A quoi ressemblerait l'Amérique version Hillary Clinton ?
Immigration, économie, politique étrangère... Avec son programme, Hillary Clinton prend clairement ses distances avec Donald Trump. Ses propositions s'inscrivent dans la lignée de celles de Barack Obama, mais portent aussi en elles un soupçon de Bernie Sanders.
Pas de temps à perdre. Hillary Clinton l'a promis, si elle est élue, "nous nous mettrons au travail immédiatement et nous parlerons au plus de monde possible pour trouver un terrain d'entente". Gage de bonne foi, la candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine s'est engagée à proposer deux projets de loi sous 100 jours : une réforme du système d'immigration et un grand plan d'investissements.
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Dans le camp d'en face, Donald Trump s'est distingué par des propositions chocs, comme celle de construire un mur à la frontière avec le Mexique, quitte à rester évasif sur leur faisabilité. En comparaison, le programme de l'ancienne sénatrice apparaît extraordinairement ordinaire. Pourtant, l'ex-secrétaire d'Etat a poussé le curseur à gauche, en réponse au succès inattendu de son ancien rival des primaires démocrates, le "socialiste" Bernie Sanders. Mais ce rééquilibrage pourrait aussi se retourner contre elle : si son parti n'obtient pas la majorité parlementaire, ses ambitions seront revues à la baisse, voire balayées par un Congrès républicain.
A quoi ressemblera précisément l'Amérique sous une nouvelle présidence Clinton ? Franceinfo revient sur ses principales promesses.
Sur le plan social : réduire les inégalités
Le programme de la Démocrate est tourné vers les plus fragiles. Grâce à une série de réformes, Hillary Clinton projette de mettre un terme à la pauvreté infantile et elle signerait le plan le plus ambitieux en la matière depuis les années 1960, à en croire Quartz (en anglais). La tâche est conséquente : selon un recensement de 2015, 20% des petits Américains grandissent dans la pauvreté. Pour mettre fin à cette situation, elle envisage notamment de réformer le crédit d'impôt alloué aux familles, afin de permettre aux plus pauvres d'en bénéficier.
Surtout, de la crèche à l'université, le programme d'Hillary Clinton fait la part belle à l'éducation, qu'elle veut moins coûteuse et plus efficace. Elle souhaite que tous les enfants soient scolarisés à partir de 4 ans, entend augmenter les salaires des éducateurs de la petite enfance, investir largement dans les écoles publiques et limiter à 10% la part de la garde d'enfants dans le budget des familles. A cela viendraient s'ajouter une hausse du salaire minimum, à 12 dollars de l'heure (10,7 euros) au niveau fédéral, contre seulement 7,25 dollars aujourd'hui, ainsi qu'une bourse pour les parents-étudiants – ils représentent 26% des étudiants, selon l'Institute for Women's Policy Research (en anglais). Là encore, les familles modestes seraient directement concernées.
Côté niveau de vie, Hillary Clinton veut éradiquer le surendettement des étudiants, problème recurrent outre-Atlantique. Dans un pays où de nombreux salariés remboursent tout au long de leur carrière le coût de leurs études, elle propose de rendre les frais de scolarité gratuits pour les jeunes issus de familles gagnant moins de 85 000 dollars par an (environ 76 000 euros). Ce critère devrait ensuite s'élargir, pour inclure de plus en plus de familles, promet-elle, dans la lignée d'un Bernie Sanders, qui prônait la gratuité pour tous.
Sur le plan économique : faire payer les riches
Pour financer de telles mesures, Hillary Clinton propose une vision de l'impôt diamétralement opposée à celle de son adversaire, Donald Trump. Là encore, elle met en avant les intérêts des classes moyennes, au détriment des plus riches : dans l'Amérique rêvée d'Hillary Clinton, les impôts augmenteraient et 92% du montant de ces hausses seraient assumés par les 1% les plus riches, détaille le magazine Forbes, citant le Tax Policy Center. A l'inverse, chez Trump, les taxes diminueraient et 47% du montant de cette baisse bénéficieraient à ces Américains les plus fortunés, poursuit le magazine.
La réforme fiscale d'Hillary Clinton "générerait beaucoup d'argent pour le gouvernement, et lui permettrait de financer sa réforme des frais de scolarité", explique NPR (en anglais). Sur son site internet, son projet fiscal apparaît d'ailleurs en premier, avec la mention suivante : "Faire en sorte que les riches, Wall Street et les entreprises payent leur part justement". Une façon de prendre le contrepied des accusations qui la visent : Hillary Clinton a souvent été jugée trop proche des grandes banques, depuis que ces dernières l'ont (très) largement payée pour délivrer des discours, dont le contenu a fuité via le site Wikileaks.
