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Crise au Venezuela : "Le pays se trouve confronté à une crise politique, économique et sociale historique"

"S'il n'y a pas d'apport extérieur, je vois mal comment le Venezuela pourrait repartir", estime sur franceinfo le politologue Gaspard Estrada.

Article rédigé par franceinfo
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Des dizaines de milliers de Vénézuéliens ont fui vers les pays voisins, comme ici vers le Pérou. (ERNESTO ARIAS / EFE)

"Très clairement, aujourd'hui, le Venezuela se trouve confronté à une crise politique, économique et sociale, historique", a déclaré mercredi 29 août Gaspard Estrada, directeur exécutif de l'Observatoire Politique de l'Amérique latine et des Caraïbes de Sciences Po, l'Opalc. Invité sur franceinfo, il réagissait à l'appel solennel lancé à la télévision et à la radio par le président vénézuélien Nicolas Maduro pour demander aux émigrés de revenir dans leur pays. Des dizaines de milliers de Vénézuéliens ont fui dans les pays voisins au cours des derniers mois. Une crise migratoire due à la crise économique que traverse le pays. Depuis la chute du cours du pétrole, le pays est ruiné.

Pour Gaspard Estrada, les réformes annoncées par le président Nicolas Maduro sont "un effet d'annonce". "Sur le fond, il n'y a rien qui permette de restaurer la crédibilité, essentielle pour toute économie. Sans apport extérieur, je vois mal comment le Venezuela pourrait repartir", estime le directeur de l'Opalc.

franceinfo : Est-ce qu'il faut comprendre que la stabilité de la région toute entière est menacée ?

Gaspard Estrada : La stabilité au sens propre du terme, non. Mais très clairement, il y a aujourd'hui un phénomène nouveau en Amérique latine avec des flux migratoires considérables : plus d'1,5 million de Vénézuéliens ont émigré depuis 2015. Il faut faire en sorte que les dirigeants latino-américains prennent des mesures communes pour pouvoir organiser ces flux et pour éviter qu'il y ait une propagation soit de maladie, soit de violence xénophobe comme on a pu le voir à la frontière brésilienne.

Quand le président vénézuélien dit aux émigrés d'arrêter d'aller laver les toilettes à l'étranger et de revenir dans leur pays, ça veut dire que ces émigrés sont dans une situation de précarité ?

Sans aucun doute, mais cette précarité est due à la situation catastrophique de l'économie vénézuélienne et aujourd'hui ces Vénézuéliens ne quittent pas leur pays par plaisir mais par nécessité puisqu'ils ont du mal à survivre dans leur propre pays, ce qui les pousse justement à partir. Concernant les réformes annoncées par le président Nicolas Maduro, je pense qu'il s'agit d'effet d'annonce. Sur le fond, il n'y a rien qui permette de restaurer la crédibilité, essentielle pour toute économie. Aujourd'hui, le Venezuela fait face à cette hyper-inflation. Il n'y a rien dans ces mesures qui permette d'enrayer de manière structurelle ce mouvement qui est auto-entretenu. Tant qu'il n'y aura pas de véritable réforme, tant que les grands organismes internationaux comme le FMI n'investiront pas au Venezuela, je crois que toutes ces mesures auront un impact très limité.

Doit-on passer par une aide extérieure, internationale ?

Aujourd'hui les Vénézuéliens dépendent d'un bien pour vivre, le pétrole. Or, le pays n'est plus en mesure d'exporter du pétrole de manière suffisante, parce que l'entreprise pétrolière PDVSA est dans un état de faillite technique. Il y a donc de moins en moins de barils qui peuvent être exportés et donc aujourd'hui, le Venezuela se trouve dans une situation indescriptible. Son seul bien, le pétrole, ne peut plus garantir ses devises et l'économie qui n'est pas liée au pétrole est complètement détruite. Donc, s'il n'y a pas d'apport extérieur, je vois mal comment le Venezuela pourrait repartir.

Suite à cette crise économique, est-ce qu'il pourrait y avoir une crise politique ? Est-ce que le président Nicolas Maduro peut rester au pouvoir ?

C'est une question qui se pose déjà depuis de nombreuses années. L'année dernière avait été émaillée par de nombreuses violences. L'assemblée constituante avait été largement critiquée du fait de son caractère non pluraliste, de son mode de scrutin. Il y a eu par la suite des élections présidentielles, il y a quelques mois, où les membres de l'opposition n'ont pas pu être candidats. Le gouvernement entend rester aux commandes jusqu'à la fin de ce mandat mais très clairement, aujourd'hui, le Venezuela se trouve confronté à une crise politique, économique et sociale, historique.

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