En Turquie, la guerre est déclarée entre Erdogan et la confrérie Gülen
Fidèle à sa rhétorique depuis le début de l'affaire, M. Erdogan a une nouvelle fois agité le spectre d'une «conspiration à grande échelle» contre son gouvernement. «C'est une affaire présentée sous la forme d'une opération judiciaire qui vise en fait à porter atteinte à l'avenir de la Turquie», a proclamé le chef du gouvernement, le 25 décembre 2013, devant les cadres de son parti (AKP) qui l’ont ovationné.
Le Premier ministre s'en est également pris de façon très virulente à la confrérie du prédicateur musulman Fetullah Gülen, qu’il accuse implicitement de d'orchestrer ce complot. «Nous ne tolérerons jamais des institutions parallèles à l'Etat", a-t-il martelé en promettant d'en finir avec les «bandes qui ne pensent qu'à leur propres intérêts, sous le couvert de la religion».
Fidèle alliée du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, la confrérie religieuse de M. Gülen, qui vit aux Etats-Unis, est récemment entrée en guerre contre le gouvernement et son projet de supprimer les écoles de soutien scolaire privées, une de ses principales sources de revenus.
Vaste purge dans la police
Dans la foulée de l’opération anticorruption qui a conduit à la détention des fils de trois ministres de l'AKP, le gouvernement a lancé une vaste purge au sommet de la police. Le ministre de l’Intérieur a ainsi relevé de leurs fonctions près d'une cinquantaine de hauts gradés de la direction nationale de la sûreté ayant coordonné cette opération, dont le préfet de police d'Istanbul Hüseyin Capkin.
Le gouvernement turc de M. Erdogan a, pendant plusieurs années, lourdement investi dans sa police, tant en hommes -ses effectifs atteignent aujourd'hui 250.000 fonctionnaires- qu'en matériel. Et il a pris un soin particulier à nommer à sa tête des chefs sûrs et loyaux, notamment issus de la confrérie jusqu'alors «amie» du prédicateur musulman Fetullah Gülen.
Exclusivement composé de civils et placé sous la tutelle directe du ministre de l'Intérieur, ce corps est devenu l'allié du camp islamo-conservateur contre l'armée, bastion de la laïcité et ennemie jurée des islamistes. «La police est devenue en quelque sorte la rivale de l'armée. Une force autonome avec ses propres services de renseignement, ses unités d'élite et son équipement haut de gamme», confirme un expert sous couvert de l'anonymat.
Dérapages et abus
Cette montée en puissance de la police a toutefois été émaillée de dérapages. Même si elle n'est plus celle de la fin des années 1970 décriée dans le film «Midnight Express», ses agents sont encore souvent épinglés pour des abus, notamment par la Cour européenne des droits de l'homme.
Ainsi, au cours de la répression, violente, ordonnée par les autorités du pays contre la fronde antigouvernementale de juin 2013, six opposants, dont un policier, ont été tués, plus de 8.000 autres blessés et plusieurs milliers d'autres arrêtés pendant ces trois semaines de manifestations.
Larvées pendant la contestation de juin, les tensions politiques entre les deux pôles de la mouvance musulmane, se sont radicalisées et menacent désormais de faire exploser le camp islamo-conservateur du Premier ministre. Ce divorce fragilise la position de M. Erdogan qui est contraint en 2015 de quitter la tête du gouvernement. Il ne fait plus mystère de son intention de briguer en août 2014 le poste de chef de l'Etat, élu pour la première fois au suffrage universel direct.
Le chef du gouvernement a récemment lancé la campagne de son parti (AKP) pour les élections municipales de mars 2014, tandis que le pays s’apprête à entrer dans un tunnel électoral qui doit s'achever en 2015 par des élections législatives. Malgré son remaniement ministériel de grande ampleur, le Premier ministre turc reste sous la menace des manifestants qui exigent sa démission.
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