Par ailleurs, si la démocrate entend taxer les entreprises qui délocalisent, elle souhaite simplifier et réduire l'imposition des PME, afin de leur permettre d'embaucher et de se développer. Sa politique économique tient en un mot : investissement. Dans les 100 premiers jours de son mandat, elle veut présenter un plan d'investissement de 275 milliards de dollars pour la rénovation des infrastructures du pays – telles que les routes, les ponts, mais aussi le réseau internet et les énergies renouvelables. Hillary Clinton prévoit également de soutenir la production "made in America", grâce à un plan de 10 milliards de dollars.
Sur l'immigration : encourager la naturalisation des clandestins
Donald Trump veut construire un mur pour empêcher les Mexicains d'entrer aux Etats-Unis et reconduire les clandestins à la frontière. A l'inverse, Hillary Clinton, elle, veut encourager les naturalisations pour les 11 millions de sans-papiers déjà présents sur le sol américain.
Pour cela, l'ancienne sénatrice aura besoin de faire des compromis avec le Congrès, et donc potentiellement avec les Républicains. Or, le président actuel de la Chambre des représentants, le Républicain Paul Ryan, est ouvert à une réforme, mais par étapes : d'abord le renforcement des contrôles migratoires, puis une refonte de l'immigration légale, enfin une solution pour les clandestins. Dans un premier temps, Hillary Clinton pourrait se focaliser sur le cas des familles dans lesquelles les parents et les enfants ne bénéficient pas du même statut et se trouvent ainsi menacés de séparation en cas d'expulsion.
Par ailleurs, la Démocrate a d'ores et déjà annoncé qu'elle était favorable à l'accueil d'un nombre plus important de réfugiés syriens : d'environ 10 000 actuellement, leur nombre passerait à 65 000, a-t-elle annoncé fin septembre sur CBS (en anglais).
Sur la politique étrangère : aller plus loin que Barack Obama
Là encore, Hillary Clinton ne partage pas la vision isolationniste de Donald Trump. A l'inverse, elle estime que les Etats-Unis jouent encore un rôle d'arbitre, notamment au Moyen et au Proche-Orient. Interventionniste, elle l'a été du temps où elle était à la tête du sécrétariat d'Etat, appuyant l'envoi de renforts en Afghanistan, le maintien des troupes en Irak et l'envoi d'armes aux rebelles syriens modérés, rappelle Slate. "Certains démocrates parlent de n’utiliser l’armée qu’en dernier recours. Ce n’est pas sa façon naturelle de penser", estime Kurt Campbell, son ancien adjoint pour l’Asie de l’Est. Interrogé par le site, il l'imagine davantage en "faucon" que son prédécesseur.
Si elle s'inscrit dans la lignée de Barack Obama (refus de laisser l'Iran obtenir l'arme atomique, renforcement des liens avec Cuba...), l'ancienne secrétaire d'Etat veut "intensifier la campagne aérienne de la coalition contre le groupe Etat islamique, ses leaders et infrastructures". Elle entend soutenir les troupes locales et kurdes tout en œuvrant pour une issue diplomatique, d'après son programme.
Elle note ainsi la nécessité de travailler étroitement avec les Européens, mais ne fait pas référence à un autre acteur de poids : la Russie. Elle qui, en 2012, a fait la promotion de la reprise des relations diplomatiques avec Moscou , ne porte pas Vladimir Poutine dans son cœur : c'est "une brute", estime-t-elle. Les rapports pourraient être tendus entre les deux puissances, Hillary Clinton accusant Moscou d'être à l'origine du piratage des e-mails de son camp, l'une des épines dans le pied de la candidate. Russie et Chine sont "des rivaux qui travaillent souvent contre nous", juge la démocrate, avant d'affirmer son désir de leur "faire face."
Sur les questions de société : un chantier progressiste
Le programme d'Hillary Clinton aborde, parfois vaguement, des questions spécifiques aux minorités. Aux femmes, elle promet de réduire les inégalités salariales ou encore de renforcer la prévention contre les agressions sexuelles dans les campus universitaires. Elle veut également repenser un système judiciaire inégalitaire pour les minorités ethniques ou sexuelles.
Après l'obtention, en 2016, par tous les couples homosexuels américains, du droit de se marier, Hillary Clinton veut continuer de lutter contre les discriminations dont sont victimes les communautés lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles. Promettant de promouvoir leurs droits à travers le monde, elle propose de lancer des chantiers très concrets, comme la facilitation des démarches administratives des personnes transgenres ou encore l'interdiction des thérapies dites de "conversion", prétendant convertir les homosexuels à l'hétérosexualité.
Autre sujet de société sur lequel elle est en profond désaccord avec les conservateurs : les armes à feu et le sacro-saint deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis. Elle affirme, comme Obama avant elle, son intention d'étendre les vérifications des antécédents des propriétaires d'armes à feu et d'interdire leur possession aux personnes connues pour des faits de violences ainsi que pour les Américains souffrant d'une maladie mentale. Une intention qui, comme la plupart des éléments du programme d'Hillary Clinton, sera difficile à mettre en œuvre sans le soutien du Congrès.
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