Cinéma : « Diane a les épaules » de Fabien Gorgeart, avec Clotilde Hesme, au cinéma le 15 novembre
Sans hésiter, Diane a accepté de porter l’enfant de Thomas et Jacques, ses meilleurs amis. C’est dans ces circonstances, pas vraiment idéales, qu’elle tombe amoureuse de Fabrizio.
Extrait d’un entretien avec Fabien Gorgeart
Ce premier long-métrage s’inscrit dans la lignée de vos courts métrages, qui s’intéressaient à la parentalité ?
En effet, « Le Sens de l’orientation » racontait l’histoire d’un homme, interprété par Fabrizio Rongione, qui n’avoue pas à sa petite amie sa stérilité, alors que le couple essaie d’avoir un enfant. Et dans « Un chien de ma chienne », Clotilde Hesme incarnait une femme dont la sœur vit une interminable et épuisante grossesse. Il y avait un côté comique à la limite de la fable. « Diane a les épaules » me permet d’approfondir cette thématique à travers une procréation décalée, un peu à part : une grossesse pour autrui…
Nous vivons une époque où les territoires se redessinent au sein du couple, de la filiation, de l’appartenance au masculin ou au féminin. L’identité sexuelle n’est plus réduite aux catégories biologiques et les rapports de filiation s'affranchissent du modèle parental dit traditionnel. La société s’en trouve bousculée.
Tout au long de l’élaboration du projet, nombreux sont ceux qui m’ont demandé de me « positionner vis-à-vis de la GPA ». Je crois qu’on ne peut pas, en un film, formuler une pensée générique sur cette question, tant celle-ci recèle une infinité de cas, tous différents les uns des autres. J’ai délibérément imaginé une GPA « exemplaire », apparemment conçue comme un pur acte de générosité. Ce qui m’intéresse c’est comment cette situation, toute « idéale » qu’elle soit en apparence, expose mes personnages à des dilemmes et des états émotionnels inédits. Et sur ce champ romanesque passionnant, j’ai eu le désir de créer un personnage féminin inédit : Diane et à travers elle interroger la notion de don.
Pour interpréter Diane, vous choisissez Clotilde Hesme.
Oui pour incarner cette créature hybride mi femme libre, mi femme ventre, il m’était indispensable de l’envisager avec légèreté et humour et le jeu de Clotilde Hesme est à la fois grave et délicat, désinvolte et consciencieux. Le corps de Diane est disproportionné par rapport aux hommes qui l’entourent ; ils sont tous plus petits et plus chétifs qu’elle. Elle est « bigger than life » avec beaucoup de désinvolture. Elle en devient un corps burlesque. Un corps désarticulé qui comme son épaule se déboite telle une poupée mal fichue. Elle est entre la femme sublime et l’ado dégingandée, totalement libre, n’appartenant à aucun genre précisément et je ne parle pas de genre sexué. Elle est à mi-chemin entre une héroïne rohmérienne et le Lieutenant Ripley (« Alien »). C’est notre Sigourney Weaver !
Le personnage de Diane aborde sa grossesse comme un acte généreux.
Dans un premier temps, le don que Diane fait de son ventre ressemble à une décision inconséquente et petit à petit, il ressemble à une mission, avec tout ce que cela suppose d’abnégation, voire de jusqu’au-boutisme et de volonté de donner un sens à ses actes. Mais l’expérience que Diane va faire dépasse le don de soi puisqu’il s’agit à la fin de faire un don encore plus vertigineux : un don tout court… celui de donner un enfant.
Le neuvième mois est celui d’un post-partum singulier. Le vide et la mélancolie se mêlent au soulagement, et à la joie douloureuse d’avoir accompli quelque chose de surnaturel. Voilà pourquoi il était important d’inscrire à l’écran le décompte des mois de grossesse et de déjouer l’attente du terme. Je pouvais ainsi mettre en scène un accouchement après l’accouchement, celui d’une émotion, d’un lâcher-prise de Diane.
A propos de Fabien Gorgeart
Fabien Gorgeart a grandi en Bretagne, élevé par une mère assistante maternelle pour la DDASS et un père chauffeur routier avec lequel il a roulé dans toute l’Europe. C’est après le lycée que son désir de cinéma se concrétise : d’abord au théâtre, en mettant en scène et en jouant dans le spectacle « City Silence », un hommage au cinéma burlesque, sa première passion (Chaplin, Keaton, Tati), et parallèlement à Paris 3, où il se passionne pour les cours d’analyses filmiques. En 2007, il réalise et produit son premier court métrage, « Comme un chien dans une église » (35mm, fiction, 23’). Il réalise ensuite quatre courts métrages entre 2009 et 2016, dont « Le Sens de l’orientation », prix du Jury à Clermont- Ferrand en 2012. Pendant ces années, il a la chance de collaborer avec un scénariste qu’il admire, Răzvan Rădulescu, l’un des maîtres à penser de la Nouvelle Vague roumaine (scénariste de « La mort de Dante Lazarescu). En 2013, il rencontre Clotilde Hesme sur un court métrage et se met en tête d’écrire pour elle. Ce sera le personnage de « Diane a les épaules », qu’il réalise en 2016, son premier long métrage.
Plus d’informations sur le site d’Haut et Court.
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