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Quel avenir pour Patrick Balkany ? Cinq questions sur ce qui peut se passer à l'issue de son procès

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Patrick Balkany à son arrivée au tribunal correctionnel pour le dernier jour de son procès pour fraude fiscale et blanchiment, mercredi 19 juin 2019. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Le procès du maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), d'abord jugé pour le seul délit de "fraude fiscale", puis pour "blanchiment de fraude fiscale aggravée, corruption passive et prise illégale d'intérêt", s'est achevé mercredi.

Le 13 septembre et le 18 octobre : c'est à ces dates que le tribunal correctionnel de Paris rendra ses jugements, respectivement dans le premier et le second volet du procès des époux Balkany, élus de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). A l'issue des délibérés, que risque-t-il de se passer pour Patrick Balkany ? Franceinfo passe en revue les hypothèses les plus probables, alors que le procès s'est achevé mercredi 19 juin.

1Patrick Balkany risque-t-il d'aller en prison ?

Tout dépend de la décision du tribunal correctionnel. Première possibilité : si aucune charge n'est retenue contre Patrick Balkany et qu'il n'est pas jugé coupable des faits, il sera relaxé et donc libre. Deuxième possibilité : si le tribunal suit les réquisitions du parquet national financier (PNF) à la lettre, Patrick Balkany sera directement conduit en prison. Car les procureurs ont requis à l'encontre du maire de Levallois-Perret quatre ans de prison ferme pour "fraude fiscale" et sept ans de prison ferme pour "blanchiment de fraude fiscale aggravée, corruption passive et prise illégale d'intérêts", avec mandat de dépôt dans les deux cas. Ce qui signifie une incarcération immédiate.

"La personne condamnée est [alors] interpellée à la barre" juste après le prononcé, explique Florence Rouas, avocate pénaliste contactée par franceinfo. "Mais le mandat de dépôt n'est possible que si la peine est égale ou supérieure à un an de prison. En outre, il doit être motivé, la plupart du temps par le risque de fuite de la personne ou le risque de renouvellement des faits", rappelle à franceinfo Vincent Charmoillaux, secrétaire général du Syndicat de la magistrature (SM). Si la personne condamnée ne se présente pas – ou n'est pas représentée au moment du délibéré, un mandat d'arrêt est émis. "On va la chercher et on l'amène à la maison d'arrêt", précise à franceinfo Jacky Coulon, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats (USM).

Troisième possibilité : le tribunal condamne Patrick Balkany à une peine de prison ferme, sans mandat de dépôt. Dans le cas où cette peine est inférieure ou égale à deux ans de prison ferme, elle peut être aménagée par un juge d'application des peines (JAP). Cette décision est prise une fois que la peine est définitive et "si le projet de la personne condamnée est cohérent". Cela peut passer par "une semi-liberté" ou "le port du bracelet électronique", souligne Vincent Charmoillaux. C'est ce qu'il s'est passé pour Jérôme Cahuzac, condamné en 2018 à quatre ans de prison, dont deux ferme, pour fraude fiscale. 

Une peine de prison ferme supérieure à deux ans ne sera, elle, pas aménageable. En l'absence de mandat de dépôt, ce sera au parquet de décider de sa mise à exécution. Si ce scénario venait à se concrétiser, Patrick Balkany repartirait donc libre après le délibéré. Le procureur lui enverrait ensuite un avis à se constituer prisonnier, "une sorte de rendez-vous", résume Jacky Coulon. "Mais si on pense que la personne condamnée n'ira pas d'elle-même, on envoie la police pour aller la chercher. On peut aussi émettre un mandat d'arrêt européen si elle est partie à l'étranger", précise le secrétaire général de l'USM.

Enfin, quatrième possibilité : Patrick Balkany est condamné, mais sans peine d'emprisonnement ferme. Il peut être condamné à une peine de prison avec du sursis et/ou à une amende. C'est, par exemple, ce que le parquet a requis contre Isabelle Balkany : le PNF a demandé quatre ans de prison avec sursis et 500 000 euros d'amende dans le second volet du procès.

2Patrick Balkany pourra-t-il faire appel ?

Bien évidemment. Le maire de Levallois-Perret pourra interjeter appel du jugement, dans un "délai de dix jours à compter du prononcé du jugement contradictoire". S'il n'est pas présent au délibéré, le délai commencera à partir de la signification de la décision par huissier.

