Cet article date de plus de cinq ans.

Remise en cause de l'accord sur le nucléaire iranien : "Les premiers responsables sont bien les États-Unis"

Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques, dénonce une "capitulation" des autres partenaires de l'accord, dont les Européens.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le président américain Donald Trump, le 8 mai 2019. (SAUL LOEB / AFP)

Les États-Unis ont durci mercredi 8 mai les sanctions économiques contre l'Iran, qui s'est affranchi de deux engagements pris dans le cadre de l'accord international sur son programme nucléaire.

"Je pense qu'il ne faut pas renverser la charge de l'accusation, parce que les premiers responsables de l'atteinte à l'esprit à la lettre de l'accord qui a été signé en 2015, ce sont bien les Etats-Unis", a réagi sur franceinfo Didier Billion, le directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "Les responsables iraniens ont été assez patients", souligne Didier Billion, qui rappelle que Téhéran a fait "de nombreuses demandes" et qu'il n'y a "pas eu beaucoup de réponses positives". Le directeur adjoint de l'Iris dénonce une décision "totalement unilatérale" et la "capitulation" des autres partenaires de l'accord, dont les Européens.

franceinfo : Il n'y a plus d'accord, plus de dynamique sur le nucléaire iranien ?

Didier Billion : Non pas tout à fait. Tout d'abord, je pense qu'il ne faut pas renverser la charge de l'accusation, parce que les premiers responsables de l'atteinte à l'esprit à la lettre de l'accord qui a été signé en 2015, ce sont bien les Etats-Unis. On se rappelle qu'il y a un an jour pour jour, le 8 mai est une date importante, c'est le président Trump qui avait dénoncé cet accord, qui s'en était retiré et qui a ouvert la voie à un jeu de sanctions contre l'Iran pris de façon totalement unilatérale. On peut quand même constater que les responsables iraniens ont été assez patients, qu'ils ont attendu un an, qu'il y a eu de leur part de nombreux appels, de nombreuses demandes auprès des parties qui avaient signé l'accord, notamment les Européens mais aussi les Russes, les Chinois. Pour l'instant, malheureusement, il n'y a pas eu beaucoup de réponses positives. C'est probablement exaspérés et très impatients, à juste titre, que les dirigeants iraniens ont décidé ce matin-même d'expliquer que certains aspects de l'accord de 2015 étaient suspendus de leur point de vue. Ce qui ne veut pas dire qu'ils se retirent de l'accord.

Ces engagements dont s'affranchit Téhéran, de quoi s'agit-il exactement ? De quoi l'Iran s'affranchit-il aujourd'hui ?

Il faut revenir à ce qui a été décidé en 2015. Tout d'abord, les Iraniens avaient accepté de se séparer de la quasi-totalité des stocks d'uranium enrichi à vocation militaire. Deuxièmement, ils avaient accepté que, pendant 15 ans, l'uranium enrichi ne servirait que pour des utilisations civiles. Ils avaient accepté que le nombre de leurs centrifugeuses, ces instruments qui servent à enrichir l'uranium, soit réduit d'un tiers. Ils avaient accepté que l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui dépend de l'ONU, fasse régulièrement des inspections inopinées. Tout cela ils l'ont accepté. Et d'ailleurs l'Agence internationale de l'énergie atomique a fait plusieurs commissions d'enquête et, à chaque fois, a rendu des rapports très positifs en disant que les Iraniens respectaient les termes de cet accord. Donc aujourd'hui, alors que l'accord est dénoncé par monsieur Trump et son administration, il ne faut pas oublier cet aspect essentiel, c'est que non seulement monsieur Trump rétablit des sanctions contre l'Iran, mais au nom du principe de l'extra-territorialité, il se donne et s'arroge le droit de punir ou de sanctionner les Etats ou les entreprises qui continueraient à commercer ou à avoir des relations économiques avec l'Iran. Donc, il y a une décision qui est totalement unilatérale contre l'apathie de ce qu'on appelle encore la communauté internationale.

Tous les autres partenaires de l'accord, dont les Européens, ont été bien timides ces derniers mois ?

C'est plus que de la timidité. Je suis désolé d'utiliser le terme, mais c'est de la capitulation. Et en fait, ce sont deux conceptions des relations internationales qui s'affrontent. C'est pour cela que c'est très préoccupant. D'un côté les tenants du multilatéralisme, qui a priori sont théoriquement plus nombreux, et ceux qui au contraire sont partisans de la loi du plus fort et de l'unilatéralisme, ce qui est représenté par monsieur Trump.

C'est donc Donald Trump qui a gagné pour le moment ?

Exactement. Pour le moment.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.