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Déclaration de patrimoine : Yamina Benguigui dément toute "fraude" ou "enrichissement personnel"

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a annoncé avoir "un doute sérieux" sur les déclarations de patrimoine la ministre et conseillère PS de Paris.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Yamina Benguigui, la ministre de la Francophonie, à l'Elysée, le 26 mars 2014. (ALAIN JOCARD / AFP)

Après l'affaire Cahuzac, la gauche se dirige-t-elle vers une affaire Benguigui ? La Haute Autorité pour la transparence a indiqué, lundi 31 mars, avoir "un doute sérieux quant à l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité" des déclarations de patrimoine "déposées en 2012, 2013 et 2014" par Yamina Benguigui, la ministre déléguée chargée de la Francophonie. Elle a donc a transmis ces informations au parquet de Paris.

Cette décision a eu une première conséquence. Selon son entourage, confirmant une information du Monde, la nouvelle maire socialiste de ParisAnne Hidalgo, a demandé à Yamina Benguigui de démissionner du Conseil de Paris. La conseillère municipale venait tout juste d'être réélue en sixième position sur la liste PS dans le 10e arrondissementYamina Benguigui dément toute "fraude" ou "enrichissement personnel". Mais le dossier soulève plusieurs questions.

Quel patrimoine la ministre a-t-elle déclaré ?

C'était le lundi 15 avril 2013. Les patrimoines des 38 membres du gouvernement étaient publiés sur le portail du gouvernement. Une première dans la vie politique française. La ministre déléguée chargée de la Francophonie déclarait 268 047,03 euros de patrimoine total.

Elle en donnait le détail : 192 767,74 euros d'assurance-vie sur deux comptes distincts, 75 080,45 euros de valeurs mobilières, principalement 39,6% des parts dans une société de production, la SAS Elemiah, 15 000 euros de meubles, bijoux et autres objets d'art et enfin 198,84 euros répartis sur trois comptes épargne.

Quels soupçons pèsent sur Yamina Benguigui ?

La ministre est accusée par l'hebdomadaire Marianne, depuis mercredi 19 mars, d'avoir menti sur cette déclaration de patrimoine. Elle aurait omis de déclarer qu'elle détenait 20% d'une société anonyme de droit belge, G2, domiciliée à Bruxelles, pour une valeur totale de 430 000 euros. Une accusation reprise par Le Canard enchaîné.

Yamina Benguigui était copropriétaire de cette holding depuis 2005, précise Le Monde. La société, créée cinq ans plus tôt, possède notamment 99% de Bandits Production, qui a produit des films de la ministre, par ailleurs réalisatrice et écrivaine. La conseillère municipale aurait même dû déclarer ses parts dès 2008, quand elle est devenue adjointe à la mairie de Paris, même si cela n'était pas un délit à l'époque, a expliqué la Haute Autorité.

Selon Le Canard enchaîné, Yamina Benguigui a cédé ses parts à sa société en février 2013, pour un euro symbolique, avec la possibilité de les lui racheter au même prix. Cette convention de portage comporte en effet un droit de retour automatique de son bien, dès la fin de ses fonctions gouvernementales. Ce montage financier est "légal", précise l'hebdomadaire satirique. Pour autant, la ministre reste "proprio" de ces actions, assure le journal. Elle aurait donc dû en faire état dans sa déclaration de patrimoine.

Mais la valeur même de ces actions fait polémique. A l'été 2013, l’administration fiscale est intervenue, raconte Marianne. Cela a abouti à la vente des actions, en janvier. Une vente pour un montant de 430 000 euros, précise l'hebdomadaire, qui se fonde sur un document enregistré au greffe de BruxellesLe Monde ajoute que bien qu'elle ait racheté ces actions, Yamina Benguigui n'en a pas fait mention dans sa nouvelle déclaration de patrimoine, publiée le jour même, le 29 janvier.

Comment se défend la ministre ?

La ministre a "démenti formellement les propos inexacts" tenus par Marianne et a retracé la chronologie des faits afin de se dédouaner.  

"En février 2013, soit avant les premières déclarations de patrimoine", elle dit avoir "procédé à la cession de [ses] parts dans la société G2". "Aussi, lorsque j'ai rempli ma déclaration de patrimoine en avril 2013, je ne disposais plus d'aucune part sociale au sein de la société G2, de sorte que c'est à juste titre que je n'en ai pas fait mention", explique-t-elle dans un communiqué. 

"A la suite d'une préconisation de l'administration fiscale, j'ai dû modifier l'opération de cession de mes parts dans la société G2. En janvier 2014, les parts ont ainsi été cédées, selon un prix fixé de façon neutre et indépendante, à dire d'expert. Je n'ai perçu aucun produit de cette cession compte tenu de l'insuffisance de trésorerie de la société G2", poursuit la ministre. 

Que risque-t-elle si ces faits sont avérés ?

La direction générale des Finances publiques a enquêté, écrit Le Monde. Et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, une instance administrative indépendante, créée après le scandale provoqué par la mise en examen pour "blanchiment de fraude fiscale" de Jérôme Cahuzac pour examiner les déclarations d'intérêts et de patrimoine des élus et des hauts fonctionnaires, a demandé des explications écrites à la ministre. 

Un "rapporteur indépendant", "membre du Conseil d'Etat", "a épluché les comptes", poursuit le journal du soir. Il a rendu son rapport à la Haute Autorité, jeudi 27 mars. Lundi 31 mars, les membres de la Haute Autorité, présidée par l'ancien procureur général de la Cour de cassation Jean-Louis Nadal, ont décidé "à l'unanimité" de saisir le procureur de la République.

Selon la nouvelle loi sur la transparence de la vie politique, adoptée en octobre 2013 après l'affaire Cahuzac, ces "manquements" sont susceptibles d'être punis de trois ans de prison, 45 000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité.

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