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Peine de mort rayée du catéchisme par le pape : "Un espoir pour porter une abolition dans beaucoup de pays catholiques"

La décision du pape est saluée par Raphaël Chenuil-Hazan, directeur de l'association Ensemble contre la peine de mort.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Raphaël Chenuil Hazan, directeur de l'association "Ensemble contre la peine de mort". (MARTIAL TREZZINI / KEYSTONE)

Le pape François a proclamé jeudi 2 août son opposition catégorique à la peine de mort en la rayant du catéchisme. En appelant l'Église à s'engager pour son abolition partout dans le monde, il a donné un message d'espoir "pour porter une abolition dans beaucoup de pays catholiques", explique Raphaël Chenuil-Hazan, directeur de l'association Ensemble contre la peine de mort.

franceinfo : "Tu ne tueras point", disait le Nouveau Testament, êtes-vous malgré tout surpris par cette annonce du Vatican ?

Raphaël Chenuil-Hazan Non, pas surpris, heureux, parce que ça vient comme un aboutissement d’un processus qu’on pourrait dater de 1869, date de l’abolition de la peine de mort au sein du Vatican. Et surtout ça donne de l’espoir pour porter une abolition dans beaucoup de pays catholiques. Nous, à Ensemble contre la peine de mort, et d’autres organisations qui luttent contre la peine capitale, nous nous engageons depuis de nombreuses années auprès du Vatican. Déjà sous Jean-Paul II, et même sous Benoit XVI, mais on n’avait jamais vu autant d’engagement que depuis ce pape, François. Un engagement qui est sincère sur la question de la peine de mort, et peut-être plus encore sur la question de la rédemption, la question de la possibilité donnée à tout criminel, quel que soit son crime, d’avoir de la rédemption.

Pensez-vous que la parole du pape aura vraiment une influence sur des pays catholiques et sur leurs dirigeants ?

Une influence sur les populations, oui. Une influence dans les pays à majorité catholique, je pense aux Philippines, je pense à beaucoup de pays d’Afrique, définitivement oui. Après, les dirigeants utilisent souvent l’opinion publique pour ne pas abolir et, quand l'opinion commence à changer d’avis, ils n’abolissent pas forcément en fonction d'elle. La réalité, c’est qu’aux Philippines, par exemple, le président Duterte veut relancer la peine de mort alors qu’elle avait été abolie justement par foi catholique, là c’est encore une arme donnée aux défenseurs de l’abolition de la peine de mort pour combattre les velléités du président Duterte.

Est-ce que la religion est utilisée par les défenseurs de la peine de mort comme un argument dans les pays où elle est appliquée ?

Très souvent oui, malheureusement très souvent. Parfois les gens mélangent la religion avec la culture, c’est-à-dire l’histoire des civilisations et des cultures locales, qui font qu’ils interprètent la religion ou n’interprètent pas la religion, ça dépend des situations. L’engagement du pape maintenant qui est formel, qui est dans le catéchisme, va apporter énormément en Afrique je l’espère, et on peut espérer que ça va donner encore du poids localement aux États-Unis, où de plus en plus d’Églises catholiques s’engagent massivement contre la peine de mort. Mais il faut peut-être essaimer auprès des autres religions, et notamment les autres religions chrétiennes, je pense aux Églises évangéliques en Afrique ou aux États-Unis, qui même si elles ont une approche plus dure sur certains sujets ont quand même cette notion de la miséricorde, de la rédemption. Et je crois que ce sont ces notions-là qui sont importantes à porter.

Vous parlez beaucoup d’Afrique : est-ce le continent où la peine de mort est la plus appliquée aujourd’hui ?

Non, au contraire. Je dirais que le continent africain sera peut-être le prochain continent abolitionniste. C’est le continent où il y a le plus d'évolutions positives, c’est le continent qui de plus en plus se dit : cette peine est barbare, elle est inutile, inhumaine, et elle ne sert strictement à rien, ni à prévenir, ni à faire peur. Elle existe encore dans la législation de nombreux pays, par contre c’est d’Afrique que viennent chaque année les nouveaux pays qui abolissent la peine de mort. À l’inverse du Moyen-Orient et de l’Asie. C’est là où c’est le plus difficile de combattre. Là, les Églises sont très différentes. Le poids de l’Église catholique peut être intéressant, notamment dans certains pays asiatiques. Et puis, il y a peut-être un dialogue à instaurer, un dialogue religieux entre l’Église chrétienne et l’islam, et en particulier en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, pour porter cette notion de miséricorde, et de rédemption, qui est je le rappelle commune à toutes les religions monothéistes.

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