Donald Trump limoge Rex Tillerson : "Des différences de fond" et "une inimitié grandissante" entre les deux hommes
Le spécialiste des États-Unis Corentin Sellin a expliqué mardi sur franceinfo les raisons du limogeage par simple tweet de Rex Tillerson par Donald Trump.
Donald Trump a annoncé mardi 13 mars sur Twitter le limogeage du chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson et son remplacement par Mike Pompeo, le directeur de la CIA. Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire et spécialiste des États-Unis est revenu sur ce limogeage, mardi sur franceinfo.
franceinfo : Le fait que Donald Trump et Rex Tillerson ne pensaient pas pareil, comme le dit le président américain, suffit-il à expliquer ce limogeage ?
Corentin Sellin : Oui et non. Oui parce que les points de divergence s'étaient multipliés depuis plusieurs mois. On en avait eu un exemple pas plus tard que lundi, puisque que Tillerson avait condamné très fermement l'action des Russes au Royaume-Uni pour éliminer leur transfuge, tandis que la Maison Blanche et Donald Trump, par son attaché de presse, n'avaient pas voulu cibler la Russie. On pourrait multiplier les différences de fond : sur le dossier nord-coréen, sur le dossier iranien. Mais il y avait aussi une différence de personne. On se souvient que Rex Tillerson avait traité de "moron", c'est-à-dire de crétin, de débile, le président, à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale lors de l'été 2017, que cela s'était su. À tel point que Donald Trump l'avait commenté par tweet. Depuis lors, les jours de Tillerson étaient comptés. Il n'avait plus du tout la confiance du président. Il semblait écarté de tous les arbitrages majeurs, voire parfois ridiculisé en public par le président. C'est donc une décision qui apparaît à la fois motivée par des causes structurelles mais aussi par une inimitié personnelle qui était grandissante.
Cela explique-t-il l'annonce par un simple tweet ?
On retrouve le traditionnel management par le chaos, voire par la terreur, de Donald Trump. On aurait pu s'attendre que, comme président, il s'adoucisse. Il a été habitué à virer tout collaborateur qui ne lui plait pas, qui ne lui convient pas et il le fait de nouveau avec cette brutalité. Il y ajoute une forme d'humiliation parce que visiblement Rex Tillerson n'a même pas été prévenu au préalable. Rex Tillerson était écarté de tous les arbitrages, y compris jusqu'au dernier d'entre eux, son propre renvoi.
Y a-t-il eu des précédents ?
Cela pu arriver, de manière très exceptionnelle. C'est quand même très rare et contraire à l'évolution des dernières présidences. Pendant la présidence Obama, on a eu deux secrétaires d'État, Hillary Clinton et John Kerry. Généralement, lors des présidences récentes, Clinton, Bush, Obama, on choisit un secrétaire d'État avec qui on est en grand accord et on se répartit les tâches. Le problème est que Donald Trump veut gérer seul la politique étrangère, qu'il avait pris Rex Tillerson pour faire une concession aux élites républicaines traditionnelles, puisqu'il faut rappeler qu'il était le PDG d'Exxon, la grande firme pétrolière. La greffe n'a pas pris. Et comme Donald Trump veut tout gérer, on l'a encore vu dans le dossier nord-coréen la semaine dernière, il lui faut un homme prêt à se plier à toutes ses vues. Il l'a répété : "Avec Mike Pompeo, j'ai un homme qui est exactement sur la même longueur d'onde que moi".
Mike Pompeo va-t-il appliquer à la lettre ce que va lui dire Donald Trump ?
En tant que directeur de la CIA, il a déjà donné des gages de grande fidélité à Donald Trump, sur un point en particulier. Mike Pompeo avait même été repris par son administration, puisqu'à plusieurs reprises il s'était permis de mettre en doute, de nuancer, l'ingérence russe dans l'élection 2016, qui avait été pointée du doigt par le travail de la CIA. En faisant cela, il s'est gagné les bonnes grâces de Donald Trump. C'est grâce à ces manoeuvres de flatterie et de coopération avec donald Trump qu'aujourd'hui Pompeo est promu comme secrétaire d'État. Il apparaît comme un "Yes man", comme un homme aux ordres. Il est d'ailleurs un ancien militaire et Donald Trump adore s'entourer d'anciens militaires.
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