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Le pape François va en Irak pour "soutenir l'ensemble des Irakiens" et "promouvoir le dialogue interreligieux", explique un spécialiste

Le pape François se rend pour la première fois en Irak, vendredi 5 mars, pour échanger avec l'ayatollah Sistani. Un déplacement qui renforce son image de "pape des périphéries", selon le journaliste Frédéric Mounier.

Article rédigé par franceinfo
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Le pape François devant la place Saint-Pierre au Vatican, le 8 décembre 2020. (ALBERTO PIZZOLI / AFP)

Le pape François va en Irak pour "soutenir l'ensemble des Irakiens" et "promouvoir le dialogue interreligieux", explique Frédéric Mounier, journaliste à RCF et auteur de "Le Pape qui voulait changer l’Église" aux éditions Presse du Chatelet. Invité de franceinfo jeudi 4 mars, il décrypte la visite prévue du pape François en Irak, vendredi 5 mars, premier déplacement d'un pontife dans ce pays. "Le pape François veut construire" avec l'ayatollah Sistani "un projet pour un nouvel Irak pacifique", affirme ce spécialiste. 

franceinfo : Cela fait des mois que le Vatican prépare ce voyage en Irak. Pourquoi est-ce si important pour lui ?

Frédéric Mounier : C'est tout à fait essentiel, d'une part, de conforter les chrétiens qui sont en Irak depuis 2 000 ans. Ce ne sont pas des chrétiens de l'émigration, ce ne sont pas des chrétiens de la colonisation, ils étaient là avant que nous soyons chrétiens. Et c'est aussi pour le dialogue interreligieux, c'est l'essentiel de ce voyage, c'est-à-dire que le pape va soutenir l'ensemble des Irakiens. Il veut rendre sa dignité au peuple irakien, c'est extrêmement important pour lui.

Les communautés chrétiennes ne représentent qu'à peine plus 1% de la population. Leur nombre a été divisé par 10 ces 20 dernières années. Que va-t-il leur dire ?

Il va leur dire quelque chose d'incroyable : "Restez". La devise du voyage c'est : "Vous êtes tous frères". Il s'adresse aux chrétiens, aux musulmans et à toutes les minorités religieuses. Il va essayer de construire avec notamment l'ayatollah Sistani, qu'il va rencontrer à Nadjaf samedi 6 mars, une sorte de projet pour un nouvel Irak. L'ayatollah Sistani, c'est le chef spirituel des chiites irakiens. Il a 90 ans. C'est une autorité extrêmement importante. Le pape a déjà eu des contacts très, très sérieux lorsqu'il s'est rendu aux Émirats arabes unis avec le grand imam d'Al-Azhar. Ils ont signé ensemble une déclaration pour la fraternité universelle.

Et là, c'est en quelque sorte l'autre jambe de l'islam, l'islam chiite qui est majoritaire en Irak, que le pape François va rencontrer. Il faut savoir que l'ayatollah Sistani est un homme qui s'est déclaré favorable à un Irak pour tous. Il ne croit pas au califat, il a conduit la lutte contre Daech. Et le pape François veut construire avec lui un projet pour un nouvel Irak qui serait un Irak pacifique, et non pas un Irak martyrisé comme aujourd'hui.

Doit-on s'attendre à une embrassade entre les deux hommes ?

On sait qu'il n'y aura ni texte, ni discours. Il y aura probablement une photo. La rencontre a été millimétrée : le pape va se déchausser avant de rencontrer l'ayatollah Sistani et l'ayatollah Sistani va se lever pour le rencontrer, ce qu'il n'a jamais fait pour un visiteur étranger. Le moindre geste compte. La photo de l'étreinte entre ces hommes va compter et va préfigurer un nouvel Irak, en dépit des conditions sanitaires, en dépit des conditions politiques, en dépit des conditions sécuritaires qui sont absolument horribles en ce moment.

L'Irak est à la fois un pays en guerre et un pays très touché par l'épidémie de Covid-19. Pour limiter les risques, les déplacements du pape se feront en hélicoptère dans tout le pays. On imagine que les services de sécurité du Vatican sont sur les dents ?

Et aussi les services de sécurité iraniens. C'est un déplacement très, très dangereux. Le pape lui-même est vacciné, la suite est vaccinée, nos confrères journalistes sont vaccinés. Mais le risque, c'est que des foules viennent s'agglomérer, que les chrétiens et les musulmans qui souhaitent rencontrer ce pape risquent de créer un cluster. Il n'y aura pas de papamobile mais une voiture blindée, ce qui est très difficile pour ce pape qui est habitué, qui adore la rencontre avec le peuple et la rencontre physique. Il faudra surveiller chaque instant de ce voyage. Et puis, on peut rappeler que ce pape a 84 ans. C'est la huitième année de son pontificat. Mais pour lui, c'est comme son voyage en Centrafrique en 2015. Il avait dit : "Je pourrais sauter en parachute sur Bangui s'il le fallait, mais j'ai besoin de construire ce symbole".

Ce sera le 49e pays que le pape François va visiter. Avec un peu de recul aujourd'hui, ses déplacements dessinent-ils finalement une carte de ce que veut être le pape François ?

Absolument, c'est le pape des périphéries. Vous avez remarqué que le pape n'est pas encore venu en France, il est question qu'il vienne notamment à Marseille, personne ne sait s'il viendra. Il a beaucoup plus voyagé au Moyen-Orient qu'en Europe occidentale : en Israël, en Turquie, en Égypte, en Arménie, à Abu Dhabi. C'est le pape des périphéries, le pape des zones blessées, des zones fracturées. Et c'est là qu'il va porter des paroles de réconfort, de paix et de justice.

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