On vous explique pourquoi il faut s'inquiéter de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine
Donald Trump a décidé de taxer 34 milliards de dollars d'importations chinoises, "la plus grande guerre commerciale de l'histoire économique à ce jour", selon Pékin.
Après les menaces, la guerre. Les Etats-Unis ont instauré, vendredi 6 juillet, une surtaxe additionnelle douanière de 25% sur 34 milliards de dollars (29 milliards d'euros) d'importations chinoises. En réponse, le chef du gouvernement chinois, Li Keqiang, a mis en garde les Etats-Unis sur le fait qu'"une guerre commerciale ne profite à personne". Franceinfo décrypte ce combat de géants qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour l'économie de la planète.
C'est quoi le problème ?
L'objectif de Donald Trump, champion de "l'Amérique d'abord", est de rééquilibrer les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine, en déficit de quelque 375 milliards de dollars l'année dernière. Pour y parvenir, le président américain vise la politique industrielle de Pékin et son plan "Made in China 2025". Lancé en 2015, il a pour ambition de faire de la Chine une puissante industrie technologique capable de rivaliser avec les Etats-Unis, comme l'explique le New York Times (en anglais).
Le président américain s'inquiète également du système de coentreprises imposé par Pékin aux entreprises étrangères. En échange d'un accès au marché chinois, les firmes sont obligées de partager avec des partenaires locaux une partie de leur savoir-faire technologique. L'Obs prend comme exemple les douze turbines du barrage des Trois-Gorges, sur le fleuve chinois Yangzi Jiang. Les deux premières étaient livrées par l’entreprise étrangère qui remportait le contrat, les quatre suivantes en partenariat 50-50 et les six dernières seraient construites par la seule entreprise chinoise. L'administration Trump considère cette méthode comme du "vol" de propriété intellectuelle et de technologies.
Quels produits sont concernés ?
Les taxes américaines frappent 818 produits chinois au total. Le Financial Times (article en anglais et payant) a listé tous les produits concernés. Parmi eux, des composants informatiques, des moteurs électriques, du matériel agricole, des produits alimentaires (comme des sardines en conserve et du thon), ou encore des produits de l'industrie pétrochimique. Pour l'instant, les téléphones ou les télévisions sont épargnés. Mais cela pourrait évoluer.
Un second lot de taxes, sur 16 milliards de dollars d'importations chinoises, fait l'objet d'un examen supplémentaire de la part du représentant au Commerce. Il entrera en vigueur "dans deux semaines", selon Donald Trump. Et le président américain s'était dit prêt à taxer 200 milliards de biens supplémentaires, en cas de sur-réaction de la Chine. Ces mesures pourraient donc porter à 450 milliards de dollars (384 milliards d'euros) la valeur des produits chinois taxés, soit la grande majorité des importations venues du géant asiatique (505,6 milliards de dollars en 2017, soit 431 milliards d'euros).
Comme réagit la Chine ?
Mal, forcément. En mesure de rétorsion, Pékin a commencé à imposer des droits de douane quelques heures après la mise en place de ceux des Etats-Unis. On ignore encore le détail de ces taxes, mais la Chine a laissé entendre que la riposte serait de la même ampleur que l'attaque américaine.
"Les Etats-Unis ont violé les règles de l'Organisation mondiale du commerce et lancé la plus grande guerre commerciale de l'histoire économique à ce jour", a déploré le ministère chinois du Commerce dans un communiqué. Par ailleurs, les Etats-Unis se tirent "une balle dans le pied", estime Pékin. Et pour cause : une grande partie des produits visés par Washington sont produits par des entreprises étrangères en Chine, dont certaines sont... américaines.
Quels sont les risques sur l'économie mondiale ?
Les échanges commerciaux sont la base de notre économie mondialisée et le virage protectionniste de Donald Trump change la donne. "Un virage vers le protectionnisme poserait un risque sérieux pour la croissance de la productivité et la croissance potentielle de l'économie mondiale", prévient le patron de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. "Un ralentissement (économique) de la Chine en raison de taxes douanières serait dommageable pour les autres économies asiatiques et hors d'Asie, pour l'Allemagne", ajoutent les économistes d'Oxford Economics dans une note (en anglais).
Concrètement, taxer les produits importés pourrait se traduire par une hausse des prix dans différents secteurs. Déjà, en raison des surtaxes imposées sur l'acier par les Etats-Unis, le constructeur automobile Toyota a prévenu que s'il n'était plus en mesure d'importer aux Etats-Unis de l'acier bon marché pour fabriquer des véhicules dans ses usines américaines, leur prix augmenterait considérablement.
Ces mesures "vont directement heurter les intérêts des consommateurs américains", déplore encore la Chine. Des augmentations de prix de produits courants pourraient ainsi freiner la consommation, notamment des ménages, un risque pour la croissance américaine.
Et la France dans tout ça ?
Paris ne regarde pas la situation d'un bon œil. Le Conseil d’analyse économique a ainsi tiré la sonnette d’alarme. Selon ce groupe d’économistes indépendants dont le rôle est de conseiller le Premier ministre, la perte de PIB est estimée à plus de 4% pour toute l'Europe et de plus de 3% pour la France après cette hausse des taxes sur les produits chinois. Il s'agit d'une "perte annuelle d’en moyenne 1 250 euros par habitant dans l’UE et 1 125 euros par habitant en France", soit un peu moins qu'un smic. Ces économistes soulignent, enfin, que cette crise pourrait être de même ampleur que celle bancaire et financière subie par la France en 2008.
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