Pénurie de lait pour bébé aux États-Unis : Joe Biden sort "les gros calibres" avec le pont aérien et les réquisitions, analyse un spécialiste
"Il y avait péril en la demeure", estime Jean-Eric Branaa à propos de la pénurie de lait pour bébé aux États-Unis alors que dans six mois des élections de mi-mandat vont avoir lieu.
Joe Biden a sorti "les gros calibres" car "il y avait péril en la demeure", estime jeudi 19 mai sur franceinfo Jean-Eric Branaa, spécialiste des États-Unis, maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Le président doit faire face à une pénurie de lait en poudre pour nourrisson aux États-Unis. Joe Biden a mis en place un pont aérien et a eu recours à une loi datant de la Guerre froide pour exiger des producteurs qu'ils livrent les ingrédients nécessaires à la production de lait pour bébé. : "Imaginez qu'ils perdent [les élections de mi-mandat] sur une affaire de lait en poudre", cela serait "absolument incroyable", dit-il.
franceinfo : Cette affaire fait-elle les gros titres aux États-Unis ?
Jean-Eric Branaa : Il faut le comprendre dans un contexte américain. Aux États-Unis, il n'y a pas de congé maternité. Quand vous êtes une femme qui vient d'accoucher, il n'y a pas beaucoup de solutions. Si vous reprenez le travail tout de suite parce que vous êtes obligé financièrement, il faut du lait en poudre. Et s'il n'y a pas de lait en poudre dans les magasins, il y a un vrai problème pour nourrir votre bébé.
On a aussi un problème politique qui s'est greffé. Sur sa droite, Joe Biden est totalement dépassé puisqu'elle l'accuse désormais de s'occuper davantage de l'Ukraine, pour lequel il y a un plan de 40 milliards de dollars qui est en cours de vote et pas des petits Américains. Elle accuse en plus de faire en sorte que les immigrants puissent rentrer et voler le lait en poudre des petits Américains. Et sur sa gauche, il est également attaqué parce que la fabrication même de ce lait est contrôlée par deux entreprises pour 95% de la production. Ces hyper concentrations dans le domaine agricole sont dénoncées depuis très longtemps par la gauche américaine. Quand il y a un problème qui se pose, comme dans l'usine du Michigan, c'est toute la chaîne de production qui s'en trouve compromise.
Joe Biden a-t-il géré correctement cette crise ?
Il a mis du temps à réagir puisqu'il était très occupé sur d'autres fronts. Là aussi, on le lui reproche. Maintenant, le temps que tout se réapprovisionne, il faut quand même quelques semaines, puisqu'il faut faire arriver les ingrédients de l'étranger, relancer les chaînes de production. La firme Abbott ne peut le faire que depuis deux jours. Et puis, il faut réapprovisionner les magasins. Tout cela prend forcément quelques jours à quelques semaines. Sur 11 000 magasins, il y en a quand même 43% qui sont en pénurie. C'est donc un problème qui est visible et c'est bien là le problème de Joe Biden.
Quel impact sur l'opinion publique américaine vont avoir les mesures prises par Joe Biden ?
C'était absolument nécessaire parce qu'il fallait montrer pour le président qu'il agissait très fortement. La loi de production de défense lui permet de réquisitionner les moyens de fret ou de production, et donc d'imposer la volonté de l'État fédéral sur toute la chaîne de production et d'acheminement. C'est sortir les gros calibres. Il y avait péril en la demeure. On parle de bébés qui n'arrive pas à se nourrir et des mamans qui sont désespérées parce qu'elles ne savent pas comment faire. Il ne s'agit pas de quelques bébés, mais de millions de petits Américains qui étaient concernés. Donc, le problème était très aigu.
Cela va laisser des traces ?
Désormais, c'est même ce qui risque de rester. Imaginez que les démocrates perdent sur une affaire de lait en poudre. C'est quand même un comble absolument incroyable. Ça laissera des traces parce que l'opposition s'est engouffrée dedans de façon assez magistrale et a ressorti les thèmes de Donald Trump. Occupons-nous d'abord des Américains avant de s'occuper d'autre chose. Cela fonctionne terriblement bien sur l'opinion publique. Or, dans six mois, il y a des élections aux États-Unis. Actuellement, tout le monde est en campagne. Le poids du président n'est pas bon. On voit d'ailleurs dans les primaires démocrates les candidats qu'il soutenait n'ont pas fait un très bon score.
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