Cet article date de plus de douze ans.

Oscar Pistorius, jambes en carbone et moral d'acier

Le sprinteur sud-africain, premier athlète handicapé à participer aux JO, s’est toujours battu pour repousser ses limites et celles des règlements de l'athlétisme.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le coureur sud-africain lors de la Coupe du monde paralympique, le 22 mai 2012 à Manchester (Royaume-Uni). (PAUL ELLIS / AFP)

JO 2012 - Samedi 4 août, Usain Bolt débute les séries du 100 m, mais la star du jour n'est pas le sprinteur jamaïcain. Les regards sont tournés vers Oscar Pistorius. Le Sud-Africain, équipé de ses prothèses de jambes en carbone, est devenu le premier athlète handicapé à participer aux épreuves d'athlétisme aux Jeux olympiques pour valides. Mais pour atteindre ce sommet sportif, le coureur de 400 m a surmonté des obstacles devant lesquels beaucoup auraient baissé les bras. Dernier en date : on voulait le contraindre à partir en première position lors du relais 4x400 m pour des raisons de sécurité. Retour sur les épreuves que celui qui est surnommé "Blade runner" ("blade" pour lame et "runner" pour coureur, en anglais) a dû traverser au cours d'une vie de combat.

1987 : une amputation à l'âge de 11 mois

A la naissance de leur fils, le 22 novembre 1986, les parents du petit Oscar constatent qu'il n'a pas de péroné. A 11 mois, l'amputation des deux jambes, juste en-dessous des genoux, est inévitable. Mais le jeune Sud-Africain est décidé à avoir une vie normale, et même sportive. Equipé de prothèses, il pratique toute une panoplie de disciplines, notamment le cricket, le water-polo, le tennis et la lutte. Mais en 2003, à l'âge de 17 ans, Oscar se blesse grièvement en pratiquant sa grande passion, le rugby.

2004 : une blessure et ça repart

Et de cette blessure, il ressortira plus fort, ou du moins plus rapide. Il débute en effet une rééducation où il découvre la course à pied. Une révélation. Comme il le détaille sur le site runningcafe.fr, dès son premier 100 m en compétition, il bat des valides et, au passage, le record du monde de la catégorie "double amputés". Il découvre alors les fameuses prothèses "cheetah", des lames en fibre de carbone qu'il arbore toujours aujourd'hui.

Et seulement quelques mois plus tard, en septembre 2004, il participe aux Jeux paralympiques à Athènes. A 17 ans à peine, il se dit "impressionné" par l'ambiance et ne se lâche pas complètement. Sauf sur le 200 m, où il écrase ses concurrents, alors qu'eux ne sont amputés que d’une seule jambe. Il remporte ainsi la finale malgré un départ complètement raté.

2005 : le défi des valides

En 2005, à la vue des temps qu'il réalise, la fédération sud-africaine l'invite à participer à des compétitions pour athlètes valides. D'abord discret, il finit par décrocher une deuxième place du championnat national de 400 m en 2007 comme le détaille starafrica.com (article en anglais). Son histoire et ses exploits attirent les médias qui lui donnent alors le surnom de "Blade runner". Oscar Pistorius tente de se qualifier pour les championnats du monde valides d'Osaka en 2007. Mais il ne parvient pas à réaliser le temps minimal pour être qualifié. Il participe en revanche à un meeting, le 13 juillet 2007 à Rome, courant sa première course internationale. Il finit second du 400 m.

Et c'est en Italie que ses ennuis commencent. La fédération internationale d'athlétisme (IAAF) refuse en effet que cette course soit diffusée à la télévision et envoie des experts pour décortiquer sa technique. Certains athlètes lui reprochent d'être avantagé par ses lames et de ne pas connaître la douleur dans les mollets qui touche les sprinteurs en fin de course.

2008 : interdit de JO 

Début 2008, Pistorius croit en son rêve : participer aux Jeux olympiques de Pékin qui se déroulent sept mois plus tard. Mais dès janvier, ses espoirs sont douchés : l'IAAF rend une décision défavorable, établie sur une expertise menée par un scientifique allemand. Le professeur Peter Brüggemann affirme en effet que, grâce à ses prothèses, Pistorius dépense 25% d'énergie de moins qu'un athlète valide. Sa participation aux JO est impossible. Le coup est rude pour le Sud-Africain mais, une nouvelle fois, il fait face et se relève.

Il mène une contre-attaque scientifique : en mai 2008, il réunit une équipe d'experts, passe une nouvelle batterie de tests, et prouve au Tribunal arbitral du sport que ses lames l'avantagent bien sur les fins de course, mais qu'elles l'handicapent fortement au départ et dans les courbes. Résultat, il est finalement autorisé à partir pour Pékin.

Sauf qu'il faut se qualifier. Et qu'il rate les minima de 70 centièmes. Il part tout de même courir en Chine pour les Jeux paralympiques en septembre 2008. Il y rafle l'or sur 100 m, 200 m et enfin sur 400 m, avec un record du monde à la clé.

2009 : touché au visage dans un accident

En février 2009, Oscar Pistorius est à bord d'un bateau à moteur, navigant sur un lac au sud de Johannesbourg, en Afrique du Sud. Il heurte violemment un ponton, est expulsé du navire et se blesse au visage, comme le détaille L'Equipe. La mâchoire et le nez en bouillie, il est opéré en soins intensifs et rapidement mis hors de danger. Pas de quoi décourager "Blade Runner". Sa saison 2009 est perdue, mais il ne garde pas de séquelles de sa blessure, et compte bien s'attaquer à nouveau au monde des valides.

Son vœu est exaucé deux ans plus tard. En juillet 2011, il pulvérise son propre record du monde paralympique (45''02), réalisant les minimas qualificatifs pour les Championnats du monde valides de Daegu, en Corée du Sud. Il y passe les séries du 400 m et se hisse jusqu'en demi-finale.

Pistorius y décroche également une deuxième place mondiale en relais 4x400 m, sans disputer la finale. Mais pour avoir aidé son équipe à se qualifier lors des séries, il repart de Corée du Sud avec la première médaille jamais gagnée par un handicapé dans une épreuve d'athlétisme pour valides.

2012 : Londres, une nouvelle bataille

Vendredi 29 juin 2012, Oscar Pistorius est en piste et c'est sa dernière chance de réaliser les minimas qualificatifs pour les JO de Londres. Il doit courir son 400 m en moins de 45''30. Il l'a déjà fait en mars dernier (45''20), mais doit rééditer la performance pour se qualifier pour Londres. Il fait 45''52. Trop lent, cette fois. Mais la fédération sud-africaine décide de lui tendre la main et demande sa qualification pour le 400 m et le 4x400 m. La décision est entérinée par le comité olympique le 4 juillet. Pistorius exprime sa joie sur Twitter : "Aujourd'hui est vraiment l'un des plus beaux jours de ma vie ! Je serai à Londres pour les Jeux olympiques et paralympiques !" 

Mais rien n'est jamais simple pour le Sud-Africain. Sa première participation aux JO pose une nouvelle question : ses lames en carbone ne risquent-t-elles pas de mettre en danger les autres coureurs après le passage de relais (parfois chaotique) du 4X400 m ? Comme le décrit francetv sport, l'IAAF voudrait qu'il parte en premier relayeur, histoire de ne blesser personne. Finalement, le coureur fera comme il voudra, explique L'Equipe. L'athlète renouvelle son plus grand exploit, faire accepter sa différence. Une victoire à la Pistorius.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.