités

Sans compter la fatigue que ces interventions entraînent chez les policiers. "On dénombre un peu moins de 300 démineurs en France, répartis entre 24 centres régionaux, explique Benoît Barret, du syndicat Alliance, à franceinfo. Pour renforcer les effectifs, quinze personnes ont été recrutées en 2016 et quinze le seront en 2017. Mais cela suffit à peine à compenser les départs en retraite."

"Les démineurs ont été mobilisés pour sécuriser des événements importants ces derniers mois, comme la COP 21 et l'Euro de football, relève Benoît Barret. Cela représente des heures supplémentaires de travail, sans compter qu'ils peuvent intervenir en soutien lorsque l'on craint que des personnes retranchées ne détiennent des explosifs."

Le syndicat Alliance s'inquiète en outre de voir le travail des démineurs compliqué dans certaines régions. "Les centres de déminage de l'aéroport de Bâle-Mulhouse-Fribourg (Haut-Rhin) et de la ville de Toulon (Var) ont fermé en septembre, note Benoît Barret. Celui d'Amiens (Somme) connaîtra le même destin en février 2017." 

Pour le syndicat, il est inquiétant de voir "les délais d'intervention des démineurs augmenter alors que le risque terroriste est avéré". "Les démineurs restent malgré tout mobilisés, salue Benoît Barret. Ils savent qu'en période d'état d'urgence, leur travail est plus que jamais essentiel."

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