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Etats-Unis: foire d'empoigne autour de la nomination d'un juge à la Cour suprême
Les républicains sortent les griffes pour ne pas se voir imposer un nouveau juge aux idées progressistes à la Cour suprême après la mort d'Antonin Scalia. Jusque-là, la plus haute autorité juridique américaine était dominée par les conservateurs.
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Barack Obama aura-t-il l’opportunité d’offrir un nouveau visage à la Cour suprême américaine avant la fin de son mandat? Il devrait trouver sur son chemin les républicains pour l’empêcher de nommer le remplaçant du juge ultra-conservateur Antonin Scalia décédé le 13 février 2016. L’enjeu est de taille car la plus haute autorité juridique du pays pèse lourdement sur la vie politique américaine.
A quelques mois des élections, les républicains ne souhaitent pas que le président sortant puisse nommer un juriste aux idées progressistes. Une règle tacite, baptisée «règle de Thurmond», voudrait qu’on ne nomme pas de juge pendant la période électorale. Cependant, «quatorze juges de la Cour suprême ont été installés à leur poste lors d’une année électorale», constate Le Monde.
Fin de non-recevoir
Les républicains ont annoncé la couleur à peine une heure après la mort d'Antonin Scalia par la voix du sénateur Mitch McConnell, leader de la majorité républicaine au Sénat. Il a déclaré qu'il ne devrait pas y avoir de nomination avant l'entrée en fonction «d'un nouveau président». Pour sa part, Barack Obama a répondu qu'il comptait bien exercer «ses responsabilités constitutionnelles». Le chef des démocrates au Sénat, Harry Reid, est également monté au créneau pour faire remarquer que ce serait «sans précédent dans l'histoire récente de la Cour suprême d'avoir un siège vacant pendant un an». Avec leur majorité au Sénat qui devra valider une nomination émanant du président démocrate Barack Obama, les républicains ont les moyens d’atteindre leur objectif. Le groupe progressiste People For The American Way a ainsi manifesté le 15 février 2016 pour appeler à dépasser les clivages partisans afin de permettre à la Cour suprême d'être fonctionnelle.
Après Sonia Sotomayor et Elena Kagan, ce serait en outre la troisième fois que Barack Obama nommerait un juge de la Cour suprême, faisant de lui un président aussi prolifique en la matière que Ronald Reagan qui avait nommé Antonin Scalia en 1986. Le juge était depuis trois décennies le relais le plus fidèle des républicains à la Cour suprême, avec son opposition invariable à l'avortement, à l'union homosexuelle, et sa défense farouche de la peine de mort et de la détention d'armes individuelles. Catholique pratiquant et père de neuf enfants, cet ultra-conservateur, doté d'une brillante éloquence et d'un esprit mordant, était partisan d'une interprétation étroite de la Constitution. Le 10 février 2016, la Cour suprême, dans une décision soutenue par le juge Scalia, avait d'ailleurs suspendu l'ambitieux programme de Barack Obama pour limiter les émissions polluantes des centrales thermiques.
Haro sur les progressistes
Cette disparition rebat complètement les cartes d'une institution inclinant traditionnellement à droite, avec quatre juges franchement conservateurs – feu Antonin Scalia, John Roberts, Samuel Alito et Clarence Thomas –, quatre juges progressistes – Ruth Bader Ginsburg, Sonia Sotomayor, Elena Kagan et Stephen Breyer –, le neuvième juge, Anthony Kennedy, étant un conservateur plus modéré, placé en statut d'arbitre sur les sujets sensibles de société.
Rien n'interdit en théorie à la Cour suprême de siéger à huit juges (cela se passe notamment quand un des sages se met à l'écart en cas de conflit d'intérêt lié à sa carrière passée), mais désormais les risques de blocage à quatre contre quatre sont bien réels. Dans ce cas, le jugement de la juridiction inférieure reste inchangé.
Jamais depuis des années, les risques de polarisation n'ont été aussi élevés à Washington d’autant que la haute cour, d’ici la fin de son mandat en juin, est censée statuer sur des sujets emblématiques de l’ère Obama. Notamment une mesure qui protége près de cinq millions de clandestins d'une expulsion, thème explosif de la campagne électorale pour sa succession. L'immigration est un cheval de bataille des candidats républicains à la présidentielle, et notamment de Donald Trump qui a promis de construire un mur à la frontière avec le Mexique.
Sri Srinivasan, le candidat du compromis?
La Cour suprême devait aussi se pencher début mars sur la question ultra-sensible de la légalité des restrictions posées par certains Etats américains au droit des femmes à se faire avorter. Là aussi un sujet qui oppose les candidats démocrates et républicains. Etaient également attendues bientôt plusieurs décisions de portée capitale, notamment sur le sujet des cotisations syndicales obligatoires, un dossier susceptible d'ébranler toute l'organisation du travail en Amérique, en limitant fortement l'influence des syndicats.
La haute cour devait par ailleurs trancher la question délicate de la discrimination positive à l'entrée à l'université. Lors de l'audience sur cette affaire, en décembre 2015, le juge Scalia avait ouvertement exprimé son scepticisme sur ce mécanisme emblématique, dont la suppression ferait l'effet d'un coup de tonnerre sur des campus américains déjà fortement agités.
Pour contrer les républicains, Barack Obama pourrait toutefois choisir un candidat plus au centre, en espérant rallier les votes de quatre républicains, suffisants dans l'hypothèse où les 44 sénateurs démocrates et les deux indépendants le soutiennent. L’un des profils qui pourrait alors convenir serait celui de Sri Srinivasan, «Américain d’origine indienne, dont la nomination à la Cour d’appel du District of Columbia, en 2013, avait été approuvée à l’unanimité par les républicains», rapporte Le Monde. A l'époque, on le considérait déjà comme un juge de la Cour suprême en devenir.
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