Démission, maintien en fonction... Avant Richard Ferrand, qu'ont fait les politiques mis en cause dans des affaires ?
Mis en examen dans la nuit de mercredi à jeudi pour "prise illégale d'intérêts", le président de l'Assemblée nationale nie les faits et entend rester au perchoir.
Rester ou partir ? L'association anticorruption Anticor a estimé, jeudi 12 septembre, que le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, devait quitter ses fonctions après sa mise en examen pour "prise illégale d'intérêts" dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne.
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Si Richard Ferrand démissionnait, ce serait une première pour un président de l'Assemblée. Mais soutenu par la majorité et par le président de la République, le quatrième personnage de l'Etat a assuré qu'il n'envisageait pas de quitter le "perchoir". Franceinfo revient sur les cas de plusieurs personnalités politiques qui, par le passé, ont dû quitter leur poste après avoir été mis en cause dans des affaires.
Sous Macron, pas de doctrine particulière, mais plusieurs démissions
Depuis l'entrée en fonction d'Emmanuel Macron, plusieurs ministres mis en cause dans des affaires ont démissionné de leurs fonctions avant même d'être mis en examen : Laura Flessel, François Bayrou, Sylvie Goulard, François de Rugy... et Richard Ferrand. A peine nommé ministre de la Cohésion du territoire, il est épinglé par Le Canard enchaîné pour l'affaire des Mutuelles de Bretagne. "S'il est mis en examen, il devra quitter son poste immédiatement" avait indiqué Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement. Richard Ferrand conteste toute irrégularité, mais quitte le gouvernement en juin 2017.
Dans la foulée de sa démission, Richard Ferrand annonce briguer la présidence du groupe LREM à l'Assemblée nationale. Il est élu à la quasi-unanimité. "On a cherché celui qui pouvait être le meilleur pour présider le groupe, dans cette particularité d'un groupe puissant avec des députés qui ne se connaissent pas", expliquait Christophe Castaner. Il prend la succession de François de Rugy au "perchoir" lors de l'entrée au gouvernement de celui-ci après le départ de Nicolas Hulot de son poste de ministre de la Transition écologique, en septembre 2018.
Déjà, à ce moment, il indique qu'il ne compte pas démissionner s'il est mis en examen. "Une décision procédurale n'a pas vocation à décider de l'exercice d'un mandat parlementaire", précise-t-il dans Libération, rappelant qu'un "certain nombre de parlementaires mis en examen" sont toujours en fonction.
Si aucune obligation ne pèse sur sa décision, la volonté affichée par le gouvernement de moraliser la vie publique peut lui être opposée. Comme relevé par Le Parisien, dans un tweet datant d'avril 2017 – en pleine affaire Fillon – Richard Ferrand pointait "une droite" qui voudrait élire un homme "qui a perdu toute autorité morale".
Marc Fesneau, ministre chargé des Relations avec le Parlement, défend aujourd'hui Richard Ferrand. Il estime qu'il ne doit pas démissionner de ses fonctions. "Si on veut aller au bout de la présomption d'innocence, il ne faut pas tirer des conséquences d'un acte de procédure", indique-t-il sur BFMTV. Selon lui, une démission du président de l'Assemblée nationale "ne rendrait pas service à la justice" : la séparation des pouvoirs – législatif, exécutif, judiciaire – garantit l'indépendance de la justice, même si Richard Ferrand reste à la tête de l'Assemblée.
Dans les années 2007-2017, le virage de l'affaire Cahuzac
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012), plusieurs membres du gouvernement quittent leur poste en raison d'affaires. C'est le cas d'Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la Coopération et à la Francophonie, mis en cause pour un permis de construire illégal et pour la location d'un jet privé. Il démissionne en juillet 2010. Le même mois, le secrétaire d'Etat chargé du développement du Grand Paris, Christian Blanc, quitte également ses fonctions, après la révélation de ses dépenses en cigares (plusieurs milliers d'euros) réglées avec des fonds publics.
Quelques mois plus tard, Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique, est accusé de viol et d'agression sexuelle par deux anciennes employées. Il quitte le gouvernement en mai 2011, à la demande du Premier ministre, François Fillon. Il bénéficie ensuite d'un non-lieu dans cette affaire, en 2014.
Lors du mandat de François Hollande (2012-2017), des faits particulièrement embarrassants pour un ministre du Budget précipitent le départ de Jérôme Cahuzac, en 2013. Il quitte le gouvernement le jour de l'ouverture d'une information judiciaire après les révélations de Mediapart sur ses comptes cachés à l'étranger.
En 2014, Thomas Thévenoud, secrétaire d'Etat au commerce extérieur du gouvernement Valls II, démissionne neuf jours après sa nomination, après un "problème de conformité avec le fisc". Bruno Le Roux, ministre de l'Intérieur de Bernard Cazeneuve, démissionne en 2017 à la suite des révélations sur l'embauche en tant que collaboratrices parlementaires de ses filles, à l'époque encore mineures.
Dans les années 1990, la "jurisprudence Bérégovoy-Balladur"
La "jurisprudence Bérégovoy-Balladur" veut qu'un ministre mis en examen ou en passe de l'être ne reste pas en fonction. Cette règle implicite du monde politique n'est en aucun cas une obligation : les concernés peuvent se l'appliquer à eux-mêmes ou se voir intimer la demande de démission par le Premier ministre ou le président de la République.
Bernard Tapie, ministre de la Ville de Pierre Bérégovoy en 1992, démissionne sur demande du Premier ministre quelques jours avant d'être mis en examen dans le cadre d'un litige privé et commercial. A l'époque, les poids lourds du PS, Laurent Fabius et Pierre Mauroy, incitent Pierre Bérégovoy à exiger cette démission. Question d'image et de confiance envers un gouvernement qui a fait de l'honnêteté la valeur cardinale de sa politique.
En 1994, Edouard Balladur reprend cette règle, alors que plusieurs ministres de son gouvernement sont mis en cause dans diverses affaires judiciaires. Alain Carignon, Gérard Longuet et Michel Roussin rendent successivement leurs portefeuilles ministériels.
Quelques années plus tard, c'est Dominique Strauss-Kahn qui démissionne du ministère de l'Economie. Il est alors mise en cause dans l'affaire de la Mnef. Bien que Dominique Strauss-Kahn ne fasse pas l'objet d'une mise en examen, le Premier ministre, Lionel Jospin, estime que ce geste calmera les médias et l'opinion publique.
La présidence de l'Assemblée nationale n'a jamais été soumise à la jurisprudence Bérégovoy-Balladur. En 1997, Laurent Fabius a d'ailleurs été élu à ce poste alors qu'il était mis en examen dans l'affaire du sang contaminé.
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