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"Quand un homme politique s'arrête, il meurt" : Patrick Balkany joue la corde sensible aux derniers jours de son procès

Dans sa dernière prise de parole avant le réquisitoire du parquet national financier attendu jeudi, Patrick Balkany a assuré "regretter" sa "manie de toujours vouloir faire plaisir".

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Patrick Balkany face à la presse, au Tribunal de grande instance de Paris, le 22 mai 2019. (ESTELLE RUIZ / NURPHOTO / AFP)

"Pendant 35 ans, je n'ai fait qu'aider les autres." Des années consacrées à Levallois-Perret et à ses habitants : c'est comme cela que Patrick Balkany, maire de cette ville des Hauts-de-Seine, résume sa carrière politique. "C'est très dur de servir les autres et de finir en bouc-émissaire", s'est-il désolé, mardi 11 juin, lors de son procès et d'une journée d'audience consacrée à l'examen de sa personnalité. L'édile est jugé devant le tribunal de grande instance de Paris principalement pour blanchiment de fraude fiscale aggravée, corruption passive et prise illégale d'intérêts.

Tout commence en 1978, quand Patrick Balkany est "bombardé" dans la première circonscription de l'Yonne, pour les législatives. "C'est à ce moment-là que j'ai le plus appris à aller voir les gens, à les écouter. Et je m'en suis servi par la suite", déroule l'élu, les deux mains agrippées au pupitre. Plus précisément cinq ans plus tard. Il se lance dans sa première campagne électorale à Levallois-Perret, pour ravir aux communistes le fauteuil de maire. Il fait du porte-à-porte, le soir après le travail. "C'est comme ça" qu'il a été élu dès le premier tour en 1983. "C'était une campagne dure. On nous a tiré dessus, on nous a attaqués à la hache", s'emporte-t-il.

"Ce fut 35 ans de bonheur de s'occuper d'une ville"

Cette conquête dans l'ouest parisien est le point de départ d'une longue carrière politique, malgré une traversée du désert entre 1997 et 2001, quand Patrick Balkany n'a plus aucun mandat. "Vous savez, quand un homme politique s'arrête, il meurt", rétorque le maire de Levallois au président du tribunal Benjamin Blanchet, qui le questionne à ce sujet.

"Vous ne pouviez pas vous reconvertir ?

– A 70 ans, ce n'est pas simple. J'en aurais 71, bientôt, en août... Même si mon très cher avocat a toujours un temps d'avance, et d'ailleurs il a raison, c'est son rôle."

Les rires fusent dans la salle. Patrick Balkany se tourne vers Eric Dupond-Moretti, l'air satisfait. Une référence goguenarde à leur dispute en public le premier jour du procès.

"Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve monsieur le président. Tout ce que je peux dire, c'est que ce fut 35 ans de grand bonheur de s'occuper d'une ville, des jeunes, moins jeunes, des gens, des femmes seules..." poursuit Patrick Balkany. Il a choisi le registre de l'émotion et joue sur la corde sensible. Le ton est plus calme, plus posé qu'au début du procès.

Je suis grand-père, j'ai quatre petits-enfants mais j'ai l'impression d'en avoir 5 000 dans ma ville. Ils m'adorent, me sautent au cou.

Patrick Balkany

devant le tribunal correctionnel de Paris

Autant d'enfants qui grandissent à Levallois et qu'Isabelle Balkany appelle, de son côté, "mes lutins". Elle l'écrit dans une lettre que son avocat, Pierre-Olivier Sur, lit à l'audience ce mardi après-midi. Car la prévenue, convalescente depuis une tentative de suicide début mai, est la grande absente de ce procès. Dans cette lettre, elle reconnaît également une "faute sans détour" : ne pas avoir déclaré une résidence antillaise, la villa Pamplemousse, achetée avec de l'argent familial caché en Suisse. "Si ce que j'ai fait pendant 35 ans ne méritait, certes, pas d'honneur particulier, il ne méritait pas non plus la haine et l'opprobre qui m'ont brisée", conclut Isabelle Balkany, qui se défend dans cette missive de vouloir "s'ériger en victime".

"Le maire, c'est le seul élu aimé des Français"

Les édiles de Levallois veulent être désirés. Patrick Balkany s'acharne à l'expliquer au président : "Le maire, c'est le seul élu aimé des Français. Le seul qui a grâce à leurs yeux en France, c'est lui car il a des pouvoirs." Il condense ainsi en quelques mots le sentiment qui l'anime encore.

Heureusement, j'ai les Levalloisiens. Quand je rentre d'ici, je vais à la mairie, les gens viennent me voir et me disent : 'Courage, on a besoin de vous'.

Patrick Balkany

devant le tribunal correctionnel de Paris

Intarissable, Patrick Balkany part ensuite dans une longue digression où il est question d'éviers vidoirs et, pour finir, de trottinettes électriques.

Vient le temps de la contrition. "Ce que je regrette le plus, c'est ma manie de vouloir toujours faire plaisir. Je regrette d'avoir demandé à Jean-Pierre et Arnaud d'aider ce monsieur, dit-il en désignant Mohamed Al-Jaber. Si je ne l'avais pas demandé on n'en serait pas là." Ce promoteur milliardaire saoudien est soupçonné d'avoir corrompu Patrick Balkany en lui payant la moitié du prix d'un riad à Marrakech, en échange de délais de paiements supplémentaires dans un méga-projet immobilier à Levallois. Le maire jure que la villa n'est pas à lui mais au milliardaire et qu'il l'a aidé à la trouver.

"On a voulu aider Al-Jaber, on a eu tort. On n'aurait pas dû", insiste encore Patrick Balkany à la sortie de l'audience, face aux journalistes qui l'attendent. "On souffre de ce que vous écrivez tous les jours, on souffre des réseaux sociaux, de ce qui est repris, mal repris. (...) Oui, j'ai souffert de ce que ma femme s'est auto-infligée depuis. Oui, on souffre, oui je souffre, vraiment", martèle, lyrique, Patrick Balkany. Le clou du spectacle, quitte à en faire trop ? Le réquisitoire est attendu jeudi. Les époux Balkany encourent jusqu'à dix ans de prison.

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