Nicolas-Angela : des hauts, mais surtout débat
Depuis 2007, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sont en désaccord sur tout ou presque. Mais la crise les met au défi de trouver un terrain d'entente. Retour sur quatre ans de relations houleuses, avant la rencontre entre les deux chefs d'Etat, ce soir à Bruxelles.
Je t’aime, moi non plus ! Ils ne se quittent jamais plus de quelques jours, se téléphonent quasi-quotidiennement. Lundi 5 décembre 2011, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont même déjeuné ensemble avant d'étaler leur entente en conférence de presse à l'Elysée. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'ils s'apprécient.
Au-delà des frictions du quotidien, ils entretiennent un désaccord fondamental sur leur projet économique pour l’enfant "Europe". A quelques heures d’un nouveau sommet "de la dernière chance", où en est le sacro-saint couple franco-allemand ?
Une relation explosive
Il l’agace. Elle l’irrite. Et inversement. Malgré leurs efforts réguliers pour montrer un visage uni, des dîners de travail aux photos de famille en passant par les si symboliques conférences de presse communes, les deux chefs d’Etat sont décidément trop différents pour qu’une complicité s’installe.
Fille de pasteur, Angela Merkel le surnomme "Monsieur Blabla", "Mr Bean" ou "Louis de Funès", se moque de son attitude, de sa démarche, et lui reproche son agitation permanente. Par-dessus tout, elle déteste sa familiarité, la façon dont il l’embrasse ou lui attrape le bras à longueur de temps.
Hyperactif, il ne supporte pas les tergiversations de la chancelière, qui décide rarement à l’emporte-pièce. "Elle pense, moi j’agis", tacle-t-il. Il se plaint aussi d’avoir à négocier avec "trois Allemagne" : Angela Merkel, le ministre des Finances et la Banque centrale européenne (BCE). Et de temps en temps, raconte le New York Times, il l’appelle "la Boche".
Les tensions entre eux ont commencé dès juillet 2007, quand Nicolas et Cécilia Sarkozy tirent la couverture à eux et revendiquent la libération des infirmières bulgares, pourtant négociée en grande partie grâce à l’Allemagne. S’ensuit une interminable série d’amabilités : le ministre des Finances allemand reproche à Nicolas Sarkozy de faire des "cadeaux fiscaux" ? Il réplique quelques semaines après en critiquant la politique énergétique de l’Allemagne.
"Nous coopérons, c’est tout", boude Merkel quand Sarkozy se vante d’être "en lune de miel" avec la chancelière au sommet de Lisbonne en décembre 2007.
Et ça continue en 2008. Cette année-là, elle lui offre un stylo, se moquant de la vidéo où on le voit embarquant celui du président roumain. Il se plante et appelle l’époux de la chancelière "M. Merkel" en mai 2008. A l’automne, Berlin rejette le plan de sauvetage européen des banques proposé par la France. Chaque pays s’organisera individuellement.
En 2009 ? Il raconte fièrement avoir été présent lors de la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Le lendemain, elle se moque : "Ses déclarations enthousiastes peuvent parfois manquer d’exactitude."
En juin 2010, un sommet franco-allemand sur la crise et l’euro est reporté à la dernière minute. Chacun invoque son agenda et rejette la faute sur l’autre. Le mois suivant, c’est sur les Roms et la politique migratoire que les deux dirigeants s’écharpent.
Tendus sur le compte commun
Comme dans tous les couples, les questions d’argent accentuent les tensions. En fait, la France et l’Allemagne ont surtout des points de vue totalement divergents sur la gestion de la crise. Berlin, bon élève de l’Union européenne (lien payant) sur la croissance et l’encadrement de ses déficits veut des sanctions pour les cancres.
Angela Merkel en fait presque une question de morale : elle rechigne à voler au secours des Etats qui, comme la Grèce, se sont mis en difficulté par leurs excès. Elle plaide même pour un durcissement et une automatisation des sanctions et veut imposer la règle d’or à tous les pays européens. Une idée à laquelle Nicolas Sarkozy s'est ralié, qui soutient lui aussi le remaniement des traités.
Cependant, le Français se pose en pragmatique. Il veut que le Fonds européen de stabilité financière (FESF) puisse recourir aux fonds de la BCE. Refus d'Angela Merkel et du président de l’institution, Jean-Claude Trichet. Autre handicap : tous deux préoccupés par leur agenda politique national, ils ne peuvent non plus s’arc-bouter sur des positions courageuses mais difficiles à tenir.
L’urgence comme médiateur conjugal
Ils ont pourtant essayé de nombreuses médiations. Jean-David Levitte et Christoph Heusgen d’abord, deux diplomates chargés de fluidifier les relations entre les deux chancelleries. Mais leur coordination des équipes avant chaque sommet commun ou déclaration conjointe n’a pas effacé les différences.
Le remplacement du ministre des Finances allemand, jugé plus proche de Paris, n’y a rien changé. Pas plus que la tentative d’arbitrage du Royaume-Uni, un temps convié dans un ménage à trois pour incarner la caution extérieure d'un projet jugé trop "français". Il y a aussi Xavier Musca, le secrétaire général de l’Elysée, dont le profil, notamment en tant qu’ancien collaborateur de Jean-Claude Trichet au Trésor, rassure Angela Merkel. Insuffisant.
En fait, seule la menace d’une rupture imminente semble capable de les souder. C’est l’exemple de ce regard complice, dimanche 23 octobre, lorsqu’ils font allusion à leur rendez-vous avec Silvio Berlusconi, qu’ils viennent de sermonner, de peur que l’Italie soit le prochain pays à basculer après la Grèce.
Mais ils s’accordent souvent a minima. Comme le 20 juillet 2011, où c’est seulement quelques heures avant un sommet décisif pour le sauvetage de la Grèce que la France et l’Allemagne concèdent une position commune.
Cette semaine encore, beaucoup de questions restent en suspens. Les négociateurs se sont même séparés en laissant des pans entiers de la discussion entre les mains des chefs d'Etat. Reste une question fondamentale : le couple Nicolas et Angela va-t-il être assez solide, ce soir à Bruxelles, pour convaincre les Etats-membres de l'UE de dire "oui" à son plan de sauvetage ?
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