S'il y a mandat de dépôt, c'est seulement après avoir fait appel que Patrick Balkany pourra déposer une demande de mise en liberté. La cour d'appel l'examinera et décidera de le laisser libre sous contrôle judiciaire ou de le maintenir en détention, en attendant le procès en appel. L'article 148-2 du Code de procédure pénale précise que cette décision doit être rendue dans les deux mois qui suivent la demande. En attendant, Patrick Balkany devra rester en prison. Si sa demande de mise en liberté est rejetée, il pourra en redéposer une.

S'il est condamné sans mandat de dépôt, quelle que soit la peine, l'appel est suspensif, ce qui signifie que le jugement ne peut pas être exécuté. Il sera donc libre en attendant un éventuel procès en appel. Seule exception : si le juge assortit la décision d'une exécution provisoire. Dans ce cas, le jugement s'applique en dépit de l'appel. "Mais il s'agit d'une mesure pour être encore plus sévère", souligne Florence Rouas.

3S'il est condamné, ses peines de prison vont-elles s'additionner ?

Visé par deux poursuites parallèles, Patrick Balkany attend deux jugements, donc potentiellement deux peines s'il est condamné. Néanmoins, le total des peines exécutées ne peut pas dépasser la peine maximale encourue pour les faits les plus graves (dix ans dans le cas de Patrick Balkany). Ce principe est automatique.

Il pourrait également demander à bénéficier d'une confusion de peines, indique Vincent Charmoillaux. Si le tribunal la lui accordait, seule la peine la plus élevée pourrait, par exemple, être retenue contre Patrick Balkany. Cette confusion (partielle ou totale) restant à l'appréciation du tribunal, difficile de prédire ce qui pourrait être décidé. "La confusion peut être demandée par le condamné au tribunal au moment où il prononce la peine ou bien plus tard, par voie de requête", précise le secrétaire général du SM.

4Pourra-t-il encore exercer son mandat de maire ?

Dix ans d'inéligibilité : c'est l'une des peines complémentaires requises à l'encontre de Patrick Balkany, dans le premier comme dans le second volet. Si le tribunal suit le procureur, Patrick Balkany sera donc contraint de démissionner. Impossible également de se représenter aux prochaines élections municipales. Son ou sa remplaçant(e) pourra être élu(e) au conseil municipal organisé après le délibéré, pour assurer l’intérim jusqu’aux municipales de mars 2020.

Reste que cette hypothèse n'est valable que si la peine devient définitive. Ainsi, Patrick Balkany pourrait continuer à exercer ses fonctions et se représenter en 2020 s'il fait appel d'un jugement non assorti d'exécution provisoire et à condition que la cour d'appel n'ait pas statué sur le fond avant les prochaines élections municipales. Or, il semble "improbable" que la cour d'appel ait le temps de statuer sur le fond car le "délai [jusqu'au scrutin] est court", estime Jacky Coulon.

5Va-t-il conserver les biens immobiliers qu'il détient avec sa femme ?

Oui, dans trois scénarios : s'il est relaxé, s'il fait appel ou si le tribunal ne prononce pas la confiscation des biens du couple. En revanche, les Balkany pourraient perdre ces biens immobiliers si le tribunal s'aligne sur le parquet, qui a demandé cette peine complémentaire. Lors des réquisitions, le procureur a ainsi demandé la confiscation du riad au Maroc, du produit de la vente de la villa Pamplemousse sur l'île antillaise de Saint-Martin et du moulin de Cossy à Giverny (Eure).

Cette dernière propriété de 1 300 m2 habitables, dont Patrick et Isabelle Balkany conservent l'usufruit, est officiellement leur résidence principale. A l'instar des deux autres demeures, elle avait déjà été saisie par la justice. Une "mesure provisoire" destinée à figer les biens et permettre au tribunal de se prononcer plus tard sur une confiscation. Dans ce cas, "on ne peut pas disposer du bien, on ne peut pas le vendre, mais on en reste propriétaire", explique Jacky Coulon.

Si la confiscation est prononcée par le tribunal, le résultat sera tout autre pour les Balkany. Une telle peine implique que la propriété des biens soit transférée à l'Etat. Si le moulin de Cossy est confisqué, les Balkany devront donc déménager, dans un délai suffisant pour leur permettre de trouver un nouveau logement. Pour la villa Pamplemousse, revendue en 2015 à un riche industriel italien, l'Etat récupérera l'argent de la transaction. Même sort pour le riad de Marrakech, tout comme pour les meubles prestigieux qui s'y trouvaient, si l'Etat décide de les vendre. 

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